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A ne pas manquer ce soir : ce film qui dérange tellement l'Eglise qu'il a vu sa sortie menacée (il a même été tourné en secret)

Notre sélection télé du soir n'a rien de très fun mais il s'agit d'un film nécessaire, qui s'empare de faits réels pour dénoncer le fléau (et tabou) de la pédophilie dans l'Eglise : Grâce à Dieu, de François Ozon. Vous vous en doutez, malgré la qualité de l'oeuvre, cela n'a pas plu à tout le monde... Une raison de plus pour (re)voir la chose à la télé à 21h sur Arte ce mercredi 7 juin 2023.

C'est un film aussi sulfureux qu'acclamé qu'a décidé de diffuser Arte ce mercredi 7 juin à 21h. Et son titre est aussi beau qu'ironique : Grâce à Dieu. Grâce à Dieu, c'est l'histoire d'un homme, Alexandre, qui une fois adulte va comprendre qu'il doit libérer la parole au sujet de ce que lui a fait subir un prêtre lorsqu'il était enfant. Prêtre qui officie toujours... Au programme : impunité, omerta, mouvement #MeToo au sein de l'Eglise.

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L'occasion pour le cinéaste François Ozon (Huit femmes, Mon crime...) de s'atteler à un gros dossier, comme a pu le faire l'Américain Tom McCarthy avec Spotlight - le grand gagnant des Oscars en 2016, racontant l'investigation conséquente de journalistes enquêtant sur un scandale impliquant des prêtres pédophiles couverts par l'Église catholique... François Ozon, lui aussi, finira sacré pour Grâce à Dieu : il sera notamment récompensé au festival du film de Berlin. Et applaudi par la critique.

Mais vous vous en doutez, il a aussi fait grincer beaucoup, beaucoup de dents...

"Certaines personnes n'ont pas envie que le film sorte"

Grâce à Dieu a intensément fait réagir car il s'inspire d'une histoire vraie, et plus précisément de deux histoires vraies : les affaires Bernard Preynat et Philippe Barbarin. Le premier est un curé de 72 ans mis en examen pour des violences sexuelles qu'il aurait commis dix ans durant sur de jeunes scouts. Le second, cardinal et archevêque du diocèse de Lyon, a été confronté à la justice pour "non-dénonciation de crimes".

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Et François Ozon dans tout ça ? Ce que l'on peut dire, c'est que le cinéaste ne s'est pas montré frileux. Il n'a pas changé les deux noms cités plus haut par exemple : on les entend bel et bien dans le film. Résultat, on l'a accusé de ne pas respecter la présomption d'innocence. Car ce que François Ozon aborde concerne des affaires judiciaires encore en cours lorsque l'oeuvre est venue conquérir les salles, c'est à dire en 2018.

Le jugement prononcé à l'encontre du cardinal Barbarin n'avait donc pas encore été délivré (condamné en première instance pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs l'année suivante, en 2019, celui-ci sera relaxé en appel, puis présentera finalement sa démission en mars 2020) et la culpabilité présumée du père Preynat, condamné quant à lui en mars 2020 à 5 ans de prison ferme pour agressions sexuelles sur mineurs, pas encore reconnue par la justice - alors qu'il avait déjà été mis en examen en 2016.

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Tant et si bien que la sortie du film a été directement menacée. Ses détracteurs exigeaient au moins que celle-ci soit repoussée. Mais aussi, que certains noms, bien réels, soient tout simplement retirés du film. Signe des pressions alentours ? Le tournage a été tenu secret et s'est tenu loin de Lyon, ville où se déroule pourtant l'intrigue !

D'un autre côté, il faut dire que le réalisateur de Huit femmes ne craint pas d'affronter de front des sujets aussi sulfureux que la pédophilie - et la loi du silence - dans l'Eglise catholique de France, à une époque où la libération de la parole (et de l'écoute) compte plus que tout. Car c'est cela, le sujet du film : une lutte pour la justice, et faire entendre les voix de ceux qui, à force de se taire, se tuent.

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La réponse du cinéaste ? Il l'énonce à Allociné : "J'ai confiance dans la justice française. Ce film n'attaque pas la présomption d'innocence, il est très équilibré. Il est basé sur des verbatims qui ont été déjà publiés. Je pense que les gens qui attaquent le film aujourd'hui ne l'ont toujours pas vu. Certaines personnes n'ont pas envie que ce film sorte. Elles sont dans la continuité de cette omerta du silence".

Un message puissant qui a bouleversé public, académies et critiques. Alors que la presse a salué "un grand film politique", "engagé et brillant", "magnifique, formidable, génial", "fort, éclairant, responsable, terriblement émouvant", Grâce à Dieu s'est vu nommé pas moins de sept fois aux César. Il aurait pu remporter la précieuse statuette, celle du Meilleur film. Aurait du ? On te laisse nous dire ça, après avoir rattrapé cette claque.

publié le 7 juin, Clément Arbrun, Purebreak

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