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Spider-Man Across the Spider-Verse : c'est la scène d'ouverture la plus forte de 2023

Moins de cinq ans après des débuts plus que réussis au cinéma, Miles Morales a fait son retour dans les salles obscures grâce à "Spider-Man - Across the Spider-Verse". Et il relève un défi de taille : faire plus fort, dès la séquence d'ouverture.

ATTENTION - L'article ci-dessous contient quelques légers spoilers sur l'intrigue de "Spider-Man - Across the Spider-Verse". Veuillez passer votre chemin si vous souhaitez ne rien savoir du tout avant de le découvrir en salles.

Les chiffres ne traduisent pas assez bien la déflagration causée par Spider-Man New Generation fin 2018. S'il n'a attiré que 790 778 spectateurs en France et engrangé moins de 400 millions de dollars de recettes dans le monde, il s'est immédiatement imposé comme l'une des meilleures adaptations des aventures de l'Homme-Araignée au cinéma.

Et comme un tournant dans l'Histoire du cinéma d'animation. Peut-être pas autant que lorsque Toy Story a fait basculer le genre dans le tout-numérique. Mais, des Mitchell contre les machines au futur Ninja Turtles, en passant par Les Bad Guys, Le Chat Potté 2 ou Entergalactic, son influence se fait de plus en plus ressentir dans cette manière d'hybrider les techniques pour obtenir un rendu original.

Avant même sa sortie (et son Oscar du Meilleur Film d'Animation reçu en 2019), une suite est annoncée. Et très vite, la question se pose chez des fans de plus en plus nombreux : la foudre peut-elle frapper deux fois au même endroit ? En d'autres termes, l'équipe derrière ce petit bijou (et notamment les producteurs et scénaristes Phil Lord et Christopher Miller) est-elle capable de faire encore plus fort ?

Sorti ce mercredi 31 mai en France, Spider-Man - Across the Spider-Verse nous en apporte la réponse. Et c'est un grand oui.

PLUS BEAU

Dès la séquence d'ouverture, le long métrage désormais réalisé par Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson (qui succèdent à Peter Ramsey, Rodney Rothman et Bob Persichetti), les intentions sont claires : New Generation n'était qu'un apéritif, certes copieux.

En se focalisant sur Gwen Stacy (Hailee Steinfeld) d'entrée de jeu, la suite nous offre une piqûre de rappel originale (car c'est elle qui revient sur l'histoire de Miles) en même temps qu'un élargissement du cadre.

Longue d'une quinzaine de minutes, cette ouverture nous plonge dans l'univers de Gwen, plus rock et mélancolique (à cause de la relation avec son père policier), et où le style graphique et les couleurs, qui évoluent selon ses émotions, renvoient aux couvertures signées Robbi Rodriguez pour ses aventures sur papier.

Mise en scène avec vivacité (et lisibilité) et illustrée par les nouveaux thèmes musicaux de Daniel Pemberton, qui s'est encore surpassé, la séquence fait office de sublime note d'intention.

L'impression de voir un comic book s'animer sous nos yeux est encore plus grande, et présente dans le découpage, le chapitrage du récit, les onomatopées et autres petits détails visuels qui lient 7ème et 9ème Art dans un même élan. Déjà très au point en 2018, la technique d'animation est ici belle à en pleurer et sert, plus encore que dans le premier opus, à illustrer la notion de multivers.

PLUS RICHE

Dans New Generation, Miles Morales (Shameik Moore) voyait débarquer des versions alternatives de lui-même (Spider-Gwen, Spider-Man Noir, Peter Parker, Spider-Cochon...) dans son monde. Aujourd'hui, c'est lui qui, alors que son futur scolaire reste flou, saute à pieds joints dans le multivers.

Comme Doctor Strange l'an passé, si ce n'est qu'il passe plus de temps dans les univers alternatifs, où les différences ne se résument pas à des feux tricolores modifiés.

Chaque monde possède ainsi ses propres caractéristiques. Architecturales, gravitationnelles et visuelles. Dans quelques semaines, bon nombre de spectateurs seront capables d'identifier un pan du film avec une seule capture d'écran, tant Across the Spider-Verse sait bâtir des environnements forts, dotés chacun d'un style graphique distinct.

