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Le Procès Goldman au cinéma : l'histoire vraie du demi-frère braqueur de Jean-Jacques Goldman

Actuellement au cinéma, "Le Procès Goldman" revient sur l'affaire Pierre Goldman, demi-frère de Jean-Jacques Goldman et militant d'extrême-gauche poursuivi pour braquages et meurtres dans les années 1970.

Au cinéma depuis le 27 septembre, Le Procès Goldman de Cédric Kahn (Roberto Succo, Une vie meilleure, Fête de famille) revient sur le deuxième procès de Pierre Goldman, intellectuel qui a évolué vers le banditisme dans les années 1970.

Huis clos étouffant et passionnant qui enchaîne les joutes verbales brillamment écrites, ce film immersif peut compter sur les prestations remarquables d'Arieh Worthalter et Arthur Harari, mais aussi des seconds rôles campés par Nicolas Briançon (Engrenages), Jeremy Lewin, Chloé Lecerf, Stéphan Guérin-Tillié et Aurélien Chaussade.

Après une condamnation en première instance à la réclusion criminelle pour des braquages, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, Pierre Goldman a été sous le feu des projecteurs lors de son second procès. Cet esprit insaisissable et irrévérencieux, qui n'a cessé de clamer son innocence, a donné du fil à retordre au juge, à la partie civile, au jury mais aussi et surtout à son avocat Georges Kiejman.

Qui était Pierre Goldman ?

Si le nom de Pierre Goldman vous dit quelque chose, c'est parce qu'il a un lien de parenté avec la personnalité préférée des Français. Le militant et gangster était en effet le demi-frère aîné de l'auteur-compositeur-interprète aux 30 millions de disques vendus, Jean-Jacques Goldman. Ce dernier apparaît d'ailleurs dans le film sous les traits du jeune comédien Ulysse Dutilloy, bluffant de ressemblance avec la star.

Cet ancien élève de la Sorbonne, né de parents résistants, a rejoint de nombreux groupes et syndicats étudiants d'extrême-gauche durant sa jeunesse avant de séjourner plusieurs fois en Amérique latine pour rejoindre les rangs de la guérilla à la fin des années 1960.

Il retourne ensuite à Paris, bien qu'il soit recherché pour insoumission car il n'a pas effectué ses trois jours obligatoires pour le service militaire. En 1969, il commet plusieurs vols à main armée pour lesquels il est arrêté.

Également accusé du meurtre de deux pharmaciennes boulevard Richard-Lenoir dans le XXIème arrondissement de Paris, Pierre Goldman est condamné par les Assises de Paris en 1974 à la réclusion à perpétuité.

Durant son incarcération, Pierre Goldman écrit une autobiographie Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, publiée peu avant son deuxième procès, qui lui sert de témoignage plaidoyer et qui obtient un succès populaire et critique avec plus de 60 000 exemplaires vendus.

Ce livre, dans lequel il explique ses origines, les actes de résistance de ses parents et ses propres combats, lui permet d'attirer la sympathie de l'opinion publique et le soutien de nombreuses personnalités françaises, comme Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre et Simone Signoret.

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C'est par ce livre qu'Arieh Worthalter et Arthur Harari en ont appris plus sur l'affaire Pierre Goldman. Mais c'est surtout le scénario de Cédric Kahn et Nathalie Hertzberg qui leur a fait comprendre la puissance de cette histoire et de ce procès en particulier, comme ils nous l'ont confié à Cannes.

"Je ne savais pas du tout à quoi avait ressemblé ce procès", explique Arthur Harari, "Je ne savais pas que ça avait été à ce point-là une espèce de caisse de résonance politique. J'en ai pris conscience en lisant le scénario et en travaillant sur le film, qui m'a fait vivre quelque chose. C'était toute la force du dispositif de mise en scène de Cédric, de nous faire oublier qu'on racontait un fait divers historique ou un morceau d'Histoire".

