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Yann Barthès : "Il y a un débat dans la rédaction de "Quotidien", certains de nos journalistes voulaient recevoir Jordan Bardella ou Sébastien Chenu"

Le député Quentin Bataillon revient sur l'audition de Yann Barthès à la commission d'enquête sur l'attribution des fréquences TNT dans "TPMP" © C8

L'animateur débute ce lundi 2 septembre 2024 sa 9e saison aux commandes de "Quotidien", l'émission phare de TMC. Entretien.

C'est la rentrée pour Yann Barthès et les équipes de "Quotidien". Ce lundi 2 septembre 2024, dès 19h15, le journaliste qui fêtera ses 50 ans en octobre prochain, reviendra sur l'antenne de TMC pour une neuvième saison de son célèbre talk-show. Après une fin de saison intense liée à l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale et la tenue des élections législatives anticipées, toute la bande sera de retour pour un début de saison qui s'annonce d'ores et déjà très politique avec en ligne de mire les élections américaines en novembre prochain. Quelques jours avant la reprise, Yann Barthès s'est entretenu avec puremedias.com pour évoquer cette rentrée. Interview.

Propos recueillis par Benjamin Rabier

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puremedias.com : La fin de saison dernière a été marquée par une actualité politique riche. Vous avez décidé de retarder de deux semaines la fin de saison de "Quotidien". Quels enseignements tirez-vous de cette période ?Yann Barthès : C'était quand même très intéressant à vivre et à couvrir. Je n'aime pas trop ce mot mais là, pour le coup je vais le dire, c'était très inspirant. On a réfléchi, mais ça nous a très vite semblé évident de prolonger la saison. C'était compliqué côté logistique parce que certains avaient déjà prévu leurs vacances, etc... mais en réorganisant les choses, on a réussi à faire deux semaines de rab avec les équipes qui restaient. Finalement, on est partis en vacances en étant fiers et contents d'avoir continué.

Ça galvanise ce genre d'événements quand on présente une émission comme "Quotidien" ?C'est un peu la définition d'une quotidienne en réalité. C'est toujours pareil mais toujours différent. Si je devais résumer "Quotidien", je dirais que son seul concept c'est d'avoir des nouveautés par le prisme d'éléments extérieurs. Là, typiquement c'était une nouveauté qu'on n'avait pas vu venir. On a un peu réajusté le conducteur, fait quelques changements et ça a fonctionné. Au final, c'est en réajustant des petites choses qu'on s'est aperçu que l'émission a évolué. "Quotidien" avant la dissolution et "Quotidien" après la dissolution, ce n'est pas la même émission.

Éditorialement, cette évolution va-t-elle avoir un impact sur la rentrée de "Quotidien" ?À l'heure où on se parle il n'y a toujours pas de Premier ministre donc l'impact sur la rentrée de "Quotidien" viendra de là. Quand une émission change comme ça, qu'on doit s'adapter aussi rapidement, je pense qu'on acquiert des réflexes qu'on gardera toujours. J'imagine que les réflexes qu'on a eus sur ces deux semaines supplémentaires, on va les récupérer à la rentrée. À la question, est-ce que notre rentrée va être plus politique ? Je dirais qu'on n'a jamais vraiment laissé tomber la politique.

La rentrée de "Quotidien" c'est plus de culture et moins de politique alors ?"Quotidien" c'est avant tout une émission culturelle donc on recevra toujours avant tout les artistes et les créateurs. Après, on est aussi une émission d'information, donc on continuera à recevoir des experts et des observateurs. Concernant la présence des politiques, la réponse est non. Nous n'en recevrons plus comme avant. Ou alors exceptionnellement. Les hommes politiques et les femmes politiques qui viennent lire leurs éléments de langage sur notre plateau, c'est fini. L'an dernier, nous en avions reçu quelques-uns mais vu ce que ça nous a apporté comme retour, c'est-à-dire une commission parlementaire, on va limiter les invitations ou refuser leurs demandes.

On va limiter les invitations aux grands événements ou à une sortie de livre, par exemple. On ne veut plus refaire de la politique politicienne. Il y a trop d'éléments de langage qui sont identiques sur toutes les chaînes, sur toutes les radios... On s'est amusé à compter hier le temps d'espace médiatique alloué aux politiques en France. On a comptabilisé 2.745 minutes d'espace politique par semaine. Ça fait 48 heures. Il y a 127 interviews par semaine. Donc on ne veut pas faire comme les autres. Ils le font très bien, il y a de très bonnes interviews politiques, mais ce n'est pas notre métier donc on préfère décrypter leurs éléments de langage.

"Tant que la loi nous permet d'inviter qui on veut, on le fera"- Yann BarthèsLe résultat du RN aux élections européennes et aux législatives vous a-t-il fait réfléchir sur le fait de recevoir des députés Rassemblement national dans "Quotidien" ?Non, on reçoit les gens qui nous respectent. On traite le RN, dans des sujets, de la même manière que les autres partis. La seule différence, c'est qu'on le fait depuis le trottoir d'en face en mode "gonzo" puisqu'ils n'autorisent pas nos journalistes à entrer dans leurs meetings.

