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Indiana Jones, les Goonies, les Oscars : les souvenirs de Ke Huy Quan, Meilleur second rôle pour Everything Everywhere

© Paramount Pictures / BestImages / Warner Bros.

Ke Huy Quan a remporté l'Oscar du meilleur second rôle cette nuit pour "Everything Everywhere All at Once". Retour en quelques anecdotes sur la carrière de celui qui reste l'inoubliable Demi-Lune de Indiana Jones et l'inénarrable Data des Goonies.

"Maman, je viens de gagner un Oscar !" L'émotion de Ke Huy Quan restera l'un des moments majeurs de la 95e cérémonie des Oscars, marquée par le triomphe du multivers de Everything Everywhere All at Once, lauréat de sept statuettes.

Sept Oscars, donc, dont celui du Meilleur second rôle masculin pour le comédien d'origine vietnamienne, arrivé aux Etats-Unis sur un boat-people et désormais plébiscité par Hollywood (et notamment Steven Spielberg et Harrison Ford ses deux "papas de cinéma" présents au Dolby Theatre de Los Angeles).

Un retour sur le devant de la scène vu comme une illustration parfaite du "rêve américain" pour celui que nous avions rencontré en 2016 lors de son passage à Paris, et qui avait alors partagé avec nous quelques souvenirs de sa carrière...

Souvenirs de... Indiana Jones et le Temple Maudit

"L'une des plus grandes aventures de ma vie"

Tout était si nouveau pour moi. C'est un peu bizarre, mais même si c'était mon premier film, ça me semblait étrangement familier. C'était une expérience passionnante de voir comment ils organisaient les prises de vue et tout le reste. J'étais très heureux. J'ai eu beaucoup de chance d'être dans ce film. Quand nous avons tourné, je n'avais aucune idée du phénomène qu'avait été Les Aventuriers de l'arche perdue. Steven Spielberg a fait en sorte de me tenir éloigné de ça pour me permettre de profiter de l'aventure. Mais ce n'est qu'au moment de la sortie du Temple Maudit et que j'ai fait le tour du monde pour promouvoir le film, que j'ai réalisé que c'était une suite très attendue. Ça reste l'une des plus grandes aventures de ma vie.

Casting

Ils ont organisé un casting ouvert à mon école, l'idée étant de permettre à des élèves correspondant à la description et l'âge du personnage de tenter leur chance. Mon frère a participé à l'audition. J'étais avec lui, et il y avait une caméra et le directeur de casting. Je me tenais à côté du directeur de casting pour aider mon frère, lui poser des questions et lui dire quoi dire et quoi faire. Et puis le directeur de casting s'est retourné et m'a demandé si je voulais essayer. Je me suis mis devant la caméra et j'ai fait mon truc. Et c'est le lendemain que nous avons reçu un appel du bureau de Steven Spielberg me demandant d'aller le voir. C'était vraiment drôle, parce qu'on ne savait pas ce qu'il se passait. Ma mère m'a fait mettre un costume très chic, j'avais l'air absolument ridicule. Nous attendons Steven Spielberg. Il arrive, il nous salue, il me jette un coup d'œil dans ce costume et il me dit : "C'est super, mais je veux que tu reviennes demain en jean et t-shirt". Nous y sommes donc retournés le lendemain en jean et tee-shirt. Et quand je suis entré dans la pièce, il y avait Harrison Ford, George Lucas et Steven Spielberg ! Et heureusement, à ce moment-là, je ne savais pas qui ils étaient. Si je l'avais su, j'aurais été extrêmement nerveux. Je ne pense pas que j'aurais été capable de faire ce que j'ai fait à l'époque... Nous avons fait des tests ensemble, et peu de temps après, je décrochais le rôle et j'étais dans un avion pour le Sri Lanka.

Demi-Lune... ou Short Round ?

Il ne s'appelle pas Short Round en France ? Demi-Lune ? Half Moon ? Je ne savais pas que le nom du personnage avait été traduit chez vous ! Partout où je vais, les gens m'appellent Short Round. J'ignorais vraiment cela, merci de me l'avoir dit. C'est intéressant à savoir. Mais je préfère Short Round ! (Rires)

"C'est comme si on marchait sur des gâteaux secs..."

