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EXCLU - Jérémie Elkaïm : "Je ne cherche pas à construire une carrière"

Jérémie Elkaïm lors de la conférence de presse de

© Marechal Aurore, Abaca

À l'occasion de la sortie du thriller "Dans la forêt", ce mercredi 15 février, nous avons eu la chance de rencontrer la star du film, le talentueux Jérémie Elkaïm, qui y livre une prestation étonnante, aux côtés de deux jeunes acteurs très prometteurs : Timothé Vom Dorp et Théo Van de Voorde.

Orange Cinéma : L'ambiance du film est particulièrement angoissante. Celle-ci se ressentait-elle dès la lecture du scénario ?

Jérémie Elkaïm : Le scénario a beaucoup évolué, il y a des choses qui ont changé par rapport au film fini mais effectivement on sentait déjà cette atmosphère. C'était très bien écrit, Dominik Moll et Gilles Marchand écrivent vraiment bien. Il y avait quelque chose de très captivant et en même temps inquiétant.

"Dans la forêt" est seulement votre deuxième long-métrage en tant que producteur et le premier dans lequel vous jouez également. Quel a été le moteur de cette double implication ?

Au départ, avec Valérie Donzelli - qui produit avec moi - on avait décidé de monter une société de production pour accompagner des metteurs en scène dont on aime le travail. Ça nous excitait d'être des accompagnants à tous les stades de fabrication. On savait que Gilles écrivait et on lui a dit : "Oh tu crois qu'on pourrait lire ?" Il nous a fait lire une sorte de scénario pas terminé, mais qui ressemble beaucoup au film tel qu'il est aujourd'hui et on a été enthousiasmés. Tout de suite, je voyais dans le scénario des choses qui me plaisaient : qu'on suive le point de vue de cet enfant, que le film soit beaucoup sur les sensations de l'enfance, que ce soit une aventure, qu'il y ait un glissement progressif sans jamais chercher à être explicatif, tout en produisant beaucoup d'effets. Je crois que j'aime beaucoup les films dont, parfois, je ne comprends pas tout mais qui me produisent des émotions.

Avez-vous puisé dans votre relation avec vos propres enfants pour incarner ce père de famille ?

Évidemment. Pour jouer le père, je réfléchissais à moi comme père, et comme enfant aussi d'ailleurs. Je me disais que oui, il est dérangé, mais malgré tout, c'est quand même un père qui cherche à réussir son rapport avec ses enfants et j'aimais bien l'idée de se poser la question de la transmission. Il a un rapport très spécial au tout petit, et ce que j'aime, aussi bien avec le petit qu'avec mon personnage, c'est que ce sont des personnages qui ne ferment pas toutes les portes. On a tendance, quand on est adulte, à mettre du rationnel partout pour se rassurer. Quand on est enfant, on le fait moins. Ce personnage du père, quitte à en devenir presque toxique et abusif, ne va pas fermer toutes les portes et c'est donc toutes ces zones-là qui m'intéressaient, la part ambiguë du film.

Comment avez-vous abordé le travail avec les acteurs qui jouent vos fils ?

Gilles Marchand cherchait un enfant qui soit un peu spécial, qui dégage quelque chose de particulier, un regard, une attitude... Qu'on puisse se dire "Est-ce que cet enfant pourrait vraiment être différent des autres ?" Et, dès les essais, Timothé Vom Dorp jouait de manière impressionnante parce qu'il ne lâchait pas. La plupart des enfants, quand on les fait jouer, même quand ils y croient, à un moment, ils peuvent sortir du jeu pour rigoler ou regarder la caméra, parce qu'ils sont mal à l'aise. Ce qui était impressionnant avec lui, c'est qu'il ne lâchait jamais : quand il joue, c'est jusqu'au bout, il ne lâche pas le jeu. Ça nous permettait à tous de travailler de façon classique. C'était pour moi un tournage vraiment très agréable et jamais je ne me suis dit que le fait que ce soit des enfants me pesait. Et, alors que le film est plutôt noir, l'ambiance générale du tournage était vraiment très agréable. C'est bizarre mais c'est souvent le cas.

Le film laisse beaucoup de questions en suspens, quelle en est votre interprétation ?

C'est vrai que le film laisse beaucoup de choses ouvertes et je pense qu'il y a autant d'interprétations possibles que de gens qui verront le film. Il y a malgré tout un mouvement qui me touche beaucoup, c'est le mouvement de l'enfant qui, pour moi, fait un voyage initiatique et grandit au travers de cette aventure. Il fait une chose que je trouve très belle : alors qu'il a très peur de choses inquiétantes (son père et d'autres choses mystérieuses de la forêt), à un moment, il décide de les regarder, d'aller vers elles. Et, pour moi, le film raconte que, quand on va vers les choses qui nous font peur ou qui nous semblent inconnues, lointaines ou monstrueuses, on en a un peu moins peur. Parfois, regarder les choses, c'est important.

Vous avez l'air plutôt exigeant sur les rôles que vous acceptez, qu'est-ce qui guide vos choix ?

C'est un truc qui se fait à deux, c'est à la fois ce que j'inspire et puis ce qui me touche et m'intéresse. Ce qui guide mes choix, c'est le cinéma. Ce que je veux dire par là, c'est que plus il y a d'enjeux de cinéma, c'est-à-dire l'envie d'essayer, de rechercher quelque chose dans la mise en scène, plus ça me plaît. Presque plus que les sujets de société, que le genre, que les acteurs, c'est le pari qu'on s'apprête à faire qui m'excite. Et les metteurs en scène qui font ce pari, évidemment. Après, plus concrètement, je suis un drôle d'acteur puisque, comme j'étais très cinéphile adolescent, ce qui me plaît, c'est de faire du cinéma. Je ne suis pas venu au cinéma en voulant être comédien, je le suis devenu par la force des choses en jouant dans des films d'amis à moi. Je ne cherche pas du tout à construire une carrière. C'est aussi ce qui crée de la disparité. Je préfère peu tourner mais tourner dans des choses où je me sens à ma place, plutôt que d'enchaîner les films parce que c'est ce qu'il faut faire quand on est acteur. Ce qui me plaît, c'est d'être dans des aventures de cinéma excitantes.

Est-ce que vous avez des projets qui ne sont pas encore annoncés, peut-être avec Valérie Donzelli ?

Pas avec Valérie. On a décidé de faire une petite parenthèse dans notre travail en commun. Mais on reste attentifs, on continue d'évoquer ce que l'on fait l'un et l'autre, mais on trouvait que c'était le bon moment pour essayer de faire des choses chacun de notre côté, d'où aussi "Dans la forêt" ou des petites choses à venir. Mais j'aime bien ne pas trop parler des trucs à venir parce que, pour moi, ce sont comme des petits cadeaux qu'on fait aux spectateurs et je trouve toujours dommage de gâcher la surprise.

publié le 15 février, Marine de Guilhermier

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