On a été les premiers à faire des tours de France sur les électeurs du FN en 2012. Il s'avère qu'ils boycottent nos équipes depuis des années, que leur service d'ordre moleste nos journalistes... Donc dans ces conditions, on a choisi de ne pas les inviter. Tant que la loi nous permet d'inviter qui on veut, on le fera. Je ne le cache pas, il y a un débat sur cette question dans la rédaction. Il y en a certains qui voulaient qu'on reçoive Jordan Bardella ou Sébastien Chenu. Pour moi c'est non tant qu'ils ne respectent pas nos équipes.

Quelles sont les nouveautés de la rentrée ?On ne change pas une équipe qui gagne, mais on la muscle. Ça passe par de nouveaux/nouvelles journalistes, des nouveaux comiques. C'est comme ça que "Quotidien" évolue. De nouveaux visages qui seront à l'antenne comme Juliette Pelerin. L'humoriste Mahaut Drama qui était un peu venue l'année dernière sera plus présente. Elle a apporté quelque chose de moderne à l'émission et elle me fait beaucoup rire.

On travaille également pour être encore plus sur le terrain. On va faire une semaine spéciale élections américaines, ça c'est très important pour nous. Martin Weill et Abda Sall seront sur place. Ils s'envolent ce week-end, l'un en Arizona, l'autre à Washington.

Notre règle c'est de garder la même équipe tout en faisant des ajustements. On évolue toujours comme ça d'année en année. On ne change pas du tout au tout, on ne change pas de braquet puisque ça fonctionne.

"Les élections américaines, c'est un gros marqueur pour nous donc à chaque fois, on essaie de bien faire les choses sur cet événement"- Yann BarthèsEn novembre 2024, les Américains éliront leur nouveau/nouvelle Président(e). C'est toujours un événement pour votre émission. Qu'avez-vous préparé ?Ça va monter en puissance petit à petit, mais dès lundi, on aura des journalistes sur place. Il y aura une spéciale américaine avec un dispositif ici à Paris mais aussi un dispositif là-bas aux États-Unis. Ambre Chalumeau prépare un documentaire en prime sur Taylor Swift, Willy Papa va proposer un documentaire sur Kamala Harris. Il y aura deux gros prime avec Martin Weill et un "21h médias" de Julien Bellver sur Elon Musk.

Les élections américaines, c'est un gros marqueur pour nous donc à chaque fois, on essaie de bien faire les choses sur cet événement. Lorsque Donald Trump a été élu, on a passé la nuit sur le plateau. La fois d'avant, quand Barack Obama a été élu, on était à New York avec Michel Denisot pour "Le grand journal".

Cette année, vous allez aussi fêter "Les 20 ans du Grand journal" sur TMC...On a proposé à Michel Denisot de faire un gros prime-time pour les 20 ans du "Grand journal", les 40 ans de Canal + et ses 80 ans. Je compte bien réunir tous les gens qui ont travaillé avec lui. Ce sera festif... Il a tellement contribué à la télé moderne...

Vous êtes une personnalité très discrète. Est-ce que certains de vos goûts personnels transparaissent dans l'émission ?J'espère bien que ça transparait (il rigole). En tout cas, on bosse toute la journée pour proposer chaque soir une émission qui nous ressemble. Que ce soit la rédaction ou moi. Chez "Quotidien", l'équipe de programmation est libre. Je n'arrive pas tous les jours en leur demandant tel ou tel invité, ou en leur hurlant "Donnez-moi Donald Trump sinon je fais un scandale". On discute, mais je ne vais pas leur imposer des choses et j'aime être surpris. Ce que je préfère, ce sont les master-class avec les grands cinéastes, comme Scorsese, James Cameron, ou Spielberg... Ou les Français comme François Ozon, Christophe Honoré ou Jacques Audiard...

En juin dernier, vous avez lancé une newsletter estampillée "Quotidien". Pourquoi avoir une newsletter lorsqu'on est une émission de télévision ?On veut délinéariser l'émission puisqu'on ne fait plus de la télévision comme dans les années 90. On décline le bateau amiral "Quotidien". On a lancé la newsletter en test avant l'été et on la confirme à la rentrée. C'est une newsletter qui s'appelle "Quotidien matin", qui est faite avec un petit pool de rédacteurs qui a été détaché pour l'occasion. Il y aura quelques croisements avec l'émission mais c'est une newsletter qui, on l'espère, va vivre seule aussi.

