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Les Saisons : rencontre avec Jacques Perrin et Jacques Cluzaud

Les Saisons

© Galatée Films/Ludovic Sigaud, DR

Six ans après nous avoir entraînés dans les profondeurs marines avec Océans, lauréat du César du meilleur documentaire en 2011, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud nous plongent cette fois-ci au coeur de la forêt avec Les Saisons, une fable enchanteresse et surtout pleine d'espoir consacrée à la nature. Nous avons eu la chance de rencontrer les deux cinéastes, qui se sont confiés avec passion sur leur nouveau long-métrage, que vous pourrez découvrir en salles dès ce mercredi.

Comment s'est déroulée l'écriture du projet ? On a la sensation d'un film très écrit au montage, en fonction des images dont vous disposiez. Est-ce le cas ou aviez-vous un scénario pré-établi ?

Jacques Perrin : Sur l'écriture du scénario, on avançait avec beaucoup d'incertitudes. Au départ, on a eu un scénario qui expliquait notre démarche. On voulait tout sauf expliquer, mais on était obligé d'écrire, donc Stéphane Durand, qui a écrit le guide scénaristique, a accepté ce jeu de l'accordéon, en écrivant, puis en réduisant pour aller à l'essentiel. On allait déjà à l'essentiel dans la vision des images qu'on n'avait pas encore. On savait qu'il fallait contracter et qu'il fallait donner de la puissance d'évocation aux images. Donc au fur et à mesure du film, on a compris que la meilleure façon d'écrire, c'était de mettre la caméra en mouvement à l'intérieur de la forêt et de laisser la forêt s'exprimer toute seule.

Comment avez-vous réussi à vous fondre autant avec la nature ?

Jacques Cluzaud : C'est une question d'approche. On s'est demandés : "Comment va-t-on pouvoir approcher la nature au mieux ?" C'est d'autant plus difficile qu'on s'attaque à des animaux très familiers. (...) On est face à un acteur animal qui va exprimer tout seul la séquence à venir, non seulement le plan, mais aussi ce qui va se passer, parce qu'il n'y pas de parole explicative du comportement.

Jacques Perrin : Ce qui nous plaît, c'est bien sûr le mystère de l'animal. Moins on en dit, plus il est mystérieux, et plus on le suit et on essaye de le deviner. Et plus on le devine, plus on s'approche de lui, plus il est source d'émotion. Nous, ce que l'on cherche dans chacun de nos films, c'est l'émotion. C'est difficile parce que l'émotion dépend aussi de la qualité de l'observation, de la façon de tourner autour de l'animal, de le suivre. Et ce qu'on veut avant tout, que ce soit dans le ciel ou dans la mer, c'est être à proximité des animaux. Chose impossible quand on y pense, dans la forêt. Comment voulez-vous suivre à toute vitesse un animal, passer par-dessus les racines, ne pas trébucher, etc... ? C'est compliqué, mais quand vous y parvenez, c'est un vrai bonheur, parce qu'à ce moment-là, on sait qu'on a rencontré plus que le nom de l'animal. On a rencontré l'être vivant dans sa chaleur de vivre, dans sa correspondance avec la nature, et là, ça devient vertigineux comme source d'émotion.

Quel a été votre plus grand défi sur ce film ?

J.C. : Comment cavaler au milieu des arbres à pleine vitesse en slalomant avec un troupeau de chevaux ou une meute de loups ? Ça, c'est un défi facile à énoncer : "Suivons-les à leur niveau, à leur hauteur, à leur vitesse". Mais en pratique, il faut trouver le bon outil pour pouvoir réaliser ce type de plans.

J'ai vu justement que vous aviez utilisé des drones pour le tournage. Est-ce le cas pour la scène de course d'une meute de loups en train de chasser un sanglier ?

J.C. : Il y a effectivement une vue aérienne sur la course des loups qui a été tournée en drone et qui correspond au point de vue du corbeau qui suit et fait, en réalité, partie de cette meute de loups. C'est quelque chose qu'on a appris après avoir tourné la scène : aux États-Unis, une meute de loups se définit comme un groupe de loups, mais aussi un groupe de grands corbeaux, qui fait partie de la meute, qui va prévenir de l'emplacement d'un animal, qui va suivre les loups et qui va bénéficier de la nourriture que laisseront les loups.

Le film est raconté comme une fable, tout en restant catégorisé comme un documentaire. Pourquoi ?

J.P. : En réalité, ce n'est pas un documentaire. La forme est très importante pour nous. C'est l'histoire de toute la faune sauvage, qui se développe, et qui finalement, en arrive là où nous en sommes aujourd'hui, avec un message d'espérance. Le documentaire, c'est ce que l'on raconte et que l'on illustre par des images. Là, c'est l'inverse. On ne raconte rien, on est au milieu de la nature, et la nature se raconte.

J.C. : L'emploi du mot fable est beaucoup plus juste. Dans la phase d'écriture, on parlait tout le temps de conte ou de fable. On le ressent notamment dans cette scène ou le grand corbeau dérobe sa nourriture au petit loup. Quand on voit la naissance du faon aussi, on est beaucoup plus proche de Bambi que d'un film scientifique ou documentaire.

Y a-t-il encore, après toutes ces années de collaboration, une manie de travail qui vous agace chez l'autre ?

J.P. : Oh oui (rires). Si vous saviez comme il travaille, c'est insupportable ! Alors que moi, on aime travailler avec moi (rires). Non, pas du tout, on peut dire qu'il y a une parfaite discrétion et une parfaite collaboration entre nous. (...) On était faits pour s'entendre.

publié le 25 janvier, Pauline Julien

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