Pour Arieh Worthalter, la puissance émotionnelle du Procès Goldman vient aussi de la vision de Cédric Kahn et de sa mise en scène, qui a mis à l'aise ses acteurs dans un cadre singulier : "Il faut avoir confiance en son réalisateur qui est là aussi pour guider, même si Cédric, ce n'est pas quelqu'un qui dirige beaucoup. Mais il est très présent quand même. C'est étrange, tout le long, il y avait une connexion constante avec Cédric, même s'il y avait peu de mots. Tu sens qu'il est avec toi à chaque moment. C'est très réconfortant".

Car les acteurs se sont retrouvés dans une salle de procès, filmés par trois caméras en permanence, à jouer des longues séquences entières. Arthur Harari a été envahi d'"une sensation de réalité troublante", d'autant qu'il a pu rencontrer George Kiejman - qui a lui même écrit un livre - pour façonner encore plus son personnage. L'ancien avocat de Pierre Goldman n'a pas pu voir le film car il est décédé quelques semaines avant le Festival de Cannes :

"George Kiejman était encore vivant au moment du tournage et j'avais accès à des archives abondantes. J'ai même trouvé une émission de télé de la fin des années 60 où il joue le jeu de faire un faux procès à la télé. On le voit en plaidoirie, en débat. Je voyais comment il marchait, comment il parlait. Il avait un léger cheveu sur la langue. Mais il n'était pas tellement question de l'imiter, ce n'était pas du tout mon approche.

Il s'agit de rendre vivante une parole qui est écrite. On s'en remet à quelque chose qui est à mi-chemin entre ce qui a été écrit, ce qui a été vécu dans le passé et ce qu'on est, nous. Et cela vient naturellement. Je sais qu'à la fin, par exemple, je fais la plaidoirie avec le poing fermé. Je l'ai décidé juste avant de faire la prise."

Pour Arieh Worthalter, tout était à faire pour incarner Pierre Goldman car il a tout découvert à la lecture du scénario et "il n'y avait pas énormément de documentation, seulement quelques images brèves et souvent muettes" :

"Au-delà du scénario qui est la matière première, c'est le livre de Pierre qui est riche en informations, bien au-delà du personnage et de l'époque. C'est le témoignage de la psyché de quelqu'un de complètement démesuré, au-delà du procès. En ce qui concerne le physique, c'est presque mystique, je pense.

La parole conditionne une posture, des émotions conditionnent une posture. Et les blessures qu'on décide de mettre à nu dans un personnage conditionnent aussi une position face au monde. T'es dans un box en train de sauver ta peau, ça conditionne aussi quelque chose d'une manière un peu magique. C'est assez jouissif aussi parce que c'est une expérience très intérieure."

Après le procès

En raison d'un vice de forme, le premier jugement est classé l'année suivante et Pierre Goldman se voit jugé dans un second procès à Amiens en 1976 - second procès qui va révéler encore plus la personnalité de Pierre Goldman et au cours duquel il est acquitté pour les meurtres des deux pharmaciennes. Il est toutefois condamné à douze ans de réclusion criminelle pour les autres braquages.

Mais il bénéficie d'une mesure de libération conditionnelle cinq mois après le verdict grâce à la prise en compte de sa détention provisoire et d'une réduction de peine. Après sa libération, Pierre Goldman poursuit dans l'écriture et collabore à des journaux comme Libération ou Les Temps Modernes.

Il publie également son second ouvrage, L'Ordinaire Mésaventure d'Archibald Rapoport, qui connaît un succès moindre que son premier livre. Surtout, son récit - qui met en scène un personnage auteur d'une série d'assassinats qui lui ressemble - sème le doute chez ses partisans et ses soutiens mais aussi son avocat Georges Kiejman qui estiment qu'il s'est mis en danger avec ce livre.

En 1979, Pierre Goldman est assassiné en pleine rue par deux hommes dans le XIIIème arrondissement. La police pense que la pègre est derrière son meurtre mais il est revendiqué par un groupe présumé d'extrême droite appelé Honneur de la Police. Son meurtre n'a jamais été élucidé.

Propos recueillis par Mégane Choquet le 18 mai 2023 à Cannes.

Le film Le Procès Goldman est actuellement au cinéma.

publié le 17 mai, Mégane Choquet, Allociné

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