Stéphane Sallé de Chou (RMC Story, RMC Découverte) : "Nous réfléchissons à remettre au goût du jour d'anciennes émissions de télévision"
Générique de "Apolline Matin" © Abaca
À l'occasion du lancement du "Meilleur tatoueur" en access sur RMC Story et de l'arrivée des Vilebrequin à l'animation de "Top Gear France" sur RMC Découverte, Stéphane Sallé de Chou, directeur général du pôle Entertainment chez Altice Media, a accordé une longue interview à puremedias.com.
La semaine qui s'annonce est jalonnée d'enjeux pour RMC Story et RMC Découverte. Avant de proposer très prochainement une nouvelle déclinaison de "Faites entrer l'accusé", la première lance, ce lundi 11 mars 2024 à 20h05 et pour six semaines, "Le meilleur tatoueur", sa première création originale produite par RMC Production dans la case de l'access. La seconde accueille Pierre Chabrier et Sylvain Levy, plus connus sous le nom de Vilebrequin entre 2017 et 2023 sur YouTube, à l'animation de "Top Gear France" qui revient pour une neuvième saison en prime time le vendredi 15 mars 2024. Pour évoquer ces deux événements d'antenne et plus largement la stratégie des canaux 23 et 24, puremedias.com a interrogé, ce lundi 4 mars, Stéphane Sallé de Chou, le directeur général du pôle Entertainment chez Altice Media. Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
puremedias.com : Six ans après son intégration dans le PAF, RMC Story lance son access inédit ! Enfin !Stéphane Sallé de Chou : Nous construisons brique par brique notre modèle de chaîne. RMC Découverte est dans sa onzième année et nous avions lancé "Top Mecanic", qui est la première production en avant-soirée sur RMC Découverte, pour sa dixième année. Nous sommes donc en avance sur RMC Story. Après le 6h-15h (programmes de RMC co-diffusés sur RMC Story, ndlr) et la première partie de soirée, il était temps d'investir l'avant-soirée avec un univers non traité par nos concurrents de façon à ce que les téléspectateurs fassent l'effort de composer le nombre 23 sur leur télécommande.
"Nous avons testé ces trois dernières années l'appétence des téléspectateurs de RMC Story pour le tatouage"- Stéphane Sallé de ChouPourquoi le tatouage ?Le constat de base est le suivant : 40% des moins de 30 ans sont tatoués. C'est générationnel, le tatouage s'inscrit dans la pop culture. De plus, nous avons testé l'appétence des téléspectateurs en linéaire et en streaming sur RMC BFM Play en diffusant depuis maintenant trois ans la franchise américaine "Ink Master".En quoi ce test s'est-il révélé concluant ?Aux alentours de 250.000 personnes regardent chaque jour sur tous nos supports en avant-soirée ce produit américain qui a le mérite de féminiser et rajeunir notre public, des profils d'audience que l'on cible. Il se trouve aussi que "Ink Master" fonctionne très bien sur RMC BFM Play et les réseaux sociaux. Et cela, c'est un peu la pierre angulaire de notre réflexion, qui consiste à faire en sorte qu'une marque programme puisse atteindre l'ensemble des téléspectateurs : les adultes sur le linéaire et les plus jeunes sur la plateforme de streaming et les réseaux sociaux.Quelle part de l'audience totale du programme, la consommation en streaming de "Ink Master" représente-t-elle ?Entre 15% et 20% suivant les jours. Ce sont des éléments structurants et rassurants pour nous qui nous font comprendre que c'est le moment de sauter dans le grand bain de la production.Avez-vous des objectifs d'audience ?Avec "Ink Master", RMC Story est suivie chaque soir par 250.000 téléspectateurs et réalise entre 1,2% et 1,5% sur la cible commerciale des femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans (FRDA-50). Si j'ai décidé d'investir en production, c'est pour faire plus que ce que je faisais auparavant. Je voudrais que dans les six semaines de diffusion, on atteigne régulièrement les 2 points sur cette cible-là.
