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The Immigrant sur Arte : un vrai film personnel se cache sous le grand spectacle hollywoodien

Film sur l'envers du rêve américain, "The Immigrant" de James Gray a aussi des résonnances familiales chez le cinéaste, qui a tenu à filmer sur Ellis Island, là où transitaient les immigrés. Un privilège aussi rare que précieux.

New York, 1921. Ewa et sa sœur Magda, qui émigrent de Pologne, débarquent à Ellis Island, la Terre promise au fond des yeux. Mais Magda, tuberculeuse, est aussitôt placée en quarantaine, avant son expulsion programmée, au grand désespoir d'Ewa, qui jure de la sortir de là.

Isolée et désemparée, cette dernière est bientôt recueillie par Bruno Weiss, un proxénète, homme tout à la fois providentiel et vénéneux, qui lui propose du travail en échange de la libération de sa sœur. Pour sauver Magda, Ewa, la catholique, consent alors à se prostituer avant qu'Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, ne fasse renaître en elle un espoir, sous le regard fou de jalousie du maquereau...

Alors qu'Armaggedon Time est sorti en salle depuis quelques temps, dans lequel James Gray livre une magnifique chronique familiale autobiographique, Arte diffuse dans son sillage le cinquième film du cinéaste, sorti en 2013 : The Immigrant. Un bouleversant mélo sur l'envers du rêve américain, porté à bout de bras par Marion Cotillard. Gray ne tarissait d'ailleurs pas d'éloges sur elle, expliquant que le film n'aurait pas pu se faire sans l'actrice, dans la mesure où il avait écrit le très beau rôle de l'immigrée polonaise Ewa Cybulska pour la comédienne.

Une histoire aux résonnances familiales

Caressant l'espoir de toucher du doigt l'American Way of Life, c'est par Ellis Island que des populations entières venues d'Europe de l'est par bateau ont constitué la première génération d'émigrants new yorkais.

Installé sur une île située à l'embouchure de l'Hudson à New York, c'est dans ce centre que ceux et celles qui fuyaient la misère ou les pogroms transitaient et étaient examinés. Ceux qui étaient malades étaient renvoyés directement en Europe. Ceux qui étaient dans un état qui pouvait susciter une évolution étaient maintenus à Ellis Island, mis en quarantaine le temps que l'on rejuge de leur cas. Entre janvier 1892 et décembre 1954, date de sa fermeture définitive, le centre d'accueil des immigrants d'Ellis Island .

C'est justement par Ellis Island que sont passés les grands-parents de James Gray, juifs russes venus de Kiev. Pour préparer son film, Gray s'est documenté au sein de l'Histoire de sa propre famille. Il a récupéré les clichés pris par son grand-père : "En 1923, mon grand-père et ma grand-mère sont arrivés aux Etats-Unis en passant par Ellis Island. J'ai entendu, bien sûr, d'innombrables anecdotes sur Ellis Island, et le lieu m'a longtemps obsédé.

J'y suis allé pour la première fois en 1988, avant la restauration de l'île. Tout était resté intact, comme figé par le temps. C'était une vision troublante, ces formulaires d'immigration à moitié remplis, répandus par terre... Ellis Island m'est apparue comme un endroit hanté par des fantômes, ceux de toute ma famille. J'ai donc conçu le projet d'un film qui viendrait de cette histoire", racontait le metteur en scène.

De là cette idée fixe de tourner absolument entre les murs de ce lieu si chargé de mémoire, transformé depuis en musée. Un exercice pas si facile : Francis Ford Coppola avait eu une fin de non recevoir de l'administration lorsqu'il avait voulu tourner ses séquences à Ellis Island du Parrain II. A force d'insistance, Gray a finalement obtenu l'autorisation souhaitée, mais pour trois jours et trois nuits seulement.

publié le 27 novembre, Olivier Pallaruelo, Allociné

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