Vous êtes surpris par le changement de ton dans Heartstopper ? C'est normal, voici pourquoi !
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Enfin disponible sur Netflix, la saison 3 d'"Heartstopper" passe un cap avec des thématiques encore plus matures, toujours avec la bienveillance et la pédagogie qui caractérisent la série.
Attention, spoilers. Il est conseillé d'avoir vu la saison 3 d'Heartstopper (ainsi que les saisons précédentes) avant de poursuivre la lecture de cet article.
Succès populaire sur Netflix, Heartstopper est l'une des séries pour ados préférées des abonnés de la plateforme. Les deux premières saisons de l'adaptation des romans graphiques d'Alice Oseman ont conquis un large public grâce à l'histoire d'amour touchante entre Charlie (Joe Locke) et Nick (Kit Connor).
Mais la série notée 4,3 sur 5 par les spectateurs AlloCiné tire également son succès de sa bienveillance (jugée à tort par certains par une atmosphère trop "bisounours" ou "cringe"), l'exploration de nombreuses thématiques adolescentes avec pédagogie et ouverture d'esprit.
L'impact d'"Heartstopper" sur la nouvelle génération
"Quand j'étais à l'école, ça n'avait évidemment rien à voir avec Heartstopper", nous a confié Alice Oseman lors d'une visite de tournage à laquelle AlloCiné a pu participer. L'autrice se rend bien compte de l'impact que ses romans puis la série ont eu sur la nouvelle génération d'adolescents :
"Nous avons probablement tous eu une série doudou avec laquelle nous avons grandi qui a toujours un impact sur nous en tant qu'adultes. Et j'ai l'impression qu'Heartstopper pourrait être de celles-là, avec une communauté de fans qui ne fait que grandir. C'est si spécial de savoir que quelque chose que vous avez créé a eu un tel impact sur les gens."
Avec des rôles aussi pertinents auxquels de nombreux fans peuvent s'identifier, la responsabilité peut être lourde à porter, notamment pour ses acteurs principaux, comme l'explique l'actrice transgenre Yasmin Finney (Elle) : "Passer du statut de personne moyenne à celui de personne idolâtrée par une communauté aussi incroyable est une grande responsabilité. J'ai l'impression que nous l'abordons très bien à notre manière."
Les acteurs et actrices d'Heartstopper reçoivent beaucoup de messages de la part de fans, qui s'identifient à leurs personnages. Et pour William Gao (Tao), tout est une question d'équilibre, d'autant qu'ils se soutiennent tous les uns et les autres :
"Nous pourrions être considérés comme les visages et les ambassadeurs d'une série, c'est inhérent au travail. Quand je ne travaille pas sur Heartstopper, je ne ressens pas cette pression d'être un modèle. Mais j'y pense lorsque je travaille sur la série, et je le fais au mieux de mes capacités."
Ce sont surtout les deux comédiens principaux, Joe Locke et Kit Connor, qui ont ressenti le plus de pression, qui était difficile à gérer au début car la limite entre la fiction et la réalité était devenue floue, tant les fans empiétaient aussi sur leur intimité. À tel point que Kit Connor a été forcé de faire son coming-out bisexuel à cause de l'implication d'une certaine frange des fans quant au fait de connaître sa sexualité.
"J'ai ressenti cette étrange pression de toujours être un modèle alors que je voulais vivre comme un jeune de mon âge et que je ne pouvais pas", a expliqué Joe Locke (Charlie), "Finalement, il y a de la place pour les deux. Je peux être fier de prendre part à ce projet incroyable qui aide des gens tout en gardant cette distance et me dire que c'est un travail pour garder un équilibre."
Au final, la grande majorité des réactions de fans sont positives. Et c'est ce que veut retenir Kit Connor (Nick) : "Je n'étais pas habitué à voir un personnage comme le mien, un jeune homme bisexuel être un héros principal dans une série télévisée. C'est vraiment cool de pouvoir jouer un personnage qui brise ce genre de frontières. Et les réactions des fans sont toujours assez incroyables à voir."
Heartstopper n'est, selon lui, "pas réservée qu'aux personnes queer". Les expériences adolescentes sont universelles, mais celles d'Heartstopper peuvent aussi être un reflet d'ouverture et de bienveillance pour les personnes qui ont des amis queer, qui côtoient des personnes queer ou qui ont des personnes queer dans leur famille. En témoigne la superbe scène entre Nick et sa mère jouée par Olivia Colman, lorsqu'il lui fait son coming-out.
