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La plus longue standing ovation de Cannes 2023, c'est la pépite Rien à perdre avec Virginie Efira !

La claque à ne pas rater à Cannes cette année, c'est le tout premier film d'une cinéaste très douée, nommée Delphine Deloget. L'histoire d'une mère prête à tout pour récupérer son fils placé en foyer. Rageant et bouleversant.

Dès le début du générique, les applaudissements pleuvent. C'est le jeu à Cannes de rester debout le plus longtemps possible après la projection d'un film notamment en présence de ses stars, mais là, on le sent, on le sait, cela n'a rien de surfait. En larmes, les spectateurs de la salle Debussy témoignent avec ferveur à l'équipe présente leurs sentiments mêlés : l'empathie totale, la colère contenue, une partielle libération, quelque chose qui au plus profond réveille une forme d'impuissance toute contemporaine. En témoigne un autre moment du film où les applaudissements se sont faits comme malgré soi, lors d'un coup de tête... irrépressible. Comme une revanche partagée.

Irrépressible, c'est bien cela. Comment retenir sa colère impuissante encore une fois, face à l'histoire de cette mère privée de son fils par les services sociaux suite à un malheureux accident domestique pendant lequel elle était absente, et qui se heurte aux procédures administratives et judiciaires. Un système qui, aussi parce qu'il manque de temps et de moyens, fait d'un cas particulier une généralité et se trompe parfois, de peur de passer à côté d'un drame.

Tout va bien, on a acheté une friteuse! Perdant peu à peu pied face à la rigidité d'une machine qui met la mère qu'elle est dans une case un peu trop caricaturée, l'héroïne chute. Une fois encore dans sa carrière, c'est sous l'œil avisé d'une réalisatrice que Virginie Efira offre une partition de femme nuancée, complexe, une nouvelle représentation de la figure de la mère, pas si coupable et pas si parfaite. Mais dont la détermination est contagieuse.

Une mère débordée et borderline certes mais qui porte à ses enfants un amour indéniable, sachant être présente pour eux aux moments importants, même si les services sociaux ont eu la malheureuse preuve du contraire.

Une personne pleine d'imperfection que l'actrice sur tous les fronts joue à la perfection, toute affectueuse et emportée qu'elle est, face à ses deux fils incarnés par le jeune et fiévreux Alexis Tonetti et le plus posé et métamorphosé Félix Lefebvre, tout d'anxiété contenue :

"J'ai été bouleversé par la sensibilité du rôle, son regard, sa façon d'interagir. Il est dans un besoin d'aider et ne pose jamais ses problèmes sur la table mais à l'intérieur de lui, ça travaille. C'est pour toutes ces raisons que j'ai voulu m'investir physiquement (l'acteur a pris 20 kg pour le rôle n.d.l.r) pour mieux l'interpréter", nous a confié l'acteur lors de notre rencontre.

Elevé par cette mère , l'adolescent presque jeune adulte est aussi celui qui l'élève, au sein d'un trajet maternel et filial qui pose la question cruciale : alors qu'elle ne lâche rien pour récupérer son plus jeune fils, à quel moment devra-t-elle accepter de se séparer du plus grand? Quelle séparation est légitime ou ne l'est pas? Entendable, naturelle?

"Il y a quelque chose d'un couple dans leur relation mère-fils, dans leur fonctionnement. Elle lui demande beaucoup de responsabilité. C'est une famille monoparentale, elle travaille la nuit, elle a besoin de lui et lui l'admire. La preuve d'amour n'est pas dans le fait de rester ensemble mais dans ce cas là de laisser l'autre être sans elle", répond Virginie Efira.

J'ai le droit de m'énerver, c'est tout ce qu'il me reste! La colère et l'impuissance étaient là au cœur de la salle de cinéma cannoise mais entendons-nous bien : le propos de Delphine Deloget n'est pas de juger, de critiquer un système malveillant mais juste d'en souligner les possibles défaillances :

"Mon personnage se retrouve face à quelqu'un qui ne veut pas entendre. On lui dit "il sera formidablement bien sans vous, il aura de la verdure". Se pose alors une question plus large : qu'est ce que c'est qu'une bonne famille, un bon parent ? La maison n'est pas insalubre mais tout n'est pas nickel, les horaires ne sont pas respectés mais il y a de l'amour qui circule. Et eux lui disent que ce n'est pas suffisant....

Ont-ils totalement tort? Alors oui l'amour c'est la règle de base mais s'il n'y a que cela et qu'on ne sait pas où sont les parents, ça peut être compliqué. C'est difficile donc à définir et il y a beaucoup d'injonctions et surtout dans ces périodes-ci", explique longuement Virginie Efira, fière de ce regard intime et politique juste.

Et Félix Lefebvre de renchérir :

"Un film singulier dans son écriture et qui raconte une histoire authentique ne cherche pas à raconter une réalité globale d'un système, d'une mère. Cela raconte une histoire. On se reconnaît tous dans des moments où on ne s'en sort plus et ça transcende tout, en n'étant pas une leçon et une reprise de morale de quelque chose. Il n'y a pas de manichéisme ici".

En effet, il n'y a ni de vrais méchants ni de vrais gentils dans ce premier film pépite, où chacun fait comme il peut et va jusqu'au bout, jusqu'à une fin extraordinaire que l'on vous laisse découvrir. Foncez, vous n'avez rien à perdre. Vous avez même tout à gagner.

Découvrez un extrait très fort de ce film Un Certain Regard à ne pas rater:

publié le 26 mai, Laetitia Ratane, Allociné

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