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Le Jeune Imam : les réalisateurs de Sheitan et Les Misérables font équipe autour d'une histoire vraie

Co-écrit avec Ladj Ly, réalisateur césarisé pour "Les Misérables" en 2020, "Le Jeune Imam" marque le grand retour de Kim Chapiron derrière la caméra, le temps d'une histoire qui se déroule en banlieue, inspirée de faits réels.

ÇA PARLE DE QUOI ?

À 14 ans, Ali est un adolescent à la dérive. Sa mère qui l'élève seule ne trouve d'autres solutions que de l'envoyer au village au Mali pour finir son éducation. Dix ans plus tard, Ali revient. Malgré les doutes de sa mère auprès de qui il est prêt à tout pour briller, il devient l'imam de la cité. Adulé de tous et poussé par ses succès, Ali décide d'aider les fidèles à réaliser le rêve de tout musulman : faire le pèlerinage à la Mecque.

SIGNÉ KOURTRAJMÉ

Avec quatre longs métrages en dix-huit ans, Kim Chapiron est un cinéaste rare. C'est pourtant lui qui, en 2005, avait ouvert la voie en devenant le premier membre du collectif Kourtrajmé à se lancer sur grand écran avec le remuant Sheitan, suivi cinq années plus tard pour le percutant Dog Pound, drame en milieu carcéral sorti en 2010.

Précédé d'une réputation sulfureuse alimentée par ses bandes-annonces, La Crème de la crème nous entraînait dans le monde des écoles de commerce, univers diamétralement opposé à celui du Jeune Imam, sa nouvelle réalisation. Qui se déroule dans la banlieue de Montfermeil. Comme Les Misérables de son compère Ladj Ly, récompensé à Cannes et aux César et qui a co-écrit le scénario avec lui.

Deux longs métrages qui ont aussi en commun de s'inspirer de faits réels (une bavure policière d'un côté, une arnaque au pélerinage de l'autre), alors que l'on y croise, au détour d'une scène, Sami Slimane, révélation de l'Athena de Romain Gavras, autre membre de Kourtrajmé qui s'est servi de la banlieue comme théâtre son dernier film en date. Co-écrit avec Ladj Ly lui aussi.

S'il partage des influences communes avec les opus de ses complices, Le Jeune Imam s'inscrit pourtant totalement dans la filmographie de Kim Chapiron. Parce qu'il met des personnages jeunes en scène pour ausculter la perdition de cette génération, dans un univers bien défini, avec ses propres codes. Et dans un récit en deux parties distinctes.

Tout commence, ici, lorsque Ali (Abdulah Sissoko dans son premier grand rôle au cinéma après une apparition dans... Athena) est envoyé au Mali par sa mère pour qu'il termine son éducation. Un pays dont il revient changé, dix ans plus tard, et prêt à devenir le nouvel imam de sa cité, malgré son jeune âge. Et c'est là que débute la seconde moitié, centrée sur son ascension et sa tentative d'aider plusieurs fidèles à partir faire un pélerinage à la Mecque.

Coûte que coûte, et c'est là qu'Ali rejoint les personnages principaux de Dog Pound ou La Crème de la crème. Dans un récit qui évoque les arnaques au pèlerinage à la Mecque, fait divers courant mais méconnu, car il touche des populations fragiles, souvent âgées, qui n'utiliseront pas la justice ou les médias pour essayer de chercher réparation.

La manière classique de pratiquer sa religion est pulvérisée par les nouvelles façons de communiquer "Cette histoire nous a touchés avec mon ami Ladj Ly et nous avons décidé d'écrire ce scénario ensemble", explique Kim Chapiron. "J'ai toujours vécu avec des gens de différentes confessions, dont des musulmans. Il y avait une grande tendresse entre nous tous. Le Jeune imam est né de vouloir évoquer cela. Je souhaitais entre autres, filmer la religion musulmane pratiquée par une immense majorité silencieuse."

Un regard tendre dans un film que le principal intéressé décrit comme un thriller qui, à l'image de son cinéma, confronte tradition et modernité : "Mon film traite de ces nouveaux leaders spirituels 2.0. Comment cette nouvelle famille d'imams constitue une force à travers YouTube, Tiktok, etc. Et comment, par conséquent, la tradition est vécue alors par les nouvelles générations."

"La manière classique de pratiquer sa religion est pulvérisée par les nouvelles façons de communiquer. L'imam qui a le plus de followers fait autorité pour les plus jeunes. Ce règne de la quantité est aussi un des sujets du film. Le Jeune imam pose la question de comment on construit le religieux. Comment toutes ces nouvelles technologies génèrent des dérives."

En résulte un numéro d'équilibriste qui met un peu de temps à nous saisir avant que la deuxième partie ne nous emporte, en faisant un portrait plus nuancé de son héros. "Son attitude provoque un sentiment d'ambivalence ; on l'aime et on le désavoue, puis peut-être, on le comprendra. Ali veut faire le bien, mais il s'aperçoit qu'on ne peut pas tout contrôler dans la vie. Ce qui lui arrive peut advenir à tous les jeunes gens du monde."

"Pour moi, le film parle d'actes d'amour et de leur portée. C'est l'idée fondatrice de mon histoire, celle qui donne la confiance à Ali et lui permet de déployer son talent. Encore une fois, Le Jeune imam décrit un monde de nuances. Il s'agit alors de partager des questions et d'y réfléchir en sortant du film." Si le long métrage vous reste longtemps en tête, Kim Chapiron aura donc gagné son nouveau pari.

publié le 26 avril, Maximilien Pierrette, Allociné

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