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Clint Eastwood a refusé de jouer dans Apocalypse Now : il a loupé un chef-d'oeuvre mais évité le pire tournage de l'Histoire

Tourner dans la jungle à l'autre bout du globe durant des mois n'est pas une sinécure. C'est encore plus vrai lorsqu'on parle du tournage d'Apocalypse Now. Nombreux sont les acteurs à avoir refuser le rôle du capitaine Willard, dont Clint Eastwood...

Apocalypse Now, ou l'oeuvre d'un démiurge de 40 ans à qui on ne refusait rien ou presque depuis son immense succès avec Le Parrain et sa suite. "Après Apocalypse Now, j'ai réalisé que je ne serai plus jamais un jeune réalisateur" déclara Francis Ford Coppola, tandis qu'il présentait son film au Festival de Cannes d'où il repartira auréolé de la Palme d'or ex-aequo avec Le Tambour.

Aucun autre film des années 70 n'a attiré à ce point l'attention avant même que le film ne sorte. Il est aussi impossible de dissocier le succès incontestable du film des circonstances hallucinantes qui ont entouré sa création, raconté d'ailleurs dans le sensationnel documentaire Heart of Darkness.

Une saison en enfer

Prévu pour durer 6 semaines, le tournage s'est étalé sur 16 mois, entre mars 1976 et août 1977. Situés aux Philippines, les plateaux de tournage ont dû subir rien de moins qu'un ouragan, la crise cardiaque de l'interprète principal Martin Sheen - cachée à la production pour un Francis Ford Coppola terrifié à l'idée d'un arrêt du film; l'attitude de Marlon Brando qui ne connaissait pas son texte et avait à peine lu le script avant de débarquer, les problèmes de drogues divers et variés...

Décrit par de nombreux témoins comme de plus en plus mégalo et paranoïaque au fur et à mesure du tournage, Francis Ford Coppola a investi une grande partie de son argent personnel dans l'aventure, menacé à plusieurs reprises de se suicider et perdu plus de 40 kilos.

Voilà pour la légende. En fait, Coppola s'était déjà arraché les cheveux en amont, pour trouver celui qui allait incarner le capitaine Willard, chargé de mettre fin par tous les moyens possibles aux agissements du colonel Kurtz, terré au fin fond de la jungle.

Un acteur introuvable pour un tournage interminable

Avec les triomphes de ses deux films du Parrain, Oscars inclus, nombreux sont les acteurs à s'être succédé pour pouvoir jouer dans le film de Coppola. En tête de liste : Steve McQueen. Il demanda un cachet de 3 millions de dollars, une somme bien trop élevée pour la production. McQueen a d'abord rejeté le rôle de Willard en faveur de Kurtz, parce que ce dernier rôle nécessitait un temps de tournage plus court.

Il fut aussi question d'Al Pacino. Mais un tournage aux Philippines et aussi longtemps ne l'ont guère motivé, surtout qu'il était tombé malade lors du tournage de certaines séquences du Parrain II, en République Dominicaine. Les noms de James Caan, Nick Nolte, Jack Nicholson, Robert De Niro, Keith Carradine ou Robert Redford circulèrent également et brièvement. Les uns après les autres, ils ont tous refusé de participer à un tournage qui semblait voué à l'échec.

"J'avais une vague idée de là où il voulait aller"

Arriva le nom de Clint Eastwood. A l'époque, l'acteur âgé de 39 ans était déjà largement mis sur orbite, depuis le triomphe de sa trilogie du dollar chez Sergio Leone, et surtout celui de L'inspecteur Harry. Coppola l'appela personnellement pour lui proposer le rôle de Willard.

Mais Eastwood déclina, lui aussi, la proposition. Un rôle trop sombre pour lui. Selon Clint lui-même, Coppola voulait le voir jouer Willard aux côtés de Steve McQueen. Au lieu de cela, aucun des deux acteurs n'a fini par jouer son rôle respectif.

Une douche froide pour le cinéaste; d'autant plus que Eastwood connaissait bien le roman Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad, pour l'avoir lu. "J'avais une vague idée de là où il voulait aller, mais ensuite j'ai dit non, je ne pensais pas pouvoir partir aussi longtemps".

Il faut dire aussi que Eastwood s'était lancé à ce moment là dans la construction de sa maison. Partir au fin fond de la jungle à l'autre bout du globe durant des mois n'était pas exactement sa priorité absolue. Home Sweet Home...

publié le 18 mars, Olivier Pallaruelo, Allociné

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