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Je verrai toujours vos visages : un film haletant avec Adèle Exarchopoulos sur un aspect méconnu de la justice française

Vous ne connaissez probablement pas le sujet central du film et vous allez être happés ! Je verrai toujours vos visages, avec son impressionnant casting choral, est un film passionnant au cœur de la justice. Rencontre avec une partie de l'équipe.

De quoi ça parle ?

Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d'infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel.

Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l'arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s'engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative.

Sur leur parcours, il y a de la colère et de l'espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée... Et au bout du chemin, parfois, la réparation...

Avec Je verrai toujours vos visages, vous allez découvrir un dispositif français, encore assez méconnu, mais qui devrait vous passionner, et matière à un film captivant. Le film, dense et haletant, nous fait vivre de l'intérieur ces rencontres, sur le mode de la fiction, mais inspirées par un propos très documenté. Le film est porté par un impressionnant casting, dont Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos ou encore Leïla Bekhti.

L'équipe de Je verrai toujours vos visages était à l'honneur de notre Club AlloCiné, où le film a reçu notre Label Le Club AlloCiné aime... Découvrez quelques uns des temps forts de cette soirée au Forum des images dans notre vidéo ci-dessus, et sous la forme d'un entretien ci-dessous, avec la scénariste et réalisatrice Jeanne Herry, et le comédien Dali Benssalah

AlloCiné : Comment avez-vous découvert la justice restaurative

Jeanne Herry, scénariste et réalisatrice : Je ne connaissais pas avant d'écrire ce scénario. J'ai découvert dans le cadre d'une recherche que j'ai faite suite à mon dernier film. Je n'avais pas d'histoire que j'avais envie de raconter particulièrement ; je n'avais pas d'idée.

Je suis allée creuser un peu comme ça, des sujets qui m'intéressent à titre personnel, et notamment le monde judiciaire qui me passionne depuis que je suis enfant. C'est dans ce cadre que j'ai eu accès à un podcast sur France culture autour de la justice restaurative. J'ai découvert ce principe, cette justice. Ça m'a tout de suite interpellée. Ça a allumé un feu. C'est comme ça que je l'ai ressenti.

Pour la réalisatrice et scénariste que j'étais, je me suis dit que c'était un terrain de jeu fantastique pour écrire les scènes que je préfère écrire, les scènes d'action psychologique, développer des personnages riches, amples, nuancés... Offrir des partitions intéressantes, très émotionnelles à jouer pour les acteurs.

Un terrain de jeu fantastique pour écrire les scènes que je préfère, les scènes d'action psychologique. Je me suis documentée comme une folle pendant 4 mois, et ensuite je suis allée jouer dans mon bureau pendant plus d'un an. Et c'est là que, au bout d'un moment, j'ai envoyé un scénario, à Dali Benssalah.

Dali Benssalah, acteur : Je ne connaissais pas du tout la justice restaurative, et je crois pouvoir parler au nom des autres acteurs du film. On a plongé dedans. C'était un bonheur dès le scénario, de plonger dans une histoire, rencontrer des personnages, et rencontrer la justice restaurative. On découvre quelque chose qui existe. C'est très enrichissant.

Avez-vous assisté au type de rencontres que l'on voit dans le film, entre victimes et auteurs de délits ?

J.H. : Non, car c'est aussi ce qui garantit la sécurité de ces dispositifs. Tout est confidentiel. Il y a une telle libération des émotions, des récits, qu'on ne peut pas y assister. Ça ne dérange pas du tout ma documentation. Même si j'avais pu y assister, je ne sais même pas si j'y serais allée. Ce à quoi j'ai pu assister, ce sont les formations. La scène d'ouverture du film est vraiment à l'image des formations que l'on dispense aux animateurs et aux médiateurs qui veulent animer ces dispositifs.

C'est un film sur la réparation, c'est le but de la justice restaurative. C'est un film sur la réparation, c'est le but de la justice restaurative. Beaucoup de témoignages de personnes ayant participé à ces dispositifs disent à quel point ça les a aidé. Après, il y a des degrés plus ou moins importants. Parfois, c'est juste le début pour les engager dans un chemin de réparation, et parfois ça va venir achever un chemin de restauration. Des détenus vont prendre conscience de certaines choses, et parfois, 6 mois après, ils vont recommencer, et diront que ça ne suffisait pas, qu'il aurait fallu que ça dure plus. Mais pour le moment, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que ça ne marche pas, et ça ne vaut pas la peine. Il n'y a pas de remède miracle; tout est complexe. C'est un outil, qui est très puissant, ultra dynamique, et c'est en ça qu'il m'a intéressé. Il a l'air statique physiquement, mais il est ultra dynamique psychiquement.

Dali, quelle a été votre préparation ?

D.B. : Aucune préparation, ce qui est plus simple. C'est presque plus juste de ne pas rencontrer des détenus, ou du moins de ne pas chercher à mettre des images sur ces rencontres. Parce qu'il ne s'agit pas de reproduire, ou s'inspirer de quelqu'un qui aurait déjà existé. Ces rôles ont été écrits par Jeanne . Chacun de ces rôles est au service de cette histoire.

Comment avez-vous choisi ce titre ? S'est il imposé d'emblée ?

J.H. : J'ai eu un premier titre, qui est celui du scénario et du tournage. Il s'appelait au départ "J'ai croisé le loup". Il enfermait le film dans la problématique des violences sexuelles. C'était un titre un petit peu sombre. On a cherché un titre un peu plus positif !

Dans la phrase Je verrai toujours vos visages, il y avait la double expérience, celle du visage de l'agresseur, dont elles se souviendront toujours, des yeux de l'agresseur. Mais il y a aussi le versant positif de ça : "je suis marquée à vie". Je serai marquée par vos visages et ce que vous m'avez dit. Peut être qu'au moment de passer à l'acte, je m'en souviendrais encore.

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Je trouvais ça cohérent avec le versant traumatique et le versant réparateur, et aussi de mon expérience de réalisatrice, car moi-même, j'ai beaucoup filmé des visages, et c'est ce que je préfère filmer. Ça cochait beaucoup de cases, c'était cohérent.

Propos recueillis lors du Club AlloCiné, à Paris, au Forum des images, le 6 mars 2023

publié le 29 mars, Brigitte Baronnet, Allociné

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