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Disparition à 92 ans du cinéaste italien Paolo Taviani, Palme d'Or 1977 pour Padre Padrone

Le cinéaste Paolo Taviani est décédé ce 29 février à Rome, à l'âge de 92 ans. Avec son frère aîné Vittorio, décédé en 2018, il avait réalisé l'une des oeuvres les plus singulières et radicales du cinéma italien, récompensée d'une Palme d'Or en 1977.

Six ans après son frère aîné Vittorio, décédé en février 2018 à l'âge de 88 ans, Paolo Taviani s'en est allé à son tour. Le cinéaste italien est décédé ce 29 février à l'âge de 92 ans, des suites "d'une brève maladie".

Toute sa vie durant, il avait travaillé avec son frère aîné (de deux ans) à une oeuvre exigeante d'inspiration classique, mais en prise directe avec la réalité. Palme d'Or en 1977 pour le rugueux Padre Padrone, il avait également décroché l'Ours d'Or pour César doit mourir en 2012.

"Avec Paolo Taviani, c'est un grand maître du cinéma italien qui nous quitte. Avec son frère Vittorio, il a signé des films inoubliables, profonds, engagés, qui ont su entrer dans l'imaginaire collectif dans l'histoire du cinéma" a salué Roberto Gualtieri, le maire de Rome, sur son compte X.

La révélation du néo-réalisme

La production cinématographique des frères Paolo et Vittorio Taviani, réalisée à quatre mains durant plus de quatre décennies, est un cas à peu près unique dans l'histoire du cinéma. Après avoir suivi des cours d'Art à L'Université de Pise, les frères Taviani se tournent vers le cinéma, après la découverte en salle du drame néo-réaliste Paisa de Roberto Rossellini.

En 1954, ils réalisent le premier de leur sept documentaires: San Miniato, luglio '44, qui narre le massacre de la population de leur village natal par les nazis. Mais la censure veille : il est interdit dès 1955. Un homme à brûler est leur première oeuvre de fiction et leur premier long métrage.

Observateurs acerbes et aigus des transformations qui bouleversent et façonnent la société italienne, les frères Taviani mêlent intimement dans leur filmographie l'Histoire, analyse psychologique et lyrisme. Avec Les Hors-la-loi du mariage, dont Ugo Tognazzi et Annie Girardot partagent l'affiche, ils signent une comédie douce-amère sur le thème du divorce.

L'année suivante, ils utilisent le Fantastique comme métaphore du contexte tumultueux de l'année 1968 dans le monde, avec Sous le signe du scorpion. Ce n'est toutefois qu'en 1974, avec Allonsanfan, évocation de l'Italie post-Napoléonienne et de l'échec des troubles révolutionnaires qui éclatèrent, qu'ils obtiennent leur premier grand succès international.

La Palme d'or de Padre Padrone

En 1977, ils se penchent sur la rude destinée d'un enfant sarde élevé par un père berger de son état et d'une rare brutalité: l'histoire de Padre Padrone, bien que soulevant de vives critiques, bouleverse le Jury cannois qui lui décerne la Palme d'or. Ils continuent d'explorer le thème de la guerre sous le prisme de l'enfance avec La Nuit de San Lorenzo (1982; Grand Prix spécial du Jury à Cannes).

En 1987, ils quittent brièvement la péninsule italienne pour planter leurs caméras aux Etats-Unis avec Good Morning Babylon, peinture satirique et pleine de verve du monde hollywoodien du temps de Griffith. Grands admirateurs de l'auteur italien de roman picaresque Luigi Pirandello, ils adaptent plusieurs de ses récits dans le dyptique Kaos /Kaos II.

Après un détour par le documentaire avec Un Altro mondo e possibile, soulignant les ravages de la mondialisation, les frères Taviani reviennent à la fiction avec Le Mas des allouettes, leur seizième long métrage.

Jules César en prison

Dans les années 2010, les frères Taviani renouent avec la poésie en adaptant le poète classique Boccace (Contes italiens) et se lancent dans l'expérimental César doit mourir, qui les voient poser leur caméra dans une prison de haute sécurité le temps d'une représentation de "Jules César" de Shakespeare. Un coup de génie salué par la critique et récompensé d'un Ours d'Or à Berlin, le film s'impose instantanément comme l'un des sommets de la carrière des Taviani.

Après la mort de son aîné, Paolo Taviani a tourné seul un dernier film, Leonora Addio, présenté à la Berlinale en 2022.

publié le 1 mars, Olivier Pallaruelo, Allociné

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