"Alice Oseman décrypte sa scène préférée d'Heartstopper : Nick fait son coming-out auprès de sa mère."
La saison de "la maturité"
Lorsque nous avons rencontré l'équipe d'Heartstopper sur le tournage de la saison 3, l'adjectif qui revenait le plus souvent pour décrire cette nouvelle salve d'épisodes était "mature". L'ambiance "bisounours" et fleur bleue, parfois critiquée, des deux premières saisons n'allait plus être dominante dans l'univers d'Heartstopper avec cette troisième salve d'épisodes.
Pour Joe Locke (Charlie), ce changement de cap arrive au moment opportun car le public suit désormais des adolescents de 16 ans :
"Nous avons beaucoup plus confiance en nous et dans les choix que nous faisons. Le contenu de cette saison est bien plus adulte et plus sérieux, et c'est le moment idéal pour nous de le faire parce que nous connaissons si bien les personnages maintenant que nous nous sentons tous suffisamment à l'aise pour leur rendre justice."
Son partenaire de jeu Kit Connor est ravi de pouvoir passer à un niveau supérieur avec cette troisième saison d'Heartstopper car il estime que c'est bénéfique pour les personnages, pour le public mais aussi pour tout le groupe, en tant qu'acteurs :
"C'était vraiment génial de donner vie à ces intrigues plus matures parce qu'en tant qu'acteurs, cela vous donne plus d'opportunités de grandir et de faire des choses plus difficiles. Et cela nourrit l'idée que le public grandit aussi en quelque sorte avec la série."
"J'aime le fait que nous fassions quelque chose de différent pour cette saison", nous a expliqué Alice Oseman, "Je pense que ce serait facile de faire la même chose parce que les gens aiment ça. Mais ce n'est pas le cas et les gens seront surpris". Et c'est le cas, si l'on en croit les réactions des internautes, qui ont versé de nombreuses larmes devant la saison 3.
"La saison 3 de Heartstopper n'est pas pour les âmes faibles. J'ai les larmes aux yeux à chaque épisode"
"Est-ce que quelqu'un d'autre a l'impression que la saison 3 est incroyablement différente des saisons 1 et 2, comme si c'était Heartstopper, mais pas vraiment ??? Je l'adore et c'est tellement bon mais c'est aussi si différent"
Cette cassure entre les saisons 1 et 2 passe également par des changements de format. Tout d'abord, la saison 3 adapte non pas un ni deux mais trois romans de la série littéraire d'Alice Oseman, à savoir les tomes 4 et 5 mais aussi le livre "Cet Hiver". Cela implique donc que la saison 3 est très riche en évènements et qu'elle couvre toute une année dans la vie de Charlie et Nick, contrairement aux autres saisons.
Par ailleurs, il y a quelques nouveautés de narration, comme les passages racontés en voix-off par Charlie et Nick lorsqu'ils se confient dans leurs journaux intimes respectifs, ce qui leur permet de s'exprimer davantage avec un regard plus adulte sur leur situation.
"J'essaie de rester très fidèle aux bandes dessinées et j'étais vraiment impatiente de traduire ces passages à la télévision", a expliqué Alice Oseman, "C'était une chose vraiment amusante à écrire car c'est une vraie rupture de forme, ce que je trouve vraiment enthousiasmant."
Les rapports de force et les dynamiques s'inversent dans la saison 3 car les premiers sujets graves arrivent dans les relations des personnages. Et cela va grandement impacter la relation entre Nick et Charlie, qui étaient déjà assez matures pour leur âge :
"Ils ont tous les deux des conversations très matures et ils parlent de leurs sentiments, ce qui est génial. Mais c'est encore plus intéressant d'arriver à un point où Nick et Charlie sont confrontés à quelque chose qu'ils ne savent pas comment aborder."
L'importance de la santé mentale chez les jeunes
La saison 3 d'Heartstopper évoque des sujets plus durs et adultes, comme l'indiquent les messages de prévention sur Netflix (pour un public âgé de +10 ans, sexe, automutilation). L'une des grandes thématiques de ces nouveaux épisodes touche notamment à la santé mentale avec Charlie, qui souffre d'anorexie et de TOC.