Il y avait ce décor vraiment fantastique et réaliste. Et quand je parle des "gâteaux secs" en marchant dans le tunnel, tous les insectes sur le sol étaient faux. Heureusement d'ailleurs, car j'ai une vraie phobie ! En revanche, quand ils ont tourné la scène avec Kate Capshaw, il y avait deux personnes chargées de lui vider dessus des seaux remplis de vrais insectes. C'est le plan que vous voyez à l'écran, avec ces blattes et ces mille-pattes qui lui tombent dessus. Je l'ai vue subir ça, et j'étais content de ne pas être elle !

Le train de la mine

Ils avaient construit ce décor incroyable avec des rails qui faisaient le tour du plateau. C'était comme des montagnes russes et c'était entièrement fonctionnel. Et nous avons attendu qu'Harrison Ford soit capable de le contrôler et nous faisions juste le tour du plateau encore et encore, filmés par Steven Spielberg et le directeur de la photographie placés sur un autre chariot qui circulait sur des voies parallèles.

Cervelle de singe en sorbet

C'était vraiment bon ! Cela avait l'air dégoûtant à l'écran, mais je crois me souvenir que c'était un dessert à la banane. Ou autre chose, je ne me souviens pas exactement, mais c'était vraiment bon ! C'était une sorte de dessert préparé spécialement pour nous. Ça reste un bon souvenir.

PG-13

Steven Spielberg m'a préservé de la violence du film sur le tournage. Je n'ai découvert la scène du cœur qu'à la projection, par exemple. Et à ce moment-là, je savais que tout était faux parce que nous avions passé cinq mois à fabriquer le film. Je ne sais pas si vous le savez, mais avant Indiana Jones et le Temple maudit, il n'y avait pas de classement PG 13. C'est donc à cause du film, que la commission de classification a trouvé trop graphique et trop violent, que le PG 13 a été créé.

Les Goonies

Les Goonies ne meurent jamais !

Nous sommes comme une famille, même si nous ne nous voyons pas souvent. Mais quand nous nous retrouvons, c'est comme si nous ne nous étions jamais séparés. Jeff Cohen, alias Choco, est resté un très bon ami. C'est un très bon avocat dans l'audiovisuel. Et je vois aussi Sean Astin (Mickey) de temps en temps. Nous avons passé un vrai bon moment à tourner ce film. Et nous avons en quelque sorte tous grandi avec ce film aussi, donc c'était très amusant. Au final, c'est un bon film. C'est devenu un classique.

Meilleurs souvenirs

Mes meilleurs souvenirs sont finalement en coulisses, dans les loges. Lorsque nous ne tournions pas, nous étions dans notre loge à faire nos devoirs. C'était un petit espace, nous avions deux professeurs avec nous et nous les rendions fous ! On riait, on pleurait, on faisait des bêtises ensemble. C'est vraiment le moment où nous avons créé de vrais liens. Dans notre "loge scolaire". Et puis, bien sûr, il y avait ces plateaux incroyables. Vous ne pourriez pas faire le même film maintenant. Ce serait beaucoup trop cher. Mais à l'époque, nous avons construit ces décors. Tout était réel. Tout était là. Comme le bateau pirate, par exemple.

Le bateau pirate

Il a été construit sur le plus grand plateau des studios Warner. Pouvoir déambuler sur ce plateau était juste incroyable. Richard Donner, le réalisateur, et Steven Spielberg nous ont empêchés de le voir jusqu'à ce qu'il soit temps de tourner cette scène. Nous avions des gens pour nous escorter sur le plateau, nous marchions à reculons et les yeux fermés. Nous avons mis notre tête sous l'eau, le réalisateur a crié "Action !", et c'est à ce moment-là que nous surgissons, que nous nous retournons et que nous découvrons le bateau. Notre expression est réelle alors que nous découvrons le navire pour la première fois. C'était super ! Et pour l'anecdote, certaines scènes du film ont été tournées par Spielberg : la première fois que vous voyez Data avec sa ceinture d'accessoires, c'est lui qui filme.

