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Interdit aux moins de 16 ans, énorme bide au Box office, ce film de cannibales est à découvrir de toute urgence

Sorti il y a 24 ans dans une indifférence générale absolue, énorme bide au Box Office, le western cannibale "Vorace" est un pur chef-d'oeuvre. Entre leçon d'Histoire, parabole politique et scènes ultra gore : une redécouverte d'urgence s'impose.

Voilà bien un authentique chef-d'oeuvre, qui gagnerait encore à être davantage connu, devenu culte au fil des ans. Réalisé par la regrettée Antonia Bird, qui nous a quitté il y a dix ans, Vorace est sorti dans l'indifférence générale au début de l'été 1999 en France, séduisant à peine 25.000 spectateurs.

Aux Etats-Unis, il fit un four absolu : à peine plus de 2 millions de $ de recettes sur le territoire américain, pour un budget de 12 millions. En France, il n'était d'ailleurs même pas question que la Twentieth Century Fox sorte le film en DVD à l'époque, jusqu'à ce qu'une pétition de fans se charge de réclamer une sortie. C'est dire à quel point le sort s'est acharné sur le film.

D'autant que, côté coulisse, la production fut particulièrement mouvementée. "C'était un tournage très difficile" nous avait d'ailleurs raconté le toujours formidable Guy Pearce, de passage à Paris en 2012 pour la promotion de Lock Out, lorsque nous l'avions interrogé à propos de Vorace.

"Les décisions étaient politiques. On a dû se mutiner et imposer un 3e réalisateur, Antonia. Le premier avait été débarqué au bout de 15 jours de tournage. On a eu beaucoup de soucis, y compris à propos de la BO du film, car la Fox voulait imposer Michael Nyman".

Parmi les raisons expliquant l'échec cuisant du film en salle : l'incapacité du service marketing du studio à vendre correctement le film en le faisant rentrer au forceps dans une case. Est-ce un western ? En un sens oui, mais pas que. Un authentique film d'horreur ? Clairement oui, mais ca serait trop réducteur. Un film politique ? Absolument. Tout cela à la fois ? Assurément. Vorace, une oeuvre inclassable qui brasse plusieurs genres, sans appartenir à l'un en particulier.

Dis-moi qui tu manges, je te dirai qui tu es

Ayant pour toile de fond la guerre entre le Mexique et les Etats-Unis de 1846-1848, Vorace évoque aussi un célèbre fait divers de la Conquête de l'Ouest. Il s'agit de la tragédie du Passage de Donner. Durant l'hiver 1847-1848, un groupe d'immigrants en route vers la Californie se retrouva bloqué par la neige, dans une région isolée, d'accès difficile. Après avoir épuisé leurs vivres, puis mangé leurs attelages et montures, les immigrants dévorèrent les cadavres de leurs morts...

Gorgé d'humour noir particulièrement féroce, de moments de pure terreur, de plans pour certains ahurissants (la chute dans le précipice de Guy Pearce, dont on se demande encore comment elle a pu être filmée), porté par une musique à la fois décalée et obsédante signée par le tandem Michael Nyman et Damon Albarn, Vorace bénéficie en plus d'un casting en titane : Robert Carlyle, absolument génial dans le film, Guy Pearce, Jeffrey Jones, David Arquette ou encore Neal McDonough.

On garde le meilleur pour la fin : le cannibalisme évoqué (et montré) dans le film est pas loin de relever de la pure contestation politique. Car l'Amérique s'est aussi bâtie en dévorant ses propres enfants. "Dis-moi qui tu manges, je te dirai qui tu es" proclamait la tagline de l'affiche française du film. C'est plutôt bien vu. Sur ce, comme dirait le colonel Ives incarné par Robert Carlyle : "Bon appétit !' Si vous avez l'estomac bien accroché, bien sûr.

publié le 31 mai, Olivier Pallaruelo, Allociné

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