"Nous nous concentrerons davantage sur le voyage de Charlie et son état de santé mentale, et sur la façon dont Nick va réagir à cela, et comment Nick va le soutenir à travers ça", explique Alice Oseman.
Si cette saison 3 d'Heartstopper traite de problématiques encore plus sensibles et douloureuses, l'équipe a pris les sujets à bras le corps, avec la bienveillance, la pédagogie et la douceur qui caractérisent la série. Et cela grâce aux nombreuses discussions avec l'autrice Alice Oseman et le réalisateur Andy Newbery, mais aussi à des répétitions.
"Lorsque vous abordez un sujet si sensible, vous vous inspirez d'expériences personnelles et vous en prenez une partie pour l'intégrer au personnage", explique Joe Locke, "Et ensuite, vous le travaillez beaucoup, en répétition".
Dans un souci d'accompagnement et de prévention, Netflix a ajouté un message à la fin de l'épisode 4, qui évoque le douloureux parcours de Charlie, souffrant d'anorexie et pratiquant la scarification, pour entamer un long chemin de guérison, avec l'aide d'un thérapeute et d'une équipe dédiée dans un centre médical.
La force d'Heartstopper est de mettre en avant ce trouble chez un jeune garçon, chose rare dans la fiction, alors que le nombre de cas est en augmentation. "La série a un côté très avant-gardiste", nous expliquait le médecin psychiatre, enseignant et auteur Jean-Victor Blanc :
"Ce qui est très juste dans cette représentation, c'est que c'est un trouble qui peut passer inaperçu pendant longtemps, et c'est le cas dans la série, puisque ce jeune garçon qui est harcelé, on voit qu'il a une certaine vulnérabilité psychique liée à cela, que même si au temps de la série, ce n'est plus le cas, il n'est plus harcelé de manière active, il reste des séquelles de tout ce qu'il a subi dans le passé."
Cette mise en lumière de ces problématiques adolescentes et ce souci de prévention rangent Heartstopper dans la catégorie des séries de l'edutainment (éducation et entertainment, ndlr), comme nous l'expliquait Jean-Victor Blanc, pour qui les séries pour ados modernes offrent une meilleure représentation des problématiques liées à la santé mentale.
"Avec , on est quasiment sur de l'edutainment, qui est vraiment un des fers de lance de Netflix, qui à la fois propose un contenu de haute qualité, travaillé, pensé avec des professionnels, des experts, des spécialistes et à la fois un côté très divertissant, puisqu'on regarde avant tout la série pour les relations romantiques. C'est très habile cette manière d'amener un contenu scientifique, en l'occurrence sur la santé mentale, mais aussi une lutte globale contre les discriminations, tout en utilisant la fiction et des codes de la série adolescente."
Même si la question des troubles de Charlie est l'un des fils rouges majeurs de la saison 3 d'Heartstopper et qu'elle jette un voile plus sombre et sérieux sur la série, cette dernière ne perd pas sa patte ni sa couleur.
Elle s'imbrique parfaitement dans la progression de la relation amoureuse entre Charlie et Nick, qui passent à la vitesse supérieure en termes d'intimité avec des premières relations sexuelles, mais aussi des questionnements de vie de couple à distance, avec Nick bientôt sur le départ pour l'université.
Si Alice Oseman prend à bras le corps de nombreux sujets avec Heartstopper, toutes les thématiques se jouent autour des relations entre les personnages, qui restent le noyau central de la série.
"C'est toujours la clé de chaque saison, c'est de penser à chaque couple et de réfléchir à la manière dont la relation peut progresser. S'ils traversent quelque chose individuellement, comment l'autre personne va-t-elle se sentir à ce sujet ? Maintenant ils sont définitivement des adolescents et les acteurs sont également beaucoup plus âgés."
La troisième saison d'Heartstopper a permis à la série de passer à un niveau supérieur et devrait, sans aucun doute, s'inscrire dans les fictions adolescentes qui marquent de leur empreinte une génération et que l'on regardera sûrement dans quelques décennies avec une grande tendresse.
Propos de l'équipe d'Heartstopper recueillis par Mégane Choquet le 8 novembre 2023.
Propos de Jean-Victor Blanc recueillis par Mégane Choquet le 29 septembre 2023.
La saison 3 de "Heartstopper" est disponible sur Netflix.
publié le 5 octobre, Mégane Choquet, Allociné