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Le Tourbillon de la vie en DVD et VOD : comment incarner le même personnage de 17 à 80 ans ? Lou de Laâge répond

Dans Le Tourbillon de la vie, disponible en DVD et VOD, Lou de Laâge crève l'écran en incarnant 4 versions du même personnage à différentes périodes de la vie. Comment est-elle parvenue à réaliser une telle prouesse ?

Disponible en DVD et VOD, Le Tourbillon de la vie est le premier long-métrage d'Olivier Treiner. L'intrigue suit le personnage de Julie (Lou de Laâge). Les grands tournants de notre existence sont parfois dus à de petits hasards. Si Julia n'avait pas fait tomber son livre ce jour-là, aurait-elle croisé Paul ? Ou sa vie aurait-elle pris une toute autre direction ?

Nos vies sont faites d'infinies possibilités. Pour Julia, il suffit d'un petit rien tellement de fois ; tous ces chemins qu'elle aurait pu suivre, toutes ces femmes qu'elle aurait pu être... Choisit-on son destin ? A quoi tiennent l'amour ou le bonheur ?

AlloCiné : Ce qui est frappant dans Le Tourbillon de la vie, c'est la manière dont vous incarnez plusieurs versions du même personnage, chacune a son look et sa personnalité spécifique, comment avez-vous réagi à la lecture du scénario face à ce défi ?

Lou de Laâge : En effet, c'était un vrai défi. Déjà, en lisant, je me suis dit que c'était génial, parce que c'est un super challenge pour une actrice. Avoir toute cette matière à jouer, à explorer, ça me stimulait.

Et en même temps, je me suis dit c'est très casse-gueule parce que si c'est mal fait, si les vieillissements sont grossiers, ça peut très rapidement faire cheap qui passe totalement à côté de ses ambitions. Et comme c'était un premier film, il y avait forcément cette prise de risques. Il fallait accepter le saut dans le vide.

Comment on se prépare pour interpréter plusieurs versions d'un personnage mais aussi à différentes époques, de 17 à 80 ans ?

Etrangement, c'était la version 17 ans qui me faisait le plus peur. Retrouver une innocence, une naïveté, un regard immature sur le monde... Je me demandais si j'allais arriver à retrouver ça. D'ailleurs, avec Esther Garrel, on rigolait au début, on se disait qu'on allait être ridicules à jouer des adolescentes.

On s'est dit, essayons puis on verra. Ensuite, pour les autres versions du personnage, le costume aide, le maquillage aide, les différents partenaires aident. Moi-même je m'étais fait des lignes pour chaque personnage, je me racontais leurs histoires à chacune. Et puis je partais de la même personne à la base, je ne joue pas vraiment 4 personnages différents.

J'incarne la même Julia qui va développer plus ou moins certains aspects de sa personnalité en fonction de ce qu'elle va vivre. C'est ça aussi que je trouvais fascinant : comment, à partir de la même essence, on peut finalement finir sa vie en étant assez différente en fonction de nos choix.

Vous êtes relativement rare au cinéma et chacun de vos rôles est judicieusement choisi, vous mettez un point d'honneur à ne pas vous précipiter et sélectionner chaque rôle avec minutie ?

Parfois, je refuse un film, non pas parce que je le trouve pas bon, mais parce que ça arrive à un moment de ma vie où j'ai besoin de prendre de la distance. J'aime bien me planquer et me nourrir d'autre chose. Par conséquent, je n'ai jamais eu trop peur de m'éloigner.

Louis Jouvet disait : "Tant vaut l'homme, tant vaut le comédien." Si en tant qu'homme, on ne prend pas la peine de se rencontrer, de se chercher, la vie devient un peu vide de sens pour moi. Même ce métier devient vide de sens.

Le film parle du hasard et des petites choses qui peuvent faire basculer une vie, c'était un thème qui vous fascinait avant d'interpréter Julia ?

Je n'avais pas une fascination pour ça mais ça fait partie de la vie et de ses mystères. Le mystère fait partie de la vie et le hasard fait partie du mystère. Le film possède ce côté universel qui peut parler à tous grâce à ce thème du hasard qui fait partie de la vie de tout le monde.

Après, des gens pensent que c'est la destinée, que tout est écrit, d'autres pensent qu'on est maîtres de ce qui peut nous arriver. Chacun se raconte l'histoire qu'il veut. Chacun se donne du sens et se rassure comme il peut.

Votre personnage est passionnée de musique, vous avez dû faire une préparation spécifique pour le rôle ? Piano etc...

Au départ, je voulais vraiment apprendre le piano. Je disais au réalisateur Olivier Treiner : "Il faut absolument que tu me donnes les morceaux pour que je m'entraîne". Je suis partie totalement dans un délire où je pensais que j'allais réussir à jouer du Rachmaninov ou du Brahms. Olivier me disait de ne pas m'inquiéter, qu'il ne cherchait pas une performance d'actrice qui devient une grande pianiste.

