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Affaire Benoît Jacquot : la Cinémathèque déprogramme deux films du réalisateur visé par des accusations

© Bestimage

Dans la tourmente depuis les accusations de Judith Godrèche et d'autres actrices, le réalisateur Benoît Jacquot a été déprogrammé de la Cinémathèque qui prévoyait la projection de deux de ses films en mars et mai 2024.

Un film de Benoît Jacquot va être déprogrammé de la Cinémathèque en ce mois de mars, annonce Libération. L'établissement devait projeter Les Ailes de la colombe, long métrage de Benoît Jacquot avec Isabelle Huppert et Dominique Sanda, sorti en 1981.

Cette séance finalement annulée devait avoir lieu le 13 mars prochain et être présentée par la directrice de la photographie Caroline Champetier, qui a supervisé la restauration du film.

Sollicitée par Libération, la Cinémathèque n'a pas développé et a simplement indiqué : "La Cinémathèque française annule la projection du film les Ailes de la colombe de Benoît Jacquot le mercredi 13 mars à 14 heures."

Le film Suzanna Andler, sorti en 2021, et qui devait être présenté le 27 mai au cours d'un cycle "Duras adaptée", a également été déprogrammé, précise Télérama.

Pour mémoire, le prochain film de Benoît Jacquot, Belle, inédit en salles, n'a pour le moment pas de date de sortie.

Benoît Jacquot visé par des accusations de la part de Judith Godrèche

Judith Godrèche s'est exprimée le samedi 6 janvier dernier sur les réseaux sociaux afin de dénoncer Benoît Jacquot. La comédienne a en effet autorisé un accès public à son profil sur Instagram et a posté ensuite dans sa story des messages désignant le réalisateur français avec lequel elle a entretenu une relation quand elle avait 14 ans et lui 40.

"J'ai peur. De ne plus travailler."

Le sujet de cette liaison a été évoqué publiquement par la principale intéressée par le passé, ainsi que dans la fiction en six épisodes d'Arte où Judith Godrèche incarne son propre rôle.

Aujourd'hui, en revanche, l'actrice nomme pour la première fois et directement le cinéaste après la ressortie sur la toile d'anciennes images de celui-ci parlant de manière désinvolte de cette affaire, dans un documentaire de Gérard Miller en 2011.

Judith Godrèche écrit donc sur Instagram : "La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. Je vais réfléchir. Où, quand, comment tout dire. J'ai peur. De ne plus travailler. De ne pas être soutenue. Mais je me dois de le faire pour nos filles, nos petites sœurs."

"Et vous qui m'écrivez pour me dire que cette histoire 'romantisée' par les médias à l'époque vous a incité à vous laisser prendre par un adulte qui abusait de son emprise", continue la star de cinéma. "Que ces photos de lui et moi, le réalisateur, validaient la démarche des hommes plus âgés qui vous prenaient dans leurs filets."

"Tout se savait", affirme Judith Godrèche

"Alors voilà. Je vous autorise à reposter, tweeter, facebooker, tagguer, publier, crier tout ce que je viens d'écrire. Faites-le. Il s'appelle Benoît Jacquot", lâche enfin Judith Godrèche. "Il manipule encore celles qui pourraient associer leurs noms au mien. Témoigner. Il menace de me traîner en justice pour diffamation."

Celle qui interprète l'héroïne de Icon of French Cinema a également noté : "Leçon de cinéma par Benoît Jacquot. Le cinéma est une couverture pour coucher avec des actrices mineures. (...) Alors je ne peux m'empêcher de me poser la question. Qui a de l'estime pour les pratiques de Benoît Jacquot [qui déclare que Judith Godrèche avait 15 ans au moment des faits, ndlr] ? (...) Tout se savait (...)"

"Je regretterai peut-être cette fougue - impulsion de révolte qui va sûrement créer la discorde. Beaucoup de gens me tourneront le dos (...)", conclut enfin Judith Godrèche après cette prise de parole. "Je ne me serais probablement jamais exprimée de manière aussi personnelle sur ces réseaux si ce documentaire n'était pas tombé sous mes yeux. Qui vivra verra."

Un discours aux César qui fera date

Après avoir fait un bouleversant discours lors de la cérémonie des César dans lequel elle dénonce les violences sexuelles dans le milieu du cinéma et demande à la profession de faire entendre sa voix, la comédienne et réalisatrice a pris, le 29 février dernier, la parole devant le Sénat.

Cette dernière a été entendue par la délégation aux droits des femmes, composée d'une dizaine de parlementaires, pendant presque 2 heures.

Création d'une commission d'enquête sur les violences

Judith Godrèche demande ainsi la création d'une commission d'enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le milieu du cinéma, la réhabilitation du juge Edouard Durand, évincé de la Ciivise en décembre 2023 et le retrait du président du CNC Dominique Boutonnat, lui-même accusé d'agressions sexuelles.

La réalisatrice de Icon of French Cinema précise : "Je demande le retrait de Dominique Boutonnat, dont le procès va bientôt avoir lieu je crois. Il y a des charges de violences sexuelles contre lui.

C'est quoi cette blague ? Dominique Boutonnat est le Président du CNC, une institution dans laquelle se rendent les producteurs en rigolant car ils se disent que c'est drôle de faire une formation contre les violences sexuelles à l'intérieur d'une institution dont le président est lui-même accusé de violences sexuelles. C'est quoi cette blague ?"

Mieux protéger les enfants sur les tournages

Judith Godrèche - qui évoque dans son discours les "agresseurs déguisés en réalisateurs" - réclame également une meilleure protection pour les enfants sur les tournages et dénonce "l'écrasement de la parole" et "l'invisibilisation de la souffrance des enfants" dans le milieu du 7e Art.

Elle demande, en conséquence, la présence d'un référent neutre - qui n'est pas payé par la production et ayant une formation en psychologie - quand un mineur est sur un tournage, qu'il y ait un coach d'intimité pour les scènes impliquant de l'intimité et de la sexualité et un coach de jeu pour que l'enfant - facilement impressionné par la figure d'autorité - ne soit jamais laissé seul sur le tournage.

La comédienne réclame également que la DDASS fasse des contrôles réguliers sur les tournages sur lesquels des enfants sont impliqués.

Judith Godrèche, désormais figure de proue du MeeToo français, demande au Sénat de l'aider à faire en sorte que les violences sexuelles et sexistes s'arrêtent dans le monde du cinéma qui n'est que le reflet de la société.

Elle déclare : "Cette famille incestueuse du cinéma n'est que le reflet de toutes ces familles et de tous ces témoignages que je reçois chaque jour."

Des propos que l'actrice avait déjà tenus sur le plateau de l'émission Quotidien le 26 février dernier après la Cérémonie des César, précisant au sujet de Dominique Boutonnat que le poste de Président du CNC était "un poste symbolique" et qu'il fallait à la tête de cette institution "quelqu'un dont on ne puisse pas mettre la confiance en doute".

Une lettre ouverte du Syndicat de la critique

Mercredi 27 février, le Syndicat Français de la Critique de Cinéma a publié une lettre ouverte pour affirmer son soutien à Judith Godrèche, dans laquelle les 342 signataires écrivent :

"Vos coups contre la porte blindée de l'indifférence cognent fort. Vous avez raison : les films nous regardent autant que nous les regardons. Comme vous, nous aspirons à un jour nouveau, où aucun enfant, aucune jeune fille, aucun jeune homme ne sera contraint de vivre ses rêves de cinéma comme des cauchemars."

publié le 5 mars, Brigitte Baronnet, Allociné

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