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"On savait qu'on était attendus au tournant" : l'équipe de Vermines commente ses 2 nominations aux César

Vermines, 1er film d'araignées français de Sébastien Vaniček est nommé aux César dans 2 catégories : Meilleur Effets Visuels et Meilleur Premier Film, un fait rare pour un film de genre. Rencontre avec le réalisateur et le producteur Harry Tordjman.

C'est le premier film de genre français avec des araignées, et c'est déjà un beau succès !

Sorti dans nos salles le 27 décembre dernier, Vermines de Sébastien Vaniček cumule, à date, 247 798 entrées dans les salles françaises sur 190 cinémas. Pour son premier jour d'exploitation en salles, le long métrage horrifique a fait venir 19 815 spectateurs. C'est le meilleur démarrage pour un film d'horreur en français depuis Promenons-nous dans les bois de Lionel Delplanque en 2000 (qui avait enregistré plus de 30 000 entrées lors de sa sortie en salles). Vermines a une note spectateurs moyenne de 3,8 étoiles sur 5 alors que Promenons-nous dans les bois a une note spectateurs de 1,1 étoile à titre de comparaison...

Avant sa sortie, Vermines a fait la tournée des festivals, et a notamment été présenté en avant-première mondiale en clôture de la semaine de la critique de la Mostra de Venise. Ce qui a permis au premier long métrage de Sébastien Vaniček d'être chroniqué dans la presse internationale (Variety, Deadline ou encore le site US spécialisé Bloody Disgusting).

Et depuis le 24 janvier dernier, Vermines a également la reconnaissance de ses pairs puisque le film a décroché 2 nominations aux César : Meilleur premier film pour son jeune metteur en scène Sébastien Vaniček et Meilleurs effets visuels pour Léo Ewald des studios Mac Guff.

C'est seulement la seconde fois qu'un film d'horreur français est cité dans la catégorie Meilleure première œuvre après Grave de Julia Ducournau en 2017. Quatre ans plus tard, la cinéaste française décrochait la Palme d'or lors du Festival de Cannes pour Titane...

C'est quoi Vermines ?

Tourné avec de véritables araignées afin de rendre le film plus réaliste, ce thriller porté par Théo Christine, Finnegan Oldfield, Jérôme Niel, Sofia Lesaffre et Lisa Nyarko se déroule dans un immeuble de Noisy-Le-Grand. Kaleb, passionné d'animaux exotiques, rentre un jour chez lui avec une araignée venimeuse et la laisse accidentellement s'échapper. Les habitants vont alors devoir se battre pour leur survie.

Premier film français avec des araignées, le long métrage a un parti pris qui devrait étonner les spectateurs. Loin de diaboliser les arthropodes, Vermines tente en effet de faire comprendre que, malgré leur aspect peu attirant, les araignées ne sont pas les bestioles affreuses et sanguinaires qu'on nous décrit dans les films depuis de nombreuses années. Un film très métaphorique avec un message politique (qu'on vous explique en détails ici).

Devant un tel succès et après ces deux belles nominations aux César, qui prouvent que le film de genre français commence enfin à être mieux considéré, AlloCiné a interrogé le réalisateur Sébastien Vaniček et le producteur de Vermines Harry Tordjman sur ces nominations.

Nommé au César du Meilleur premier film

Vermines est nommé en tant que meilleur premier film aux côtés de Bernadette de Léa Domenach, de Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, du Ravissement d'Iris Kaltenbäck et de Vincent doit mourir de Stephan Castang. 

Un mélange des genres qui montre toute la diversité du jeune cinéma français selon Sébastien Vaniček, qui déclare à notre micro : "C'est assez rare que des films de genre soient aux César, mais j'ai bon espoir que ça le soit de moins en moins. Cette année est un peu charnière. Il y a eu des propositions tellement différentes comme Le Règne animal ou encore Anatomie d'une chute. Je trouve que le cinéma français est en train de s'élargir.

Je trouve que le cinéma français est en train de s'élargir On arrête de différencier le cinéma d'auteur et le cinéma de genre. Il n'y a plus de frontières. Le cinéma de genre est du cinéma d'auteur et le cinéma d'auteur peut être très genré. Et il y a toute une nouvelle génération de réalisateurs qui est là pour casser les codes.

Et on le voit avec la sélection cette année qui est ultra éclectique. Je pense qu'il y a un bon espoir pour le cinéma de demain, en tout cas, dans cette catégorie meilleur premier film, on voit à quel point le prisme est large. C'est un peu la catégorie du web, du cinéma de demain. C'est un peu pour moi le meilleur espoir, au même titre que les acteurs et actrices. On montre un peu de quoi le cinéma français de demain sera fait, et être au milieu d'un spectre de propositions aussi large c'est extraordinaire."

Des nominations inattendues et rassurantes pour le cinéma de genre français

De son côté, le producteur Harry Tordjman - également à l'œuvre sur les séries Bref et Serge le mytho - nous déclare : "J'ai été très agréablement surpris mais j'ai surtout trouvé ces nominations très rassurantes. Comme un message clair du milieu qui nous dit : "Bienvenue à Vermines, au genre, aux propositions différentes, innovantes au sein du Cinéma Français".

L'équipe et en particulier Sébastien n'en revenait pas. Il avait, tout comme moi, les larmes aux yeux. On s'est dit que la passion, l'exigence, la prise de risque en création et en production ont été saluées.

Ce film ne rentre dans aucune case et continue son destin unique depuis le début : Sélection à la Mostra de Venise, salué par des personnes très différentes comme Sam Raimi, Olivier Nakache, Alexandre Aja ou Gilles Lellouche, être un succès public avec déjà presque 250 000 entrées en salles et avoir des incroyables critiques tant dans L'Ecran Fantastique, Mad Movie que Télérama, Les Cahiers du Cinéma ou Le Masque et la Plume.