"Nous ne demandons surtout pas à Denitsa Ikonomova de jouer le rôle d'animatrice"- Stéphane Sallé de ChouAvec quel pitch allez-vous tenter de la séduire ?Nous nous sommes demandés quel était la meilleure façon de combiner notre volonté de raconter la tendance du tatouage dans notre époque tout en s'adaptant aux codes de consommation de l'avant-soirée, où il faut du rythme, des enjeux, des éliminations, un gagnant et des professionnels. Notre réflexion a accouché d'une compétition qui repose sur une mécanique de jeu avec un gagnant à la fin de chaque semaine. Quatre tatoueurs professionnels réaliseront chaque semaine des défis techniques, créatifs et d'expression libre. Ils seront évalués par un jury de trois immenses pointures (Mikael de Poissy, Dimitri HK et Kalie, ndlr) qui va noter chaque défi. Une élimination aura lieu en cours de semaine et la finale qui élira le meilleur tatoueur sera diffusée le vendredi.À l'animation, on retrouve Denitsa Ikonomova. Un choix surprenant, non ?Denitsa n'est pas animatrice et nous ne lui demandons surtout pas de jouer ce rôle. Par sa fibre artistique, que l'on connaît davantage par la danse, elle va avoir une sensibilité auprès des professionnels et du jury qu'un animateur ou une animatrice n'aurait pas forcément. On a cherché un visage issu de la pop culture, très digital, qui va pouvoir emmener sa communauté sur le média RMC Story et sur RMC BFM Play.Denitsa Ikonomova ne participe pas à la saison en cours de "Danse avec les stars". Lui avez-vous imposé une clause de non concurrence ?Non pas du tout ! Au contraire, j'adore quand nos visages vont faire des télés, des émissions sur YouTube ou Twitch.... Comme nous sommes diffusés sur les canaux 23 et 24, nous n'allons surtout pas les empêcher d'aller faire du contenu ailleurs. Je ne dirais pas la même chose, en revanche, si un média concurrent contactait Denitsa pour lui faire faire une compétition de tatouage.
"Parler d'un retour du 'Bigdil' sur RMC Story est prématuré"- Stéphane Sallé de ChouQuel est le principal chantier qui s'ouvre pour RMC Story à l'avenir ? Répondre à la promesse de RMC Story : être la chaîne de la pop culture du quotidien. Fin 2023, par exemple, nous avons diffusé deux épisodes du "Bigdil". Résultat : Nous avons réalisé notre meilleure audience en 4+ et sur la cible commerciale en prime time pour un divertissement (391.000 téléspectateurs, soit 2,0% du public âgé de quatre ans et plus, 5,7% des hommes âgés de 25 à 49 ans et 3,7% des FRDA-50, ndlr). Ces épisodes qui ont 15-20 ans ont non seulement parlé à un public qui a grandi avec "Le Bigdil" sur TF1 mais ils ont aussi touché sur les réseaux sociaux et sur RMC BFM Play une population qui n'était pas née ou pas en âge de regarder la télévision au moment de la diffusion du "Bigdil".Vincent Lagaf' est dans le groupe Altice. Réfléchissez-vous à relancer la marque avec lui ?Cela nous a donné plein d'idées, à commencer par celle de réfléchir à des marques qui ont vécu sur des grandes chaînes historiques il y a dix ou vingt ans et que l'on pourrait parfaitement remettre au goût du jour parce que cela participe à la pop culture. Quand vous regardez sur Tik Tok, Snapchat, Instagram et Facebook, ce qui est surconsommé ce sont les marques qui ne sont plus à la télévision.Il s'agirait donc de rediffusions de contenus et pas d'épisodes inédits...C'est un peu en deux temps. Après avoir remis ces vieux programmes à l'antenne, on se posera la question mais parler d'un retour du "Bigdil" est prématuré.Un mot sur "J'irai dormir chez vous", dont RMC Découverte a diffusé ce vendredi 8 mars 2024 un numéro avec Antoine de Maximy en Algérie (609.000 téléspectateurs au rendez-vous en moyenne, soit 3,4% du public). Pourquoi est-elle régulièrement proposée sur les deux antennes ?La première diffusion est sur RMC Découverte. Il nous est en effet arrivé de diffuser "J'irai dormir chez vous" sur RMC Story parce que nous avons une obligation dans notre convention de diffuser des documentaires qui proposent une ouverture sur le monde. Et la marque "J'irai dormir chez vous" est un formidable véhicule pour raconter cette obligation là.
"Les Vilebrequin avaient un lien plus fort avec la version britannique qu'avec 'Top Gear France'"- Stéphane Sallé de ChouLa transition est toute trouvée pour passer à RMC Découverte qui lance la saison 9 de "Top Gear" avec les Vilebrequin le 15 mars. Il était temps de renouveler la marque ?En 2022, année de la huitième saison, on sentait que l'on était arrivé à la fin d'un cycle. Il y avait un peu moins de folie en comparaison des premières années. Nous nous sommes donc quittés très bons amis. Bruce a fait une émission avec Vincent Lagaf' ("Duel 2 mécanique"). J'ai des discussions avec Philippe Lellouche pour des programmes qui arriveront en 2025. Ce constat posé, nous avons discuté avec le producteur BBC Studios France...Avez-vous pensé à arrêter l'émission ?Il n'était évidemment pas question d'arrêter "Top Gear France". C'est la pierre angulaire de toute la stratégie du pôle Entertainment dont j'ai la charge. Elle permet à la fois de faire de l'audience sur le linéaire, le streaming, le preview, du preplay, des réseaux sociaux. Et en plus, nous avons fait entrer Amazon Prime Video dans le couloir de diffusion et donc dans le plan de financement. C'est à ce moment-là que nous avons rediscuté avec Pierre Chabrier et Sylvain Levy...Qu'ont-ils apporté à la marque présentée à l'origine par Philippe Lellouche, Le Tone, Bruce Jouanny et Luc Alphand ?Ils nous ont expliqué que ce qui les ferait venir à la télévision, c'est ce qui leur a donné envie de faire du contenu sur YouTube, à savoir "Top Gear UK". Ils avaient un lien plus fort avec la version britannique qu'avec la version française. Nous leur avons donc donné le volant et ils ont pu injecter dans "Top Gear France" la folie des premières saisons de "Top Gear UK" tout en respectant la marque et la narration française. C'est génial pour nous ! C'est la première fois au monde que des créateurs de contenus sur YouTube vont reprendre l'animation d'une marque historique qui par définition a préexisté à leur arrivée. Il n'y a pas d'autre exemple comme ça.
