Actus cinéma

Menacé d'interdiction, ce film audacieux et candidat aux Oscars arrive au cinéma

Menacé d'interdiction dans son pays, ce film pakistanais audacieux, en lice pour l'Oscar du meilleur film étranger, sort au cinéma en France ce mercredi. Focus sur Joyland, premier long métrage réalisé par Saim Sadiq sélectionné à Cannes cette année.

De quoi ça parle ?

A Lahore, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l'irrésistible appel de la liberté.

C'est une rareté qui arrive sur nos écrans ce mercredi. Joyland, premier long métrage de Saim Sadiq, nous vient du Pakistan. La production de films y est encore relativement réduite, et les longs métrages en sa provenance à franchir nos frontières sont rares.

Joyland a pu bénéficier d'une belle visibilité en mai dernier, en étant sélectionné au Festival de Cannes, à Un Certain Regard, une section mettant en lumière les premiers films ou films singuliers. Joyland s'y inscrivait donc parfaitement.

Joyland séduit par sa façon de mettre en lumière le Pakistan, et sa radiographie d'une société patriarcale. Par le prisme d'une histoire d'amour singulière, et une photographie colorée, le film a été remarqué et distingué à plusieurs reprises, dont la Queer Palm 2022. Haider, le personnage principal du film va tomber amoureux d'une femme transgenre.

"Le Pakistan repose sur un système très patriarcal. Mais c'est aussi paradoxalement un endroit où les femmes trans sont très visibles et très importantes... Il est impossible de se balader dans la rue sans en croiser une. Elles seront très probablement en train de mendier, mais elles sont là, elles ne se cachent pas. La coexistence, bien qu'elle soit superficielle, existe bel et bien. Elles ont toujours été là. Avant la colonisation britannique, elles avaient un meilleur statut social. Elles étaient associées à la poésie, aux princesses, aux bonnes manières. La colonisation, parmi bien d'autres choses, a complètement détruit cette particularité culturelle."

Joyland est encore en lice pour représenter le Pakistan à l'Oscar du meilleur film international. Il fait partie des 15 finalistes, aux côtés notamment de Saint Omer qui pourrait représenter la France.

A noter que le film a été menacé d'interdiction au Pakistan, alors qu'il avait "obtenu le feu vert de trois bureaux de censure". En novembre dernier, le ministère pakistanais de l'Information et de la Diffusion annonçait "son interdiction au motif d'un 'contenu hautement contestable'", précise Libération dans ses colonnes ce matin.

Le réalisateur Saim Sadiq avait mobilisé le public sur Instagram, afin que cette interdiction soit levée.

La censure a seulement été partiellement levée. Joyland e film n'a pas pu sortir dans le Pendjab, "ce qui est particulièrement triste car il s'agit non seulement de la plus grosse province du pays, où se trouvent la majorité des cinémas, mais c'est aussi là que le film a été tourné", indique Saim Sadiq, toujours dans Libération.

"L'affaire est encore en justice, poursuit-il. La sélection aux Oscars date d'avant la polémique, et vient d'un comité indépendant dans lequel le gouvernement n'interfère pas. Le Pakistan est plein de contradictions...", conclut-il.

Retrouvez toutes les sorties cinéma de la semaine

Joyland a auparavant reçu un accueil chaleureux à Cannes et permis de mettre en lumière le cinéma indépendant pakistanais pour la première fois dans un festival de cette envergure. "Notre industrie cinématographique est très jeune. On produit peut-être deux ou trois grosses comédies par an, ne disant absolument rien de notre société. Depuis quelque temps pourtant, on constate l'émergence d'un cinéma indépendant, notamment grâce à mon producteur, Sarmad Sultan Khoosat, très connu au Pakistan", explique Saim Sadiq dans le dossier de presse.

Avec Joyland, je pense, j'espère! qu'on a fait du bon boulot. À la fin de la projection , deux jeunes garçons venus spécialement du Pakistan m'ont pris dans leurs bras, ils étaient en larmes. L'un d'entre eux n'arrivait plus à parler. Selon moi, leur émotion allait bien au-delà de celle suscitée par la fiction. Je pense qu'ils se sont reconnus à l'écran. Enfin on les regardait."

Joyland est sorti en France ce mercredi 28 décembre 2022.

publié le 28 décembre, Brigitte Baronnet, Allociné

Liens commerciaux