Le Brooklyn de Miles Morales et le Mumbattan de Pavitr Prabhakar (Karan Soni) se distinguent en un clin-d'œil, au même titre que les personnages issus de différents univers qui se retrouvent à cohabiter sur un même plan.

Comme ce Vautour débarqué de la Renaissance avec son allure de parchemin, qui se bat avec Spider-Gwen dans son monde, et un Spider-Man 2099 (Oscar Isaac) aux traits plus acérés, dans une scène de l'ouverture.

On y croise aussi une Spider-Woman enceinte (Issa Rae), un Scarlet Spider (Andy Samberg) tout droit sorti des pages d'un comic book, un drôle de méchant (Jason Schwarztman) qui fait évoluer l'animation (et donne au récit des atours inquiétants), un Homme-Araignée numérique tiré du jeu vidéo de Playstation ou un Spider-punk (Daniel Kaluuya) tout en collage.

Une richesse visuelle, qui aide à rapidement caractériser un personnage et/ou un monde, en plus densifier le théâtre de l'action. Mais également thématique. Chaque variant de Miles porte en lui un passé souvent douloureux (car le deuil est constitutif d'un Spider-Héros) et la confrontation des points de vues l'aide un peu plus à répondre aux questions qu'il se pose quant à sa place dans l'univers et son rôle de justicier.

PLUS ÉMOUVANT

Malgré tous les univers parallèles et les personnages qui vont avec, malgré toutes les idées visuelles qui vont nécessiter plus d'un visionnage pour tout saisir, malgré ses expérimentations en matière d'animation, le cœur de Spider-Man - Across the Spider-Verse reste humain. Comme en 2018, l'histoire de multivers sert avant tout le cheminement personnel de Miles.

Et celui de Gwen, qui prend ici un peu plus de place. Après avoir cherché à se séparer dans New Generation, pour ne pas créer de paradoxes, ils cherchent désormais à se retrouver dans les limbes du multivers alors que le jeune homme est tiraillé entre sa famille, son identité secrète et les responsabilités qu'impliquent son grand pouvoir.

Comme le fait de devoir sacrifier une personne au profit du collectif. En confrontant Miles à l'expérience de ses variants, Across the Spider-Verse semble à nouveau s'interroger sur l'essence de l'Homme-Araignée... avant de changer de direction. Et de remettre en question le sacro-saint "canon" (ensemble de faits considérés comme officiels dans un univers de fiction) et qui suscite des débats enflammés chez bon nombre de fans. Pas que ceux de Star Wars.

On peut alors voir dans le geste de Miles, qui refuse de se plier à ce canon, et son conflit avec les héros emmenés par Spider-Man 2099, une volonté du film de rebattre les cartes et déjouer les attentes, pour rendre le récit moins programmatique. Et inciter chacun à être l'auteur de sa propre histoire. En choisissant de révéler son identité secrète ou en écoutant son cœur plus que les voix extérieures.

Bref, en se confrontant, littéralement, à ce que l'on est et ce que l'on pourrait devenir. Le multivers devient ainsi, pour Miles, une croisée des chemins qui s'offrent à lui alors que se pose la question de son avenir, sur laquelle le film prend le temps de s'attarder après une ouverture en fanfare.

Quitte à faire retomber le rythme, certes, mais c'est pour le bien des enjeux, qu'il pose patiemment, et de l'implication émotionnelle du spectateur.

Riche, Spider-Man - Across the Spider-Verse l'est aussi sur ce plan. Et c'est lorsque qu'il se focalise sur l'humain qu'il tire le plus gros de sa force, amplifiée par un décor multiple et infini, qui lui donne plus d'ampleur et de profondeur. Comme l'oscarisé Everything Everywhere All at Once, autre histoire réussie de multivers.

Incroyablement innovant et parfois aussi punk que l'un des variants de Miles, dans son refus de se plier à toutes sortes de codes et de ne se pas se fixer de limites, il accomplit sa mission impossible sans perdre de vue l'aspect humain.

Un véritable tour de force qui trouvera sa conclusion le 3 avril prochain dans Spider-Man - Beyond the Spider-Verse, opus qui se retrouve encore plus attendu. A cause du cliffhanger qui clôt l'épisode précédent. Et parce que ce dernier a placé la barre encore plus haut. La foudre peut-être frapper une troisième fois au même endroit ?

publié le 1 juin, Maximilien Pierrette, Allociné

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