Vermines bouscule le paysage du cinéma Français Je ressens que Vermines bouscule le paysage du cinéma Français avec beaucoup d'humilité, probablement parce que c'est une proposition sincère, faite avec les tripes. Ce qui m'a passionné dans la proposition de Sébastien, c'est qu'il nous offre une vraie proposition artistique non seulement divertissante mais, surtout, qui a du sens, avec ce qu'il raconte au fond, sur nous et notre société."

Pour sa part, le jeune metteur en scène a été très surpris de voir son nom cité en tant que Meilleur premier film aux César. Il nous confie : "Je ne m'attendais pas du tout à être nommé aux César. Je suis vraiment très surpris. C'est quelque chose qu'on espère même pas. C'est extraordinaire, surtout pour un film de terreur français et encore plus avec un film de monstres. Je suis super heureux et reconnaissant. Avec ces nominations, on a déjà tout gagné. Tous ceux qui ont participé à ce projet ont pris un risque. Un film de monstre en France, c'est risqué. C'était un gros risque pour ceux qui ont mis de l'argent.

Et puis les comédiens qui se sont impliqués à fond dans ce film, sans savoir qui j'étais. Je n'avais rien fait avant part des courts métrages, et sur le papier Vermines était ultra casse gueule. Pourtant ils m'ont fait confiance, ils m'ont suivi. Donc je suis très heureux que tout ça soit reconnu par la profession. Mais c'est un film qui ne cesse jamais de me surprendre."

Si Sébastien Vaniček ne s'attendait pas à figurer dans cette catégorie, il espérait néanmoins une citation au César des Meilleurs effets visuels pour le studio Mac Guff qui l'a accompagné tout au long de l'aventure Vermines.

Car si le film a en grande partie été tourné avec de véritables araignées, des effets visuels ont bien évidemment été nécessaires, notamment quand les araignées grossissent. Le cinéaste a donc travaillé avec le studio Mac Guff - déjà à l'œuvre sur Le Règne Animal, Lupin et Moi, moche et méchant. Les araignées ont ainsi été scannées en 3D et la taille des bestioles a ainsi pu être gérée par ordinateur.

Le metteur en scène développe : "Concernant la nomination pour les meilleurs effets visuels, je suis tellement heureux pour eux. C'est quelque chose que j'attendais et que j'espérais vraiment. Je pense que leur travail doit être reconnu. Ils se sont vraiment donnés à fond pour ce film. Ils sont allés beaucoup plus loin que ce que stipulaient les petits mots qui étaient écrits dans le contrat.

On savait qu'on était attendu au tournant. On savait qu'on était attendu au tournant avec une promesse comme ça : un film avec des araignées dans un immeuble. Des monstres en France, il fallait être à la hauteur. Et le studio Mac Guff a vraiment répondu présent et je suis enchanté que leur travail soit reconnu."

Un avenir radieux pour les films de genre français ?

La belle carrière de Vermines est-elle un signe d'embellie pour le cinéma de genre français ? Pour le producteur Harry Tordjman tout dépendra du public.

"Une question que je me suis souvent posée, c'est : qu'est-ce que j'aimerais voir ? En tant que producteur, bien sûr, mais surtout en tant que spectateur. En France, on a tendance à vite tomber dans la noirceur des films d'auteurs ou dans la caricature des comédies. Mais les meilleures propositions sont, pour moi, celles qui parviennent à te faire frissonner, rire et pleurer en l'espace de quelques minutes. Les coréens sont les maîtres en la matière (je pense évidemment à Parasite de Bong Joon-Ho).

Réconcilier le public français avec les films de genre Au final, ce sera au public de trancher. Mais les propositions que nous allons lui faire ces prochaines années vont être décisives : au-delà de réhabiliter le genre en France, il faut réconcilier le public français avec ce qu'on lui donne à voir de ce côté-là depuis des années.  

Il me semble que le public a envie, et peut-être même besoin, de se connecter à ses émotions en salle. Pour qu'un film puisse générer ça, il faut une histoire puissante, une mise en scène créative, des comédiens ultra engagés et une envie, tant en mise en scène qu'en production d'être sincère et généreux à tout point de vue. Le public ressent cela, j'en suis persuadé !"

Et si le public est au rendez-vous, les financiers auront peut-être moins d'appréhensions pour produire ce genre de films. Car Vermines n'a pas été simple à monter comme nous l'explique son producteur : "Nous avons demandé toutes les aides publiques possibles pour ce film. Heureusement, les effets visuels ont été soutenus. Mais Vermines s'est principalement monté par de l'argent "privé" comme le soutien de Netflix en préachat que je remercie pour sa confiance.

Remporter ces Prix aux César serait une consécration, bien sûr, mais aussi un appel au Cinéma Français, et toutes les commissions françaises et régionales, à soutenir davantage de talents et leurs producteurs avec des propositions originales."

Sorti en contre-programmation durant les vacances de Noël, face aux grosses machines Wonka, Aquaman 2, Les Trois Mousquetaires : Milady, Wish et Migration, Vermines est parvenu à tisser sa toile et à attirer un large public, et ses deux nominations aux César devraient convaincre de nouveaux spectateurs de se ruer en salles pour découvrir le film.

Harry Tordjman conclut : "Ce qui me frappe toujours après avoir vu ce film des dizaines de fois, c'est son efficacité. Ça joue forcément pour en parler autour de soi. Alors, parlez-en ! Et j'espère que les membres de l'Académie des César voteront pour Vermines comme symbole d'une nouvelle proposition dans le Cinéma Français."

Vermines est actuellement au cinéma.

publié le 29 janvier, Allociné

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