"La seule manière de continuer à voir les Vilebrequin ensemble, ce sera de regarder RMC Découverte"- Stéphane Sallé de ChouLes téléspectateurs ne vont-ils pas s'y perdre ?On retrouve la promesse de "Top Gear". C'est un retour aux sources avec de grands enfants un peu sales gosses qui apportent de la connaissance de manière divertissante. Résultat, c'est beaucoup plus rock, plus nerveux, plus rythmé, plus fou. Chaque jour de tournage, j'étais super angoissé, ils ont vraiment mis de la folie, des cascades de voitures que l'on n'avait pas dans "Top Gear France" jusqu'à présent. Là, je pense que le budget casse a explosé (sourires). Nous avons le sentiment d'avoir réussi à mettre du YouTube dans une narration télé sans perdre ce qui a fait le succès de "Top Gear France" par le passé.Dommage que les Vilebrequin aient fermé leur chaîne en décembre dernier, non ?Je vais vous dire, je suis très opportuniste. Lorsque l'on a déposé le pré-générique de "Top Gear France" sur leur page YouTube, pourtant inactive depuis plusieurs mois, près de 700.000 personnes ont vu la vidéo en un week-end. Le taux d'engagement et la qualité des commentaires sont fantastiques. La communauté Vilebrequin valide la narration et le principe de voir Pierre et Sylvain dans "Top Gear France". Puis, on peut se dire aussi que la seule manière de continuer à les voir ensemble ce sera de regarder RMC Découverte.Une autre marque, "SOS garage" présentée par Vincent Lagaf' et Thierry Muscat, est revenue en baisse en saison 2 en février 2024. Comment l'expliquer ?Le premier épisode a fait quasiment 500.000 téléspectateurs avec un apport du J+7 de 40% (354.000 téléspectateurs en audience veille le mercredi 21 février 2024, soit 1,9% du public, 2,2% des FRDA-50 et 3,0% des 25-49 ans, ndlr). C'était 20% en première saison en 2022. Ça a donc doublé. On touche du doigt ce changement de monde, de mode de consommation et d'usages... Si je regarde l'audience veille, évidemment que ça fait un peu moins en février 2024 qu'en novembre 2022, avec un facteur exogène qu'était la Coupe du monde de football 2022, mais si on regarde l'audience globale, réunir 500.000 téléspectateurs (4 points sur cible) dans une concurrence qui n'est pas des plus simples, je signe tous les jours. Je vais d'ailleurs continuer de diffuser "SOS garage" en 2025 et 2026.
"La courbe d'audience de RMC Découverte s'envole quand le capot de la voiture s'ouvre"- Stéphane Sallé de ChouVous avez une appétence sur RMC Découverte pour la mécanique. On pourrait se demander pourquoi vous ne vous dirigez pas vers les sports mécaniques en tant que tels. Est-ce trop cher ou cela ne colle-t-il pas à votre ligne éditoriale ?C'est une très bonne question. Beaucoup de producteurs viennent me voir et me proposent ces pitchs là. Figurez-vous que le moteur et le sport mécanique sont des faux amis. Je ne vous parle même pas d'argent. Mais si j'avais Netflix qui m'appelait pour me dire qu'ils étaient prêts à partager la formidable série "Drive To Survive", qui raconte chaque saison de F1, sur RMC Découverte, cela ne marcherait pas. Et cela ne marcherait pas pour une raison, la thématique moteur fonctionne en audiences quand cela ne fonctionne pas dans la voiture. La courbe d'audience de RMC Découverte s'envole quand le capot de la voiture s'ouvre.Les téléspectateurs en question sont donc dans le même univers mais ne cherchent pas la même chose...J'en suis convaincu. Si je diffusais le Dakar ou les 24 Heures du Mans, cela ne fonctionnerait pas sur RMC Découverte. Dans cet univers-là, la population fan de moteur veut que la voiture ne roule pas.
publié le 10 mars, Ludovic Galtier Lloret, Puremédias