"Je ne me réjouis absolument pas qu'une chaîne de télévision soit suspendu de la TNT"- Yann BarthèsDans le fait de décliner la marque "Quotidien", vos chroniqueurs basculent presque tous en prime. Pourquoi ? C'est une volonté de votre part de mettre en avant les autres ?De faire grandir les autres, totalement. Il n'y a rien de plus réjouissant que de voir les personnes de l'équipe grandir comme ça. Qu'ils prennent l'antenne après l'émission, comme Etienne (Carbonnier), Ambre (Chalumeau), Julien (Bellver) ou encore Maïa (Mazaurette) qui prépare d'ailleurs un 90 minutes sur l'orgasme pour son prochain prime... Ca va s'appeler "1h30 d'orgasme". C'est très émouvant pour moi. Etienne (Carbonnier) c'était mon stagiaire quand j'étais au "Petit journal" et puis là maintenant, il fait des primes et tout. C'est quand même tout l'intérêt de faire ce métier...

En mars dernier, à la demande de cinq députés RN qui vous reprochez de ne pas les recevoir sur voter plateau, vous avez été convoqué à l'Assemblée nationale. En arrivant vous aviez déclaré ne pas "être ravi d'être là". Pourquoi ?Je pense que je l'ai dit (rires). On a eu l'impression d'être traité comme des chauffards alors qu'on respectait les limitations de vitesse. C'est totalement normal de répondre aux questions des députés parce que c'est la représentation des Français. Mais la convocation a été émise par le Rassemblement National. Elle a été acceptée par un président de commission macroniste (Quentin Bataillon, ndlr) qui a ensuite été débriefer une audition publique de commission d'Assemblée nationale, sur un plateau d'une chaîne concurrente ("TPMP" sur C8, ndlr) en disant qu'on était arrogants alors qu'il avait un devoir de réserve. Voilà comment je l'ai vécu.

Cet été, l'Arcom a annoncé la non-reconduction de la fréquence de C8 à partir du 28 février prochain. Qu'en pensez-vous ?Déjà, je n'ai rien à dire sur une décision de l'Arcom. Ce sont des juristes donc je n'ai pas à commenter une décision de l'Arcom. Je ne me réjouis absolument pas qu'une chaîne de télévision soit suspendu de la TNT. Je pense aux équipes qui n'y sont pour rien.

"Il n'y a pas de guerre des talks. Si ça se passe comme ça, c'est notamment à cause de vous, les journalistes"- Yann BarthèsDepuis plusieurs le conflit entre Cyril Hanouna et "Quotidien" a repris de plus bel. Vous êtes souvent attaqué par "TPMP", encore dernièrement sur Twitter, où le compte officiel de l'émission de C8 a détourné votre campagne de rentrée. Comment le vivez-vous ?Concernant Cyril Hanouna, je ne veux pas remettre une pièce dans la machine.

Dans cette guerre des talks....Il n'y a pas de guerre des talks. Si ça se passe comme ça, c'est notamment à cause de vous, les journalistes (il rigole). Je sais bien que ça fait du clic. Mais moi je ne me lève pas le matin en pensant à Anne-Élisabeth Lemoine et à Cyril Hanouna. Ils font leur taf et moi je fais mon taf de mon côté. Chacun dans son couloir de nage, avec son public, son ton, son style.S'il n'y pas de "guerre des talks", comment expliquez-vous le découpage de "Quotidien" en plusieurs parties pour permettre à TMC de communiquer sur le dernier quart d'heure de l'émission ?Je n'en sais rien du tout. Vraiment. Pour moi, il y a un début, une pub, une deuxième partie, une pub, une troisième partie, une pub et au revoir. Pour la question des découpages, il vaut mieux demander à TF1 parce que je vais vous faire une réponse toute pourrie (rires).

"Est-ce que c'est honteux de recevoir Denis Brogniart ou Nikos Aliagas pendant 10 minutes pour parler de la 'Star Academy' ou de 'Koh Lanta '? Je ne pense pas"- Yann BarthèsL'année dernière les personnalités du groupe TF1 sont nombreuses à être venues sur le plateau de "Quotidien". C'était une réelle envie de votre part de les recevoir ou une demande de la chaîne ?TF1 ne nous demande rien. Ils nous proposent des invités, on accepte ou on refuse.

On vous a pourtant senti pas très à l'aise sur les interviews des élèves fraîchement éliminés de la "Star Academy"... Détrompez-vous, j'aime la "Star Academy" ! Je ne vois pas à quoi vous faites référence mais en tout cas je vous arrête tout de suite sur ce point, TF1 ne nous demande rien et ne nous a jamais rien imposé. Vraiment. À chaque fois que l'on reçoit des gens, que ce soit clair, c'est qu'on les a choisis. Est-ce que c'est honteux de recevoir Denis Brogniart ou Nikos Aliagas pendant 10 minutes pour parler de la 'Star Academy' ou de 'Koh Lanta '? Je ne pense pas. 'Quotidien' c'est de la culture populaire.

Est-ce que vous pensez déjà à la fin de 'Quotidien' et à la suite de votre carrière professionnelle ?Oui mais je vais garder ça pour moi si ça ne vous dérange pas (rire)

La suite de l'interview de Yann Barthès est à découvrir mardi 3 septembre sur puremedias.com.

publié le 2 septembre, Benjamin Rabier, Puremédias

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