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La Nuit du 12 : 6 César... et un discours radical

Ne vous y trompez pas, La Nuit du 12 n'est pas seulement le grand gagnant des César 2023. Ce polar distille avant tout un propos sans fard sur les féminicides, comme l'a rappelé sa productrice dans un discours implacable sur la scène de l'Olympia.

Avec 6 César, dont Meilleur Film et Meilleure Réalisation, La Nuit du 12 a largement dominé le palmarès de la 48ème cérémonie, qui a eu lieu dans la salle de l'Olympia de Paris, ce vendredi 24 février. Mais derrière les paillettes et les remerciements, il y a un film, un polar au discours radical qui porte un regard lucide sur les violences faites aux femmes.

Adapté d'un passage (30 pages sur 500) du livre de Pauline Guéna 18.3 - une année à la PJ, publié pour la première fois en 2021 aux éditions Gallimard, le film de Dominik Moll revendique le réalisme et plonge dans le quotidien de policiers enquêtant sur la mort particulièrement violente - la victime a été brûlée vive - d'une jeune femme qui n'était qu'insouciance et joie de vivre. Cette affaire devient bientôt une idée fixe pour le chef du groupe, pour qui cet assassinat restera une plaie béante.

Âpre et fascinant, le film de Dominik Moll porté par Bastien Bouillon et Bouli Lanners, démonte la mécanique implacable du féminicide. Un propos dont les producteurs et le réalisateur se sont faits l'écho lors de la soirée des César à travers des prises de parole puissantes ne laissant aucu doute sur le sous-texte sociétal de ce film policier.

Un décès tous les trois jours

"C'est un prix qui nous touche énormément, comme vous pouvez l'imaginer. Dans le film, deux personnages partagent ce constat : il y a quelque chose qui cloche entre les femmes et les hommes. C'est un euphémisme. Le morbide décompte de la violence faite aux femmes tient en une phrase : un décès tous les trois jours, et dans les mauvaises années tous les deux jours. Seules les femmes savent dans leur chair ce qu'est la violence qu'on leur inflige. Mais pourtant quand Dominik et Gilles sont venus nous voir avec l'envie de faire ce film, il nous est apparu évident qu'il y avait un manque. Que le regard des hommes était important. Qu'il fallait donner la parole à ces hommes-là. Et que les cinéastes devaient absolument s'emparer de ce récit. Dominik, il y a quelques jours tu as donné une interview et tu as cité la philosophe Geneviève Fraisse, qui a dit quelque chose qui m'a beaucoup frappée : c'est que #MeToo a libéré la parole, mais qu'il s'agissait maintenant de libérer l'écoute. Or dans le film de Dominik, les hommes écoutent. Ils écoutent d'autres hommes débiter un flot de propos profondément mysogines sans se rendre compte de rien ; mais surtout ils écoutent des femmes qui leur tendent un miroir sans concession. Et je pense que si le film nous bouleverse, c'est pour cela. Mais c'est aussi pour cela qu'il nous apaise profondément et que nous en avions tous et toutes très profondément besoin. Je dirais donc vive les femmes, et vive les hommes qui rejoignent leur combat. Parce que ce combat nous devons le mener ensemble." - Caroline Benjo, productrice

Elle s'appelait Maud

"Ca va paraître un peu anecdotique, mais je voudrais remercier les enquêteurs de la PJ de Grenoble, qui m'ont accueilli pendant une semaine. Ce stage d'immersion a été très important pour la justesse du film. Je voulais les remercier pour leur confiance. Et je voulais avoir une pensée pour la vraie Clara, la vraie victime de l'affaire qui a donné lieu au film. Elle s'appelait Maud." - Dominik Moll

publié le 25 février, Vincent Garnier, Allociné

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