Actus cinéma

La Montagne : dépaysement garanti avec ce film fantastique primé à Cannes et Gérardmer

Huit ans après "Vincent n'a pas d'écailles", Thomas Salvador reste dans le fantastique et nous emmène prendre l'air grâce à "La Montagne", belle histoire d'évasion récompensée aux festivals de Cannes et Gérardmer.

ÇA PARLE DE QUOI ?

Pierre, ingénieur parisien, se rend dans les Alpes pour son travail. Irrésistiblement attiré par les montagnes, il s'installe un bivouac en altitude et décide de ne plus redescendre. Là-haut, il fait la rencontre de Léa et découvre de mystérieuses lueurs.

QUE LA MONTAGNE EST BELLE

Thomas Salvador est un réalisateur rare. Dans tous les sens du terme. Parce que La Montagne est son deuxième long métrage et que le premier est sorti en 2015. Et qu'il persévère dans la veine fantastique avec une sensibilité qui lui est propre. Après le super-héros de Thomas n'a pas d'écailles, le surnaturel prend cette fois-ci la forme de lueurs auxquelles le héros fait face dans les sommets sur lesquels son personnage s'est réfugié, du jour au lendemain, laissant sa vie et son travail d'ingénieur derrière lui.

Toute ressemblance avec des envies d'ailleurs liées au Covid et à ses conséquences n'est évidemment pas anodine, car Thomas Salvador reconnaît avoir adapté l'histoire à ses "préoccupations du moment et à l'époque que nous vivons". Mais pas que. Car l'origine de sa Montagne est très antérieure à l'apparition du virus et au premier confinement. "Ma première idée de long-métrage était naturellement un film de montagne", explique ce passionné qui s'est mis à l'alpinisme pendant son adolescence.

"Je voulais proposer le film à Patrick Berhault, un alpiniste que j'adorais adolescent et avec qui je m'étais lié lors du tournage d'un documentaire pour Arte. Il y aurait joué son propre rôle, parti à la recherche d'un jeune alpiniste qui ne voulait plus redescendre des montagnes, que j'aurais moi- même interprété. Malheureusement, Patrick Berhault est mort en montagne quelques semaines avant le rendez-vous où j'allais lui proposer l'idée."

"C'était il y a presque 20 ans. J'ai mis du temps à me remettre de sa disparition, ainsi qu'à envisager un autre film. Après Vincent n'a pas d'écailles, j'ai décidé de revenir à mon film de montagne." Est-ce la raison de la grande mélancolie qui habite le long métrage ? Peut-être. Mais celle-ci se marie à la poésie qui naît de la rencontre de Pierre (joué par Thomas Salvador lui-même) avec les lueurs, la douceur de son histoire d'amour avec Léa (Louise Bourgoin) ou le calme qui nimbe le récit et témoigne de l'aspect sensoriel de son cinéma, qui passe le moins possible par les dialogues.

"Il faut que ce que je raconte s'incarne et se matérialise le plus concrètement possible", explique-t-il, toujours dans le dossier de presse. "C'est pour cela que je tiens à faire un maximum de choses réellement. C'est aussi pour cela que le travail corporel est central dans mon travail." De la même manière que Vincent n'a pas d'écailles reposait sur des trucages pratiques, La Montagne a été tourné en haute altitude, dans ce souci de réalisme. Non sans mal.

"Il faut être très humble en montagne, ne pas y aller en conquérant. Se laisser inviter d'une certaine manière. Quand il pleut en ville, on peut s'adapter, alors qu'au-dessus de 3000 mètres, la pluie devient de la neige, le vent une tempête et le brouillard sur un glacier rend le moindre pas dangereux."

THOMAS SALVADOR AU(X) SOMMET(S)

Cela impliquait notamment de tourner en équipe très réduite. Et dispersée : "En bas, une petite équipe s'occupait de la logistique, mais en haut, il n'y avait que le chef opérateur, l'assistant caméra, le 1er assistant, la cheffe opératrice du son et les guides qui assuraient notre sécurité. Et pendant dix jours nous avons été seulement deux techniciens, l'opérateur escalade et moi..."

"Parce qu'on tournait dans des endroits où il était impossible d'aller avec le reste de l'équipe. Il faisait l'image et moi le son. Ce dispositif de tournage immersif, et la part de 'vérité' qu'il produit, me semblait important pour ancrer la dimension fantastique du film dans un environnement authentique." Une authenticité qui plaît. Beaucoup. Si la grande lenteur du rythme pourra en rebuter certains, alors que l'aspect fantastique est assez minime en comparaison avec la partie humaine, il est difficile de ne pas succomber à son ambiance.

La Montagne est ainsi un film devant lequel on respire, devant lequel on s'évade. Une promesse tenue de dépaysement qui vient de remporter deux trophées au Festival de Gérardmer (Prix de la Critique, Prix du Jury), après avoir triomphé au PIFFF ou à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Et on espère maintenant qu'il faudra moins de huit ans avant de revoir un film du réalisateur sur grand écran.

publié le 1 février, Maximilien Pierrette, Allociné

Liens commerciaux