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À 34 ans, Adèle Haenel stoppe sa carrière d'actrice : "J'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma"

L'actrice Adèle Haenel, qui avait annoncé son retrait du monde du cinéma français en mai 2022, vient d'acter cette prise de position radicale dans une lettre ouverte publiée par le magazine Télérama.

La comédienne Adèle Haenel, 34 ans, ne souhaite plus faire partie du cinéma français. Après un dernier rôle sur grand écran dans Le Daim aux côtés de Jean Dujardin en 2019, l'actrice a choisi de se retirer pour s'engager sur le terrain du militantisme politique.

"L'industrie du cinéma, telle qu'elle est aujourd'hui, il n'y a pas d'espoir. On le voit avec la façon dont les femmes sont considérées. Ils en utilisent une ou deux pour cacher la nudité d'un système oppressif. Il y a juste à regarder la sélection de Cannes. Ils disent qu'ils luttent contre le sexisme, mais en réalité, rien n'a changé. Ceux au pouvoir continuent à nous oppresser. On récompense toujours les violeurs et ils veulent que je me taise ? Jamais", martelait-elle dans les colonnes de en mai 2022.

Un an plus tard, le 9 mai 2023, le magazine Télérama a publié un évoquant sa "rupture avec le 7ème art" et son nouveau combat militant. "Elle l'affirme avec force et le revendique politiquement dans la lettre qu'elle nous a adressée en réponse à notre demande d'entretien : elle a décidé de tourner le dos au cinéma français", explique l'article.

La comédienne, qui a reçu deux Césars pour ses performances dans Suzanne et Les Combattants, a répondu à Télérama dans publiée sur le site du magazine.

"J'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l'ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu'il est", indique Adèle Haenel.

J'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels. "Disons-le clairement : alors que la biodiversité s'effondre, que la militarisation de l'Europe s'emballe, que la faim et la misère ne cessent de se répandre, quelle est cette obsession du monde du cinéma, collégialement réuni aux César, en promotion pour ses films, de vouloir rester léger ? De ne surtout parler de rien", s'insurge-t-elle.

Selon l'artiste, "continuer de rendre désirable ce système est criminel. Il y a urgence : il n'y a plus d'avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme. Il est urgent de vocaliser cette alarme le plus fort possible. Mais elles et eux toustes ensemble pendant ce temps se donnent la main pour sauver la face des Depardieu, des Polanski, des Boutonnat."

"Ça les incommode, ça les dérange que les victimes fassent trop de bruit, ils préféraient qu'on continue à disparaître et crever en silence. Ils sont prêts à tout pour défendre leurs chefs violeurs, ceux qui sont si riches qu'ils se croient d'une espèce supérieure, ceux qui spectacularisent cette supériorité en se vautrant dans des bruits de cochon, en chosifiant les femmes et les subalternes", souligne Adèle Haenel.

Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l'argent et du pouvoir. "Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n'ai pas d'autres armes que mon corps et mon intégrité. De la cancel culture au sens premier : vous avez l'argent, la force et toute la gloire, vous vous en gargarisez, mais vous ne m'aurez pas comme spectatrice. Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l'argent et du pouvoir", scande l'actrice.

Si elle arrête définitivement le cinéma, la comédienne poursuit sa collaboration théâtrale avec l'artiste Gisèle Vienne.

"Face au détachement, à la vacuité et à la cruauté que l'industrie du cinéma érige en principe de fonctionnement, le sens, le travail et la beauté qu'elle met en permanence en jeu sont une lumière qui me permet de garder la foi dans ce que peut vouloir dire la puissance de l'art", a conclu Adèle Haenel.

publié le 9 mai, Vincent Formica, Allociné

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