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Au cinéma : Averroès et Rosa Parks... Pourquoi faut-il voir ce film dans la lignée de Sur l'Adamant ?

Un an après le documentaire "Sur l'Adamant", Nicolas Philibert revient avec la seconde partie de son triptyque "Averroès et Rosa Parks", au cinéma ce mercredi 20 mars.

Après avoir remporté l'Ours d'or à Berlin pour son documentaire Sur l'Adamant sorti en avril 2023, le réalisateur français Nicolas Philibert revient avec Averroès et Rosa Parks, le deuxième partie de sa trilogie consacrée aux patients et aux soignants du Pôle psychiatrique Paris-Centre.

Lors de notre entretien avec Nicolas Philibert en 2023, ce dernier nous expliquait son projet : "Au départ, il n'était question que d'un seul film : Sur l'Adamant. Et en cours de route, deux autres projets ont vu le jour.

Des films qui communiquent mais qui sont indépendants

Un film qui se situe à l'hôpital auquel l'Adamant est rattaché, l'hôpital Esquirole à Charenton, dans lequel j'ai filmé des conversations entre des patients et des soignants. On y retrouvera quelques-uns des personnages de Sur l'Adamant, qui sont hospitalisés là-bas. [NDLR : il s'agit de Averroès et Rosa Parks]

Et puis, un film qui sera constitué de visites à domicile effectuées par des soignants, des infirmiers qui se rendent parfois chez tel ou tel patient, notamment pour les aider à résoudre des problèmes domestiques. Quand il y a quelque chose chez eux qui ne fonctionne plus, ces infirmiers viennent leur donner des coups de main. Ce sont aussi des prétextes pour parler et échanger un peu. [NDLR : La Machine à écrire et autres sources de tracas prévu dans nos salles le 17 avril prochain.]

Il y aura donc trois films, mais qui seront tout à fait indépendants les uns des autres. On ne sera pas obligé d'avoir vu Sur l'Adamant pour voir le deuxième film ou le troisième."

Sorties, news, interviews... Retrouvez toute l'actualité des films Indé Averroès et Rosa Parks est donc le deuxième volet du triptyque de Nicolas Philibert. Le film, présenté dans la catégorie Berlinale Spécial en février 2024, se déroule entre Averroès et Rosa Parks : deux unités de l'hôpital Esquirol, qui relèvent - comme l'Adamant - du Pôle psychiatrique Paris-Centre.

Des entretiens individuels aux réunions « soignants-soignés », le cinéaste s'attache à montrer une certaine psychiatrie, qui s'efforce encore d'accueillir et de réhabiliter la parole des patients. Peu à peu, chacun d'eux entrouvre la porte de son univers. Dans un système de santé de plus en plus exsangue, comment réinscrire des êtres esseulés dans un monde partagé ?

Un maillage complexe

Le metteur en scène explique dans le dossier de presse : "Avant de me lancer dans le tournage de Sur l'Adamant, je m'étais raconté que ce centre de jour pour le moins original - il est construit sur l'eau - était une sorte d'îlot autonome, non pas replié sur lui-même mais disons, un peu autarcique.

Je n'ignorais évidemment pas que l'Adamant faisait partie d'un ensemble plus vaste, le pôle Paris centre, lequel compte également deux CMP, une équipe mobile et deux unités de soin, les bien nommées Averroès et Rosa Parks au sein de l'hôpital Esquirol - autrefois connu sous le nom d'"Asile de Charenton" - mais c'était comme si, de peur de me disperser, je ne voulais pas voir à quel point ces différentes structures étaient complémentaires, interdépendantes, qu'elles formaient avec lui un maillage au sein duquel patients et soignants étaient constamment appelés à circuler, chacun pouvant " construire sa propre cartographie entre les différents points d'appui proposés ". Inconsciemment peut-être, j'avais eu besoin de détacher l'Adamant de son contexte, comme pour mieux le distinguer. Une fois sur place, j'ai vite compris que ce hors champ, il faudrait le faire exister, ne serait-ce que par allusion, sous peine de falsifier la réalité. (...)

Si l'Adamant pouvait attirer l'œil, les autres structures, plus classiques, n'en étaient pas moins essentielles. Les deux centres médico-psychologiques croulaient sous les demandes, il fallait patienter des mois pour y décrocher un entretien. À Esquirol, Averroès et Rosa Parks ne désemplissaient pas. Du reste, plusieurs "passagers" de l'Adamant avec lesquels j'avais un bon lien y séjournaient. (...) Averroès & Rosa Parks est un prolongement de Sur l'Adamant. C'est un peu comme si, après avoir filmé ce qui est sur le devant de la scène, je montrais cette fois les coulisses, les soubassements"

Si sur le fond le principe est le même, la forme change quelque peu. En effet dans Sur l'Adamant, les patients s'adressaient directement à Nicolas Philibert face caméra. Ici, le réalisateur filme plutôt des entretiens, il est le témoin des rencontres entre les patients et les soignants.

Grâce à ces films, Nicolas Philibert met en lumières ces patients que le monde tente d'invisibiliser. Il nous confiait d'ailleurs à ce sujet : "C'est comme si la société ne voulait pas voir ces patients, voulait les exclure, les cacher comme s'ils étaient des parias qui font peur et qui sont regardés comme possiblement dangereux. Alors que dans leur immense majorité, ces personnes sont fragiles. Et quand elles sont dangereuses, parce que ça arrive, la plupart du temps, c'est contre elles-mêmes."

Averroès et Rosa Parks est à voir au cinéma dès ce mercredi 20 mars tandis que le dernier volet du triptyque La Machine à écrire et autres sources de tracas, sortira le 17 avril prochain.

publié le 19 mars, Laëtitia Forhan, Allociné

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