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La Conspiration du Caire : un thriller percutant par le réalisateur du Caire Confidentiel

Prix du Scénario au Festival de Cannes, La Conspiration du Caire est le nouveau film de Tarik Saleh. Cinq ans après Le Caire Confidentiel, le cinéaste suédois nous plonge une nouvelle fois dans un thriller haletant.

Cinéaste suédois d'origine égyptienne qui s'est fait un nom dans le monde du graff mais aussi grâce à ses documentaires et ses clips vidéo, Tarik Saleh a connu une renommée internationale avec son troisième long-métrage Le Caire Confidentiel, inspiré librement du meurtre de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim.

Avec ce film, qui lui a valu de nombreux prix, Tarik Saleh s'est lancé dans des récits coups de poing sur les différents centres de pouvoir en Égypte. Et aujourd'hui, il revient avec La Conspiration du Caire racontant la spirale infernale dans laquelle se retrouve Adam (Tawfeek Barhom), un simple fils de pêcheur qui intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l'Islam sunnite.

Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l'institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d'une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays en devenant un espion pour un agent nommé Ibrahim (Fares Fares).

Recréer le réel avec une intrigue maîtrisée

Depuis Le Caire Confidentiel où le tournage a été interrompu par les services de sécurité égyptien, Tarik Saleh fait partie de la liste des indésirables du pays, c'est-à-dire qu'il se ferait arrêté s'il s'y rendait. Le cinéaste suédois n'a donc pas pu y tourner non plus La Conspiration du Caire et a donc dû choisir un autre lieu de tournage.

Le Maroc, qui avait été le lieu de tournage du Caire Confidentiel, n'était pas une option à cause de la pandémie. Il fallait alors choisir entre la Turquie et l'Iran, qui a le même type d'architecture qu'Al-Azhar « qui a été construit par des chiites puis transformé en institution sunnite ». Mais c'était très compliqué pour Tarik Saleh : "Tourner en Iran un film sur Al-Azhar, ce serait une énorme déclaration et une déclaration que je ne veux pas faire. Je ne suis pas intéressé par les combats religieux tribaux."

Le tournage se fera donc à Istanbul dans la mosquée Süleymaniye, chef d'œuvre de l'architecture islamique conçue par Sinan, connu dans le monde musulman. Malgré des similitudes architecturales entre la mosquée Süleymaniye et Al-Azhar, il fallait que Tarik Saleh réfléchisse à une façon de filmer la mosquée pour qu'elle ressemble à l'université égyptienne.

Malgré tout, le cinéaste a choisi de s'approprier les lieux et en a fait sa propre vision d'Al-Azhar, même s'il a recréé fidèlement le conseil des imams par exemple. Pour Tarik Saleh, le plus important était de raconter une histoire en répondant à des questions et en s'adressant au public, dont la réaction dans les différents festivals où il a été présenté ont touché le cinéaste :

"Je suis surpris que tout le monde ait compris ce que j'ai essayé de faire. C'est un monde que personne ne connaît. Et l'une des meilleures réactions, je pense, c'est que les gens me demandent si le film est basé sur des faits réels et si la police fonctionne comme ça. Et la vérité c'est que c'est réel, bien sûr. Je pense donc que les gens sentent qu'il y a quelque chose là-dedans qui ressemble presque à un documentaire."

Même si Tarik Saleh se rapproche du réel, il a très vite décidé de ne pas choisir de vraies personnalités dans son film et d'inventer des personnages de fiction. Le plus important était de dépeindre les luttes de pouvoir qui se jouent au sein de cette université, la troisième plus ancienne après Oxford et Bologne, "parce que l'université Al-Azhar a eu ce genre de lutte de pouvoir depuis le tout début. Ainsi, qu'importe la période, il y a toujours un dirigeant qui essaiera de la contrôler".

Grâce au récit percutant qu'il raconte dans Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh a reçu le Prix du Scénario au Festival de Cannes, une récompense qui lui tient à cœur tant il aime l'écriture :

"J'étais tellement heureux parce qu'écrire est vraiment ce que j'aime faire. La réalisation, c'est du travail pour moi. C'est comme si je m'engageais comme réalisateur. Quand j'ai commencé à faire des films, j'aimais la réalisation, mais c'était parce que je ne savais pas comment réaliser. Depuis, j'ai appris la dure réalité derrière et c'est un travail prenant pour lequel vous jouez contre le temps. Tandis que l'on peut prendre le temps que l'on veut lorsqu'on écrit. Tous ceux qui travaillent avec moi savent que je ne veux jamais arrêter d'écrire."

Une trilogie en cours ?

Après Le Caire Confidentiel et La Conspiration du Caire, un troisième film situé au Caire est-il dans les tuyaux pour Tarik Saleh ? Le scénariste et réalisateur a des idées, même s'il nous confie qu'il écrit toujours plusieurs scénarios en même temps. Mais un autre long-métrage qui viendrait s'inscrire dans un même univers que les deux précédents est bien dans ses projets :

"Sur les trois scripts que j'ai maintenant, l'un d'eux pourrait s'inscrire dans une trilogie. Les trois scénarios traitent tous de l'Égypte mais ne sont pas directement liés. Bien sûr, Le Caire Confidentiel et La Conspiration du Caire sont extrêmement liés. Ils traitent des différents centres de pouvoir. Le premier traite de la police, qui est l'armée du président, et le second traite de l'institution religieuse.

Il y a un troisième centre, mais je ne veux pas dire lequel. C'est peut-être le plus important de tous que j'explore, parce que c'est très intéressant de se plonger dans ces coulisses inexplorées. Et personne ne traite de ces sujets donc ça fait partie de mes motivations. Donc je pense aller dans cette direction, même si un autre sujet m'intéresse, sur la relation entre l'Occident et l'Égypte, mais ce projet-là ne ferait pas partie de la trilogie."

En attendant, le parcours de La Conspiration du Caire est loin d'être terminé puisqu'il sort au cinéma dans les salles françaises ce 26 octobre. Et le film a été choisi par la Suède pour représenter le pays dans la course à l'Oscar du meilleur film étranger.

Propos recueillis par Mégane Choquet le 20 octobre 2022 à Paris.

publié le 26 octobre, Mégane Choquet, Allociné

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