Libre : on a rencontré le vrai flic joué par Yvan Attal et il a des choses à dire sur le film de Mélanie Laurent
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Il a traqué Bruno Sulak pendant des années et a même développé une sorte d'"amitié" avec lui. On a rencontré Georges Moréas, le policier joué par Yvan Attal dans "Libre", à voir sur Prime Video.
C'était qui Bruno Sulak pour vous ?
Au départ, c'était un braqueur, sans plus. A l'époque, j'étais à la tête de l'Office du Banditisme. Après son évasion d'Albi, il a commencé à faire des braquages en série dans des supermarchés. A partir de son troisième ou quatrième, on a commencé à s'apercevoir que c'était toujours le même personnage qui braquait.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué chez lui quand vous avez pris l'affaire ?
Au début, rien de particulier, si ce n'est qu'il était quand même assez gonflé. Il n'y avait pas de violence même s'il y avait des armes. Cette caractéristique nous a d'ailleurs permis de faire des rapprochements.
À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de caméras de sécurité. On a remonté la filière pour essayer de l'identifier. Et puis on a réussi à l'arrêter... parce qu'on était très bons !
Vous en aviez rencontré d'autres, des personnalités comme ça, durant vos années au sein de la police ?
Franchement non, parce que généralement, les braqueurs ne ressemblent pas physiquement à ça. Là, on était dans un univers un peu différent. On avait un personnage libre penseur, avec une conscience sociale. Ce que n'avaient pas les autres.
La plupart des truands se cachaient ou étaient toujours en cavale. Lui, il avait une vraie vie sociale, et vivait sous une fausse identité. Il faisait des tas de choses : il jouait au tennis, il a passé son brevet de pilote...
Le film Libre dépeint une sorte d'amitié entre vous et Bruno. Est-ce qu'elle était réelle ?
Amitié, c'est peut-être un mot trop fort. Disons qu'il y avait une certaine estime et qu'on parlait le même langage. J'aurais pu être son grand frère. Je pense qu'on avait un plaisir réciproque à parler ensemble, surtout quand il était dehors. On parlait de cinéma, de filles... Quand il était enchaîné, c'était un peu différent...
Qu'est-ce qui est vrai, à part ça dans le film ? Je pense, par exemple, à la rencontre dans le café ou à la séquence dans le train.
Il m'a donné rendez-vous plusieurs fois, à dire vrai. La première fois, j'ai demandé à mes hommes de se cacher autour. Il s'en est aperçu, donc il n'est pas venu. Il m'a rappelé après ça. La deuxième fois, je crois, il n'a pas osé s'approcher, même si j'étais tout seul. La scène dans la voiture n'a pas existé, tout s'est passé dans un café.
Et celle du train ?
La scène du train, je n'étais pas présent. Ils ont tiré le signal d'alarme, le train s'est arrêté, ils sont descendus sur la voie et ils ont braqué les policiers pour s'évader.
Est-ce qu'on vous a sollicité pour l'écriture du scénario ?
J'ai rencontré Mélanie Laurent, on a discuté un peu. Elle a peut être modifié un peu le scénario en fonction de ce que je lui ai dit. J'ai aussi rencontré Lucas Bravo. Je pense qu'il m'a cuisiné pour essayer de comprendre le personnage. Avec Yvan Attal, c'était la même démarche...
Je dirais juste que sa perruque dans le film était peut-être un peu trop grande, quand même ! C'est vrai que j'avais les cheveux longs à l'époque, mais là c'est too much ! Mais Yvan Attal a capté le côté second degré du personnage.
Est-ce que durant votre enquête vous avez également rencontré Thalie, la petite amie de Sulak ? Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur elle ?
À l'époque, elle était aussi pétillante que l'a été la comédienne. C'était une belle femme. Elle respirait la joie de vivre. Il y avait une belle histoire d'amour entre eux... Il faut savoir que Bruno Sulak était un bourreau des cœurs. Ils n'étaient pas Bonnie and Clyde mais on est pas loin.
Le film n'en parle pas, mais il était marié...
En effet le film n'aborde pas du tout cet aspect-là. Quand il a fait son premier braquage, il l'a fait avec son beau-frère, le frère de sa femme.
Est-ce qu'il y a eu un avant/après l'affaire Sulak pour vous ?
Oui. Je m'étais mis en retrait pour réfléchir un peu à tout ça. On a eu un jour une discussion lui et moi sur la liberté. Il m'a dit que je n'étais pas libre dans ma situation et ça m'a beaucoup marqué... Après cette affaire, un juge a pensé que j'allais quitter la police pour mettre la main sur le trésor de Sulak...
C'est vrai que le film n'en parle pas du tout mais il en a fait quoi de tout ce qu'il avait volé ?
On ne l'a jamais retrouvé. Il était riche vous savez. Il m'a dit un jour qu'il avait des milliards. Et on parlait de francs à l'époque.
Vous avez plus ou moins quitté la police après l'affaire Sulak ?
Pas uniquement pour ça, mais oui. Cette affaire m'a marqué, nos conversations m'ont marqué... C'était plus facile de parler avec lui par téléphone que face-à-face.
Bruno Sulak écrivait régulièrement des lettres et participait au journal de la prison en y publiant des poèmes. Est-ce que c'était vraiment un homme de lettres, comme le laisse entendre le film ?
Moi, je n'ai pas eu de lettre de sa part, c'était uniquement des coups de téléphone. Mais c'est vrai qu'il écrivait bien. Vous savez, c'était quelqu'un qui jouait sa vie, quelque part. Une sorte de comédien. Donc je pense qu'il aurait pu être un vrai poète.
Propos recueillis le 21 octobre à Paris.
publié le 5 novembre, Chaïma Tounsi-Chaïbdraa, Allociné