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"Les mathématiques, ça peut être de la poésie" : Ella Rumpf, révélation du Théorème de Marguerite aux César 2024

© BORDE-JACOVIDES / BESTIMAGE

Emue et surprise, faisant part sans filtre de son incrédulité face à son César du Meilleur espoir féminin, Ella Rumpf a été récompensée pour "Le Théorème de Marguerite" ce vendredi soir. On vous dit tout sur cette étoile montante du cinéma français.

"Un rôle que je ne pensais jamais pouvoir jouer, en vrai..." Très émue et surprise par son César du Meilleur espoir féminin, Ella Rumpf, révélation du Théorème de Marguerite, a reçu son trophée des mains de Nadia Tereszkiewicz, et Bastien Bouillon, sacrée en 2023 respectivement pour Les Amandiers et pour La Nuit du 12.

La comédienne franco-suisse, qui a découvert grâce au long métrage de Anna Novion "que les mathématiques pouvaient être de la poésie", campe une héroïne atypique, lancée dans une quête passionnante. Retour sur le parcours de cette comédienne à suivre.

Une actrice qui aime se cacher derrière ses personnages

Après avoir dérangé à l'affiche du Grave de Julia Ducournau, fasciné au sein de la série Tokyo Vice, ou même visité l'univers de Succession, Ella Rumpf a ébloui la Croisette en mai dernier, à l'affiche du Théorème de Marguerite, dans la peau d'une brillante chercheuse en Mathématiques à l'ENS, qui après une erreur décelée lors de l'exposé de sa thèse, voit ses certitudes s'effondrer. Elle décide alors de tout quitter pour (re)commencer à vivre.

C'est justement à Cannes que nous avions échangé avec la lumineuse comédienne, ravie d'évoquer ce film étonnant, au sujet original et à l'intrigue résolument palpitante.

Moi qui n'ai jamais aimé les maths ! "La rencontre avec Anna Novion, la réalisatrice du Théorème de Marguerite, a été immédiatement très forte et nous avons eu des conversations très intéressantes autour de la passion et de comment on aborde le travail et à quel point on peut le prendre trop au sérieux. Je n'étais pas sûre au début de porter un rôle pareil, moi qui n'ai en plus jamais aimé les maths! Ce monde que je ne connaissais pas du tout s'est vraiment ouvert à moi !"

Sachant installer avec finesse l'atmosphère qui règne au sein des grandes écoles, l'enfermement et l'aveuglement au monde qui en découle lorsque le travail compte à tout prix, le film d'Anna Novion peint en effet avec acuité une héroïne atypique, "drôle" au sens étonnant du terme, tentant de se faire une place dans un monde où les sentiments n'ont pas droit de cité face à la tangibilité des chiffres et la quête de la vérité scientifique ultime.

Une héroïne que son interprète ne voulait surtout pas "caser" et qu'elle a construite à force de discussions avec sa réalisatrice, visant entre autres à lui trouver son look et "ses chaussons" autant que "ses nuances d'humour", afin d'atténuer le sujet exigeant des Mathématiques.

Un sujet pour lequel le spectateur se passionne d'emblée sans avoir besoin d'être féru en la matière, embarqué malgré lui aux côtés de ce personnage jusqu'au-boutiste et maladroit, qui traverse le monde et interagit avec les autres non sans difficulté. Mal à l'aise dans sa vie personnelle autant que rigide dans sa vie professionnelle (habitée par un Jean-Pierre Daroussin implacable), Marguerite verra s'étioler peu à peu son univers cadré, fait de lignes géométriques bien agencées, à mesure que les sentiments et LA rencontre (avec le charismatique Julien Frison) vont tout faire déborder.

J'adore en faire un peu trop ! C'est parce que la réflexion sur l'allure et la posture sont au cœur de son travail d'incarnation qu'Ella Rumpf arrive à nous promener dans le monde "sans chichis" de son héroïne, désireuse de "mettre de l'ordre dans l'infini" afin de taire ses angoisses originelles.

"J'adore jouer avec cela, en faire un peu trop, avoir le droit de se perdre dans un autre monde." "Marcher comme sur une ligne, ne pas tomber, trouver le juste équilibre, transformer ce personnage, découvrir sa route, une nouvelle route en tentant des choses", c'est ce qu'il y a de plus dur et de plus important selon cette jeune comédienne-caméléon, qui aime en outre se cacher derrière ses personnages pour mieux raconter leur histoire.

Une comédienne caméléon et éclectique, sur tous les fronts

"Je ne veux pas trop me montrer moi. J'ai d'ailleurs commencé le cinéma avec un crâne rasé dans le film Chrieg. Enlevée de mon apparence féminine, j'ai commencé ma relation à ma féminité et à mon métier de manière assez particulière", finit-elle par nous confier. "Timide", elle se décrit surtout "naïve" à ses débuts, voulant depuis toujours faire des films ou jouer dans des films et s'y étant mise avec innocence, en cherchant tout simplement des directeurs de casting.

"C'est en grandissant que je me suis rendue compte que c'était un métier complexe, non superficiel, un métier de recherche que j'apprécie beaucoup". Un métier qu'elle aime explorer sous toutes les coutures et sur tous les fronts, passant sans complexe du cinéma d'auteur provocateur de Julia Ducournau aux séries renommées et exigeantes que sont Tokyo Vice ou même Succession dans laquelle elle a fait une remarquable apparition.

"Grave, c'était un grand premier film pour nous tous et qui nous a soudés, où on a dépassé une certaine limite mais sans y penser. Le souvenir de certaines scènes vient après ! J'ai été et je suis fière de faire partie de cette œuvre qui reste dans la tête des gens, qui continue à voyager, qui a marqué et dont on parle encore. J'ai lu le scénario dans un train, je n'ai pas tout de suite pu "caler" le film, comprendre dans quelle direction il allait. Je n'avais pas l'expérience pour ça. Ensuite, je n'ai pas capté tout de suite le trajet que faisait le film car je suis retournée en Suisse, en Allemagne et j'ai tourné à gauche à droite."

A gauche à droite et droit devant surtout, car c'est à ce moment qu'elle a intégré justement le monde varié des séries : policière allemande (Freud), japonaise (Tokyo Vice) ou américaine (Succession). "J'ai rejoint cet univers de façon naturelle, sans anticiper, très heureuse d'en faire partie et de découvrir des mondes complètement différents, surtout avec Tokyo Vice et le Japon, une expérience assez exceptionnelle que de rentrer dans ce monde des yakusa des années 90".

Lorsqu'on lui demande ses prédilections, elle répond sans hésitation regarder plus de films que de séries qui prennent trop de ce temps... qu'elle n'a pas. "J'aime aller dans une salle et regarder un film sur grand écran, je suis une spectatrice bienveillante qui aime quand les films résonne en soi". A l'image de ceux qu'elle propose et incarne elle-même à échelle européenne et peu à peu internationale.

publié le 23 février, Laetitia Ratane, Allociné

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