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500 artistes pour Shôgun : les secrets des costumes du nouveau Game of Thrones

Si la série "Shôgun" est aussi réussie visuellement, c'est incontestablement grâce à Carlos Rosario, chef costumier de cette prouesse télévisuelle. Rencontre.

La série la plus chère jamais produite par FX est devenue le plus gros succès de la chaîne câblée américaine. Proposée en France sur Disney+ depuis le 27 février dernier, Shôgun est la nouvelle adaptation du célèbre roman bestseller signé James Clavell, après la première mini-série de 1980.

Plongée dans l'année 1600 de l'époque Sengoku, Shôgun retrace la guerre que se livrent plusieurs clans rivaux, mais également la relation entre l'un des seigneurs de l'époque Yoshi Toranaga (Hiroyuki Sanada) et le marin britannique John Blackthorne (Cosmo Jarvis).

Récit passionnant d'une époque méconnue du grand public occidental, la série est également une merveille visuelle, grâce notamment au minutieux travail de reconstitution des costumes.

AlloCiné a d'ailleurs eu l'occasion d'échanger avec le chef costumier du programme Carlos Rosario, pour évoquer les coulisses cette ambitieuse production historique !

AlloCiné : Que connaissiez-vous à propos de cette série ? Aviez-vous lu le roman, ou vu la première adaptation datant de 1980 ?

Carlos Rosario (chef costumier) : J'étais très jeune quand la série de 1980 est sortie, mais je me souvenais malgré tout de quelques images. Quand j'ai été engagé pour faire les costumes de Shôgun, j'ai toutefois décidé de ne pas avoir toutes ces références en tête, qu'il s'agisse du livre de James Clavell ou de la première série, ni même des films japonais en général.

C'était très important pour moi de créer les costumes de façon beaucoup plus neutre, et de travailler à partir d'une page complètement blanche. Il me semble que c'était la meilleure façon de procéder.

On ne pouvait plus travailler comme dans les années 80, l'esthétique a depuis beaucoup changé, ainsi que les attentes du public. C'est donc pour cette raison que je voulais procéder à une forme de nouveau départ, et n'avoir aucune référence qui aurait pu influencer d'une manière ou d'une autre mon travail.

Cette nouvelle adaptation se veut plus proche des faits historiques, tandis que la première série avait en quelque sorte vulgarisé la culture japonaise pour la faire connaître du grand public américain. Cela a-t-il été l'intention principale de votre travail sur les costumes ?

Oui absolument ! D'ailleurs, lors de mes premiers échanges avec le showrunner Justin Marks, celui-ci m'a partagé son souhait de faire une série authentique. Ce qui ne veut pas pour autant dire que le résultat ne sera pas visuellement beau, car la période Sengoku n'est représentée qu'à travers quelques pièces de musée qui m'ont inspirées, et notamment à travers quelques peintures.

A mes yeux, les films japonais qui se déroulent à cette époque sont une forme d'interprétation de ce qu'a été cette époque historique. C'est donc pour cette raison que j'ai voulu revenir à la base même, c'est à dire les peintures. Des historiens m'ont aidé à interpréter ces œuvres, car chaque détail possède son importance, et c'est à partir de ce travail que j'ai pu commencer à imaginer un résultat qui soit le plus réaliste possible.

J'ajoute qu'en tant que chef costumier, l'intention n'est pas non plus de faire un documentaire, mais de se mettre au service des personnages. Il faut donc prendre en compte le voyage émotionnel des personnages, pour raconter un début, un milieu et une fin par le biais des costumes. C'est notamment le cas avec Mariko, et son évolution qui est racontée avec ses costumes. Cela a donc été toute la base de mon travail sur la série.

Les costumes jouent un rôle particulier, notamment dans la personnalité des personnages. On en apprend beaucoup sur chacun rien qu'à leur apparence physique et vestimentaire.

C'est un compliment qui me touche beaucoup. Effectivement, sur cette série davantage que sur les autres, j'ai eu l'impression que les costumes m'ont permis de comprendre qui sont les personnages. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai été soutenu dans mon travail par les showrunners, les réalisateurs et même le studio.