Pour lui, ça participe de la narration mais ça ne l'intéressait pas que ce soit moi qui joue spécialement les morceaux. J'étais pas d'accord avec lui au départ, on a eu la tête dure tous les deux. Au final j'ai dû lâcher car les morceaux sont arrivés très tardivement et je tournais Le Bal des Folles de Mélanie Laurent juste avant.

J'ai eu une semaine entre les deux tournages. Arrivée sur le plateau du Tourbillon de la vie je me suis dit : "Rappelle-toi que ton métier c'est de faire croire que tu sais faire quelque chose, que c'est aussi de la triche". Donc, je fais surtout de l'expression corporelle au-dessus d'un piano.

L'intrigue se déroule entre Paris, Berlin et les Pays-Bas mais tout a été tourné en France, comment s'est déroulé le tournage ?

On a tourné pendant le confinement. C'était assez particulière, notamment à cause du couvre-feu. Il n'y avait de l'espace que pour travailler. Tous les à-côtés de la vie, s'aérer etc, ça ne pouvait pas exister. Et en même temps, il y avait un côté agréable car on faisait des très grosses journées. Donc rentrer chez moi le soir et ne pas avoir à faire des choses, voir des gens, ça m'arrangeait terriblement (rires).

Je n'avais qu'une envie c'était de dormir. C'était un vrai tournage marathon. Je me suis mis dans une rigueur. Et puis c'était un premier film donc c'est toujours très particulier. On voit un réalisateur se rencontrer lui-même, il faut découvrir comment il travaille, il doit aussi découvrir comment se déroule un tournage de long-métrage avec des dizaines de personnes qui viennent vous poser des questions.

Parfois, j'avais la sensation d'être la co-équipière d'Olivier, je prenais en charge ce que je pouvais, c'est-à-dire les acteurs, tout ce qui touche au jeu. J'essayais aussi de mettre l'ambiance la plus agréable possible.

Comment avez-vous collaboré avec le réalisateur Olivier Treiner pour construire ce personnage de Julia sur la plateau ?

Olivier m'a approché via Stéphane Celerier, le producteur du film, que je connais depuis longtemps. Il m'avait parlé de ce scénario il y a un moment mais sans aller plus loin. Quelques années après il me rappelle pour me proposer le rôle principal. Ensuite j'ai rencontré Olivier, et on s'est aperçus qu'on avait fait la même école de théâtre.

Et sur la façon de construire le personnage, ça part surtout de ce qui était écrit dans le scénario. Il n'y a pas beaucoup de mystère à ce niveau. Toutes les Julia étaient décrites très précisément. Et Olivier m'a fait confiance sur le reste, c'était d'ailleurs assez vertigineux, il me disait que s'il m'avait choisit c'est qu'il avait confiance en moi.

Plus généralement, quelle genre de spectatrice êtes-vous ? Qu'avez-vous aimé dernièrement au cinéma / séries ?

J'ai beaucoup aimé le film de Louis Garrel, L'Innocent. Je ne suis pas du tout à la page sur tous les films. Je sors d'un tournage là, je suis très mauvaise élève du coup (rires).

J'ai aussi vu la Palme d'Or, Sans filtre, que j'ai beaucoup aimé. En revanche, je n'ai rien commencé en série, mes abonnements aux plateformes sont inutiles. Mais ça sert à ma famille.

Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ? Vous allez jouer dans le nouveau Woody Allen qui va se tourner en France, Wasp22, pouvez-vous nous en parler ? Comment avez-vous atterri sur le projet ?

Je peux pas trop en parler en détails à part dire que c'est un thriller car il l'a dit lui-même. Sinon comment j'ai atterri dessus ? C'était assez improbable. J'ai eu un appel de mon agent qui m'a dit que j'allais recevoir un scénario de Woody Allen. Comme je ne suis pas super douée en anglais, je me suis demandé pourquoi on venait vers moi pour ça.

Et en fait le script était en français. J'avais une bonne étoile parce donc (rires). En fait, Woody Allen regarde les films des acteurs qu'il veut. Après, il leur propose car il a regardé leur travail. C'est quelque chose qui est très rare, ça n'arrive quasiment jamais qu'un réalisateur regarde en détails le travail de ses acteurs sur d'autres films. Il ne fait donc pas de castings.

Il considère que ce qu'il a vu est bien donc il n'a pas besoin d'en faire. Même moi ça me paraissait dingue, je me disais, mais non, fais-moi passer des essais, Woody (rires). Par contre je ne lui ai pas demandé quels films il avait vu.

C'est un des tournages les plus, doux, simples et bienveillants que j'ai fait. C'était une petite bulle magique. Je ne suis pas la seule à le penser, je peux le dire aussi pour mes partenaires et toute l'équipe. Ça fait partie des tournages qui laissent des traces, je m'en souviendrai.

Passer derrière la caméra, une tentation ?

Pas pour le moment, peut-être que ça viendra un jour, je ne ferme pas la porte.

publié le 21 décembre, Vincent Formica, Allociné

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