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"Que tu sois mal à l'aise me fait rire" : les coulisses toxiques de Lost dévoilées

Vanity Fair s'est procuré en exclusivité les pages d'un ouvrage encore à paraître sur les coulisses de la série "Lost", et de lourdes accusations pèsent sur les showrunners, qu'ils nient catégoriquement.

Attention : l'article qui suit contient des SPOILERS sur la série "Lost, les disparus".

Les showrunners de Lost Damon Lindelof et Carlton Cuse font face à de graves accusations de racisme et de toxicité qui auraient pris place durant la production de la célèbre série.

Les témoignages proviennent d'un ouvrage à sortir le 6 juin aux Etats-Unis écrit par Maureen Ryan et intitulé Burn It Down. s'est procuré plusieurs pages du livre actuellement en précommande et revenant sur les coulisses visiblement peu reluisantes des six saisons du show, diffusé de 2004 à 2010.

Il ressort de ces extraits qu'il était demandé aux scénaristes de mettre l'accent sur Locke, Kate, Jack et Sawyer et selon l'un des auteurs du show, les consignes étaient : "personne ne s'intéresse aux autres personnages. Donnez-leur quelques scènes sur une autre plage."

L'un des premiers à remarquer ces décisions est Harold Perrineau, qui interprète Michael, le père du petit Walt : "C'est devenu très clair que j'étais le Noir. Daniel [Dae Kim] était l'Asiatique. Puis il y avait Jack, Kate et Sawyer." Le comédien alerte alors un producteur : "Je n'ai pas à être [le personnage principal], je n'ai pas à avoir le plus d'épisodes - mais j'aimerais un juste milieu".

Ce à quoi le producteur lui répond qu'on s'identifie facilement à Jack, Kate et Sawyer. Sous-entendant que Perrineau, noir de peau, ne séduira jamais la majorité du public. Pour Perrineau, c'est un affront, et l'intrigue proposée pour son personnage (Michael se retrouvant à interroger Sawyer sur son passé, sans jamais mentionner Walt, qui vient d'être enlevé) ne lui convient évidemment pas :

Je ne peux pas être encore une personne qui se fiche des enfants Noirs disparus, même dans le contexte de la fiction. Cela encourage le récit selon lequel tout le monde se fiche des enfants Noirs, même les pères Noirs. Quelques temps après sa discussion avec le producteur, Carlton Cuse lui annonce que son personnage ne reviendra pas au-delà de la saison 2. Damon Lindelof commente alors amusé au sein de la Writer's Room : "Il m'a traité de raciste, je l'ai viré à coups de pied aux fesses".

Autrice sur la saison 3, Monica Owusu-Breen se souvient : "Tout le monde a ri [quand Lindelof a dit cela], il y avait tellement de trucs racistes, puis des rires. (...) C'était horrible."

"Tout ce que je voulais, c'était écrire des épisodes cool pour un show cool, mais c'était impossible au sein de cette équipe", poursuit-elle. "(...) En partie parce qu'ils n'aimaient pas leurs personnages de couleur. Lorsque vous rentrez chez vous et pleurez pendant une heure avant de pouvoir voir vos enfants pour évacuer tout le stress que vous avez retenu, vous n'allez rien écrire de bon après ça."

Ce qui se passait sur Lost dépassait clairement les bornes, écrit Vanity Fair. Il y avait une "coterie" de gens qui trouvait amusant si un commentaire ou une blague était "choquante". Tout était dit avec un ton sarcastique [du style] 'moi ça me fait rire' et 'que tu sois mal à l'aise me fait rire'.

Selon les témoins interrogés, ces attitudes camouflaient une atmosphère de remarques inappropriées et de maltraitance, ainsi que des commentaires sur l'ethnicité et le genre qui dépassaient les limites.

Lors de l'écriture de la mort du personnage de M. Eko, Cuse aurait déclaré : "Je veux le pendre à l'arbre le plus haut. Ah si seulement on pouvait se contenter de lui couper la b*te et lui enfoncer dans la gorge."

A l'époque, Lindelof tenait apparemment le discours selon lequel un scénariste qui n'était pas malheureux était un scénariste qui ne se souciait pas de son travail.

L'un d'entre eux, Javier Grillo-Marxuach, quittera l'équipe d'écriture après la saison 2 à cause de cet environnement toxique et raciste. Une source anonyme ajoute :

"Après la fin de la deuxième saison, après les félicitations, je pouvais voir que certaines personnes n'en pouvaient plus d'être là (...)". Il était admis que Lindelof et Cuse avaient le pouvoir d'engager et de limoger sans raison... "Et ils en ont usé".

La réponse de Cuse & Lindelof

Damon Lindelof a donné une interview incluse au livre dans laquelle il répond à ces accusations : "Mon niveau d'inexpérience totale dans le fait de manager ou d'être le patron, mon rôle de devoir créer un climat de danger créatif, de prise de risques, tout en garantissant la sécurité et le confort dans ce processus... J'ai échoué."

"Harold a totalement raison de pointer tout cela. C'est l'une des choses pour lesquelles j'ai vraiment de profonds regrets près de 20 ans plus tard. Harold avait des soucis légitimes et professionnels envers son personnage et le fait significatif que Michael et Walt - et Rose - étaient les seuls personnages noirs de la série."

"Je vous le dis, et je vous le jure, je n'ai aucun souvenir de ces propos spécifiques", commente-t-il à propos des citations attribuées à Cuse ou à lui-même. "Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'ont pas été prononcés, ça me laisse perplexe - (...) que moi ou certains de mes amis aient pu dire cela n'a juste pas de sens."

Cuse a quant à lui publié un communiqué adressant les témoignages des scénaristes et les propos qu'ils auraient entendu en salle d'écriture :

"Je regrette profondément que quiconque impliqué dans Lost ait eu à les entendre. Ils sont insensibles, inappropriés et offensants. Les entendre me brise le cœur. Savoir que des gens ont eu de si mauvaises expériences me contrarie énormément. (...) Personne ne s'est jamais plaint à moi ou à ABC Studios. J'aurais préféré savoir. J'aurais fait ce que je pouvais pour changer cela."

publié le 31 mai, Corentin Palanchini, Allociné

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