J'ai eu à ma disposition une très grande équipe de travail, presque 125 personnes au total à Vancouver, et près de 500 personnes réparties en cinq équipes dans le monde entier simplement pour la conception des costumes. Nous avons absolument tout fait, des armures au moindre kimono qui apparaît dans la série. C'était essentiel par rapport à l'époque décrite, mais aussi pour se mettre au service de ces personnages.

Il fallait respecter les classes sociales, mais également le fait que ces personnages évoluent et voyagent. L'action de la série n'est pas sédentaire, et il fallait que les costumes s'adaptent à chaque événement. Nous ne pouvions pas faire comme dans les autres séries, et puiser dans une garde-robe. Il fallait créer des costumes pour chaque épisode, et donc chaque épisode a été un nouveau défi et a demandé un travail particulier.

L'acteur principal de la série Hiroyuki Sanada, également crédité comme producteur, a exercé un contrôle très strict du moindre détail sur le tournage. Comment avez-vous collaboré avec lui ?

J'ai pour ma part surtout échangé avec les historiens, ce sont eux qui m'ont aidé à faire mes recherches et à trouver mes sources d'inspiration. Hiroyuki Sanada s'est surtout impliqué sur la manière d'habiller les acteurs, car c'est un travail très spécifique.

Il s'appliquait surtout à vérifier que les acteurs étaient correctement habillés en fonction du type de scène que nous tournions. Mais j'étais accompagné sur le tournage par d'authentiques experts, qui pouvaient s'assurer que les costumes respectaient les traditions japonaises. Horiyuki n'était pas donc impliqué dans la conception des costumes, mais plutôt dans le respect des circonstances et du contexte de chaque scène.

Comment êtes-vous parvenu à trouver le bon équilibre entre l'aspect visuel et authentique des costumes, mais également sur l'aspect pratique et notamment pour les scènes de bataille ?

Nous avons voulu arriver au résultat le plus authentique possible. Mais il est vrai que nous avons dû procéder à certains ajustements. Au Japon par exemple, il était de coutume de marcher avec des tabis (des sortes de pantalon en toile très larges, ndlr) y compris en hiver.

Nous avons tourné la série au Canada durant seize mois, avec un hiver très rugueux fait de neige et de pluie (rires) donc il a fallu s'adapter à cela, notamment pour les figurants. Pour les femmes de l'époque, il était de coutume de porter plusieurs couches de vêtements sous le kimono.

J'ai remarqué que les actrices plus âgées tenaient à respect la coutume, et donc à porter un poids de vêtements assez lourd tandis que les jeunes actrices ont demandé à ce que les couches de vêtements soient raccourcies. C'était effectivement un challenge de trouver un équilibre entre le confort et l'authenticité des costumes.

Le travail le plus important a concerné les armures. J'ai choisi de les faire en cuir, et non en métal, car je savais que les costumes seraient ainsi plus légers. Et d'ailleurs Hiroyuki Sanada m'a dit que de toute sa carrière il n'avait jamais porté d'armures aussi légères. Il a d'ailleurs été très surpris par cela au moment des essayages.

C'était le meilleur compliment que l'on aurait pu me faire. Grâce à cela, les acteurs et les cascadeurs ont pu tourner les séquences d'action dans les meilleures conditions possibles. Car il me semble que l'armure d'Hiroyuki Sanada comptait à elle seule entre 30 et 40 pièces différentes. Cela représente donc un poids très important.

J'ai également pensé que le cuir donnerait une meilleure représentation de cette époque. C'est une matière qui vieillit plus rapidement, donc cela m'a aidé à donner plus facilement un côté usé aux costumes et aux armures.

Dans les films japonais, on a souvent un aspect beaucoup plus métallique et brillant, et ce n'était pas le résultat que je voulais obtenir. Il m'a semblait que cette époque était beaucoup plus organique, en contact avec la nature, et c'est pour cette raison que les costumes ont beaucoup de texture.

Les épisodes de la série Shôgun sont à retrouver chaque mardi, en exclusivité sur Disney+.

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publié le 19 mars, Clément Cusseau, Allociné

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