C'est le film le plus glaçant de janvier et il s'inspire d'une terrible histoire vraie : Le Dossier Maldoror est à voir dès aujourd'hui au cinéma
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Le cinéaste belge Fabrice du Welz est de retour avec "Le Dossier Maldoror", un thriller glaçant, librement inspiré de l'affaire qui a défrayé la chronique en 1995 : l'affaire Marc Dutroux. Un film intense à ne pas manquer au cinéma.
Le Dossier Maldoror, c'est 2h30 de souffle coupé. Avec son nouveau thriller, le réalisateur belge Fabrice du Welz, rouvre une page sombre de l'histoire de la Belgique qui laisse encore aujourd'hui des stigmates : celle de l'affaire Dutroux.
Porté par le toujours excellent Anthony Bajon et par les très bons Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle et Jackie Berroyer, le long métrage est librement inspiré de cette terrible affaire de pédophilie qui a bouleversé le pays et captivé l'attention des médias dans les années 1990.
Cependant, le long métrage n'est pas l'adaptation stricto sensu de l'affaire, puisque le réalisateur et son co-scénariste Domenico La Porta, ont choisi de mêler histoire vraie et fiction.
Le Dossier Maldoror se déroule en Belgique, plus précisément à Charleroi, en 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier (Anthony Bajon), jeune gendarme idéaliste, rejoint l'opération secrète « Maldoror » dédiée à la surveillance d'un suspect récidiviste. Confronté aux dysfonctionnements du système policier, il se lance seul dans une chasse à l'homme qui le fera sombrer dans l'obsession.
Pour la petite histoire, le terme "Maldoror" fait référence à l'ouvrage de poésie "Les Chants de Maldoror" publié en 1869 par l'auteur français-uruguayen Isidore Ducasse sous le pseudonyme de comte de Lautréamont. Fabrice du Welz explique dans le dossier de presse que l'auteur y explore le mal à son époque : "Comme lui, j'ai voulu sonder l'essence du mal, l'impunité avec laquelle il se propage, et ses conséquences, mais à notre époque."
Un mélange entre réalité et fiction
A l'occasion de la sortie du film nous nous sommes entretenus avec Fabrice du Welz et Anthony Bajon. Le réalisateur nous explique pourquoi il s'est intéressé à cette affaire.
"J'avais environ 20 ans quand l'affaire s'est déroulée en Belgique. Je suis Belge, je suis de Bruxelles. J'étais le témoin impuissant de cette descente en absurdie qu'on a vécue. D'abord l'effroi, l'horreur, la découverte des corps et puis après tous les dysfonctionnements qu'on a découvert. Déjà, à l'époque, je me souviens que je me disais qu'il faudrait en faire un film, mais j'étais beaucoup plus jeune, je n'avais pas d'expérience, je n'avais pas beaucoup d'épaisseur.
Donc quelques décennies - et échecs - plus tard, je me suis dit qu'il était peut-être temps, en tout cas, de me confronter à quelque chose qui me dépasse complètement. Et puis j'ai eu une sorte de révélation, en trouvant la porte d'entrée à cette affaire. C'était le personnage de Paul Chartier, ce jeune gendarme zélé et impulsif, qui se confronte à cette affaire dans un moment particulier."
C'est donc via l'histoire de Paul Chartier que le cinéaste ouvre la page de la grande Histoire : la guerre des polices qui a fait s'enliser l'enquête, les témoignages du comportement étrange de Marcel Dedieu (le Marc Dutroux du film, ici incarné par un Sergi Lopez effrayant), son arrestation et son évasion... . Si la première partie du film est très fidèle à la réalité, la seconde glisse du côté de la fiction pure.
Une seconde partie purement fictionnelle
Le metteur en scène nous confie : "Ce qui m'intéresse, c'est l'approche fictionnelle. C'est-à-dire qu'effectivement, parfois, le film ressemble à un d'un documentaire, parce que tout a l'air si vrai. En tout cas, on s'est beaucoup échiné à faire que ce soit de la sorte.
Mais pour moi, ce genre d'affaires ; en tout cas, une compréhension universelle de certains sujets terribles, ne peut se faire que par la fiction, que par la tragédie, qui permet aussi une forme de résilience ou de catharsis. Et donc cette deuxième moitié est une uchronie complète, on bascule dans quelque chose d'autre."
Fabrice du Welz ajoute : "Mon intention, était vraiment de mettre Paul Chartier (NDLR : personnage fictionnel qui s'inspire néanmoins lointainement de véritables protagonistes de l'affaire ) à l'intersection des deux questions qui irriguent le film : la justice et le mal. Comment un homme juste peut faire dans une société où la justice déraille à ce point ? Qu'est-ce qu'il peut faire, lui ? Et Je trouve la question vertigineuse, moi.
C'est un jeune homme qui est empêché, impuissant face à la justice. Une justice qui ne fonctionne pas. On a essayé de rendre des deux sujets viscérales dans le corps de Paul. "
Tourner à Charleroi pour plus d'authenticité
Et pour plus de véracité, l'équipe a tourné le film à Charleroi, lieu où se sont déroulés les drames 30 ans auparavant.
Fabrice du Welz nous explique son choix : "J'ai fait un film qui s'éloigne, je crois, de mes précédents films, je voulais être sec, assez âpre, le plus authentique possible. C'était vraiment une obsession pour moi, être authentique dans le choix de tous les éléments qui constituent le film. Ça va du casting, aux décors. Donc, j'avais besoin de gens qui portent en eux quelque chose et qui puissent en faire vivre ce quelque chose et ce lieu, les lieux hantés par l'affaire, en l'occurrence, Charleroi.
Et puis après, on a essayé de faire du cinéma, c'est-à-dire que d'abord, on a écrit un scénario, qui nous a demandé beaucoup de temps parce que le sujet est complexe. Il y a énormément de personnages, il y a beaucoup de lieux. Mais il s'agissait en tout cas d'être au plus proche d'une certaine réalité."
Anthony Bajon ajoute : "Charleroi a été une merveilleuse terre d'accueil pour nous. Les habitants ont été très chaleureux. En tout cas, on a ressenti beaucoup d'enthousiasme et d'empathie de la part de ces gens qui sont encore traumatisés."
Sur son rôle, d'une grande intensité, l'acteur ajoute : "Le rôle était très éprouvant, mais c'est un honneur pour moi qu'on me propose une arche comme ça, immense, transformatique, d'un personnage qui commence adolescent et qui finit adulte.
Concernant la préparation, iI y a eu d'abord ce que j'appelle de l'information, c'est-à-dire que j'ai écouté des podcasts, j'ai regardé des documentaires, des reportages, lu des choses, des articles... Et puis, ce dont je me souviens surtout, c'est ce qu'on a vécu à Charleroi avec Fabrice durant la préparation. Toute l'atmosphère, l'ambiance qu'il y avait... On est immédiatement dans le film."
Le Dossier Maldoror est bien plus qu'un simple thriller : c'est une plongée vertigineuse dans les ténèbres, où réalité et fiction se mêlent pour interroger notre rapport au mal et à la justice. À travers le parcours de Paul Chartier, Fabrice Du Welz offre une réflexion universelle sur les limites de l'humanité face à l'horreur et pousse les spectateurs à la réflexion et à l'introspection. Comment agir face au mal à l'état pur ? Qu'auriez-vous fait à la place de cet homme qui a voué sa vie à cette enquête ?
Ce film choc, d'une intensité rare, s'impose comme un incontournable de ce début d'année. À découvrir dès ce mercredi au cinéma.
publié le 15 janvier, Laëtitia Forhan, Allociné