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Pacifiction au cinéma : la performance la plus dingue de Benoît Magimel dans ce film psychédélique

Film psychédélique présenté à Cannes, Pacifiction : Tourment dans les îles est la nouvelle expérience cinématographique du cinéaste espagnol Albert Serra. Et l'acteur français Benoît Magimel y livre une performance étonnante.

De quoi ça parle ?

Sur l'île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l'État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d'une population locale d'où la colère peut émerger à tout moment. D'autant plus qu'une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.

Une performance dingue de Benoît Magimel... avec une oreillette !

Après son César du meilleur acteur remporté en début d'année pour sa performance dans De son vivant, Benoît Magimel est à l'affiche du film psychédélique et expérimental Pacifiction : Tourment sur les îles d'Albert Serra. Et la prestation de l'acteur français dans ce long-métrage sélectionné en Compétition au Festival de Cannes vaut une nouvelle fois le détour.

Dans ce film - qui est une véritable expérience cinématographique de 2h45 - lorgnant du côté de David Lynch et Nicolas Winding Refn à bien des égards, Benoît Magimel incarne un Haut-Commissaire de la République Française pugnace, cynique et calculateur qui essaie de se mettre la population tahitienne dans la poche alors que des rumeurs d'une reprise potentielle des essais nucléaires font rage.

L'acteur livre une performance déroutante, presque primitive, et sert de guide sur cette île étouffante et et paradisiaque qui se transforme en paranoïa étrange et hypnotique à l'image des plans contemplatifs que nous offre Albert Serra.

Le cinéaste espagnol a rencontré Benoît Magimel à Cannes lors de la présentation d'Une fille facile de Rebecca Zlotowski et le choix a été une évidence pour lui lorsqu'il a fallu trouver son personnage principal : "Nous avons discuté de manière informelle. J'ai tout de suite repéré chez lui une capacité rare à être à la fois sauvage et artificiel."

Des qualités qu'il fallait à un acteur pour jouer dans des conditions particulières. Toute l'équipe a attrapé le Covid à un moment ou à un autre du tournage qui a duré 25 jours alors que Tahiti était en confinement total. Outre la pandémie à gérer, Benoît Magimel a dû se familiariser avec une tournage singulier.

Albert Serra a gardé très peu de choses de son scénario d'origine et a laissé beaucoup de place à l'improvisation : "Je ne donne pas le scénario aux acteurs, ou plutôt je ne leur dis pas quelle scène on va tourner, jusqu'à la veille voire au matin du tournage. Cela peut susciter des tensions, mais je pense que cette façon de procéder installe tout le monde dans la bonne énergie."

Ainsi, Benoît Magimel s'est retrouvé à jouer avec une oreillette ! Le français d'Albert Serra étant loin d'être parfait, il a fait appel à Baptiste Pinteaux, qui a joué dans Liberté, son film précédent qui a eu un prix spécial du jury dans la section Un certain regard de Cannes, afin de reformuler ses indications en direct. Pour Albert Serra, cette technique a été très judicieuse :

"Benoît Magimel est exceptionnel avec une oreillette. Je n'ai jamais vu quelqu'un capable de redire aussi vite une phrase, et même de l'adapter, voire de l'améliorer. En direct, sans réfléchir, sans intention, et en même temps de façon totalement organique."

Surtout que l'acteur campe un personnage bien ancré dans une réalité - ils ont d'ailleurs rencontré le véritable Haut-Commissaire ! - mais très romancé qui se retrouve dans un contexte absurde et presque imaginaire. Pourtant Benoît Magimel a réussi à ne laisser "aucune trace de jeu" selon Albert Serra, qui a utilisé trois caméras pour tourner :

"Il y a une chose capitale avec cette méthode que les gens ont parfois du mal à comprendre. Si vous tournez avec trois caméras, l'acteur ne peut pas se positionner par rapport à l'une d'entre elles et jouer comme s'il s'adressait à elle.

Il est obligé de tourner son énergie vers l'intérieur, et non vers l'extérieur. L'oreillette accentue cela. Elle crée une verticalité et une intériorité d'énergie que je trouve unique. Au lieu de communiquer avec la caméra, de s'offrir à elle, l'acteur entre dans une espèce de transe."

Une transe dans laquelle s'est retrouvé Benoît Magimel pour livrer une performance étonnante dans Pacifiction, un long-métrage atypique qui devrait faire parler dans les salles obscures.

Pacifiction : Tourment sur les îles d'Albert Serra sort au cinéma ce mercredi 9 novembre.

publié le 9 novembre, Mégane Choquet, Allociné

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