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"Je pense lucidement que je ne ferai jamais plus de cinéma" : la carrière de ce formidable réalisateur français a été détruite après l'échec de son film il y a 20 ans

© Capture d'écran YouTube

Cinéaste rare, qui connaîtra un gros succès en salle avec son bouleversant "Grand chemin" en 1987, Jean-Loup Hubert a vu sa carrière brutalement stoppée après l'échec cuisant de son dernier film, qui remonte à 20 ans déjà...

Le réalisateur Jean-Loup Hubert a connu pour son troisième film, en 1987, un très grand succès en salle avec le formidable et émouvant Grand chemin. Un drame salué par la critique et par plus de 3,1 millions de spectateurs, qui vaudra à Anémone et Richard Bohringer les César de la Meilleure actrice et du Meilleur acteur en 1988.

Cinéaste rare et peu prolifique (à peine neuf films entre 1981 et 2004), sa carrière s'est brutalement enlisée voilà déjà vingt ans, après la sortie de ce qui reste pour l'heure son dernier film, 3 petites filles, emmené par le duo Gérard Jugnot et Adriana Karambeu.

A la faveur de la parution en Blu-ray de quatre de ses films, le cinéaste s'est confié avec une grande sincérité dans les pages du dernier numéro du magazine Les Années Laser, balayant une carrière prématurément stoppée.

"Il venait de tuer à la fois mon film et ma carrière"

En 1997, l'échec de son film Marthe, un drame sur fond de guerre 14-18 porté par Guillaume Depardieu et Clotilde Courau, a déjà résonné comme un signal d'alarme, n'attirant qu'un peu plus de 137 000 spectateurs.

"Ce film, que je considère comme un de mes plus forts [...] a eu un destin terrible. [...] Trois jours avant sa sortie, Guillaume et Clotilde sont invités dans le cadre de sa promotion au 20h de France 2.

Déjà très malade au moment du tournage, durant lequel il s'était régulièrement imbibé d'alcool et d'héroïne au point d'en devenir ingérable, Guillaume, visiblement ivre au dernier degré, est apparu chaussé de lunettes noires, une cigarette allumée à la main, incapable de tenir un propos cohérent, la voix traînante, râleur, vulgaire, pathétique", confie le cinéaste.

"C'était à pleurer", poursuit-il. "Il venait de tuer à la fois mon film et ma carrière. Résultat : Marthe a été un échec effroyable sans doute imputable à son sujet, [...] toute la profession m'a claqué la porte au nez, et malgré toutes les propositions que j'ai pu faire, je suis resté sept ans sans tourner".

"C'est une situation extrêmement douloureuse pour moi"

Après cette traversée du désert, qu'on imagine évidemment très frustrante et minant son moral, Jean-Loup Hubert revient avec un nouveau film, 3 petites filles. Cette fois-ci une comédie, centrée sur sa propre fille, 14 ans à l'époque, qui devait jouer dedans, ainsi que deux de ses amies.

"Vu la catastrophe de Marthe, j'ai mis un an à trouver une production, et quand le financement a fini par arriver, Pauline [NDR : sa fille] m'a dit : "je ne veux plus le faire parce que j'ai grandi". Et comme elle était la leader de son petit groupe, ses amies ont également refusé. J'avais l'argent, j'avais le scénario, mais je n'avais plus de casting !

J'ai donc engagé trois autres jeunes comédiennes, j'ai formé un couple de parents avec Gérard Jugnot et Adriana Karambeu parce que j'avais aussi envie de montrer, sur le modèle de Sophia Lauren et Carlo Ponti, qu'un homme au physique on va dire "banal" et une femme somptueuse pouvaient très bien s'aimer à la folie..."

Sorti en septembre 2004, ce sera un nouvel échec pour le cinéaste, avec à peine plus de 104 000 spectateurs. Si dévastateur pour lui qu'il n'a plus rien tourné depuis.

Et de conclure tristement : "Ça fait aujourd'hui vingt ans qu'on me refuse de retourner derrière une caméra, quand bien même j'ai sept scénarios prêts à être tournés. C'est une situation extrêmement douloureuse pour moi, je pense lucidement que je ne ferai plus jamais de cinéma, ça me manque terriblement".

publié le 13 décembre, Olivier Pallaruelo, Allociné

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