Michael Jackson

C'était incroyable. Un jour, nous avons appris que Michael Jackson venait sur le plateau, et donc tous les enfants, et même l'équipe, étaient très excités. Nous l'avons attendu dès le matin en arrivant sur le plateau : toute la journée pendant que nous tournions, nous attendions, en regardant par-dessus les épaules des techniciens derrière la caméra pour voir s'il était déjà là. Et puis quand il est finalement arrivé, c'était vraiment la personne la plus merveilleuse et la plus généreuse. Mais très timide, aussi. Et je me souviens qu'après ça, peu de temps après, j'ai eu la chance d'aller chez lui et de regarder Indiana Jones dans le Temple Maudit avec lui dans son cinéma personnel. Et je me souviens, durant la scène d'arrachage du cœur, qu'il se cachait les yeux et qu'il a même fini par sortir. C'était trop intense, trop violent pour lui, et il est revenu après cinq minutes.

Héritage

Je n'ai jamais retrouvé l'esprit Goonies dans ce que j'ai pu voir par la suite. Je pense que c'est ce qui est si génial et si spécial à propos du film, et aussi pourquoi la suite ne s'est jamais concrétisée. Au fil des ans, beaucoup de gens ont essayé de faire un Goonies avec un groupe d'enfants partant à l'aventure. Et jusqu'à présent, ils n'ont pas été en mesure de reproduire cet esprit. Et je pense que cela a à voir avec nous sept, l'alchimie que nous avions. Le mérite revient surtout à Richard Donner, le réalisateur. Il nous a permis d'être qui nous sommes, d'être des enfants. C'était l'un de ces films où tous les acteurs parlent les uns sur les autres, partent en vrille... C'est comme ça que sont les enfants. Alors oui, c'est un film très spécial.

Et après ?

Sois prof et tais-toi

J'ai vraiment aimé cette expérience sur Sois prof et tais-toi et le travail avec les autres acteurs. Et c'est tellement différent de tourner un film et une série. Sur un film, il y a une seule caméra et vous enchaînez les prises jusqu'à ce que ce soit bon et que le réalisateur soit satisfait. Mais sur une série, nous passions quatre jours à répéter, comme une pièce de théâtre, pour tourner avec quatre caméras le cinquième jour. C'était très différent. Mais c'était très amusant et un peu stressant car il fallait tourner un épisode complet sur un temps réduit, en mémorisant toutes vos répliques.

Cascades

J'ai étudié les arts martiaux quand j'étais enfant, le taekwondo notamment. Et quand j'ai été diplômé de l'école de cinéma, j'ai reçu un appel de Corey Yuen, un célèbre réalisateur d'action à Hong Kong. Il m'a proposé de l'accompagner à Toronto, au Canada, pour l'aider sur un film. Et c'était X-Men. Quitter l'école de cinéma pour me retrouver sur le plateau de X-Men je ne pouvais pas refuser ! J'ai toujours été fan du cinéma hongkongais. Je suis un grand fan de Jackie Chan, Sammo Hung, Jet Li, Bruce Lee et de tous les grands films d'action sortis durant les années 80 à Hong Kong. Apprendre à chorégraphier une séquence, c'était vraiment quelque chose pour moi. A la fois une expérience révélatrice et amusante. C'est comme une séquence de danse, aussi. C'est très compliqué. Nous passons beaucoup de temps à chorégraphier ces scènes : ça ne dure qu'une minute à l'écran, mais il y a des semaines de travail en amont.

Culte

C'est incroyable parce que toutes mes nièces et tous mes neveux ont vu Les Goonies et Indiana Jones, et m'ont reconnu. Le fils de mon frère, qui n'avait que cinq ans quand il lui a montré Les Goonies, s'est immédiatement écrié "C'est oncle Ke, c'est oncle Ke !". A cinq ans ! C'est merveilleux. C'est une sensation agréable d'être dans un film que vous avez fait il y a longtemps, mais qui reste lié à la prochaine génération, en particulier Les Goonies. Les gens qui l'ont vu à sa sortie sont maintenant des parents, ils le montrent à leurs enfants, et ces enfants grandiront à leur tour...J'espère que ça va continuer comme ça de génération en génération. Je me sens tellement chanceux de faire partie de ces films emblématiques.

Collectors

Ils m'ont offert la casquette des Yankees de New York de Demi-Lune pendant que je faisais la promotion de Indiana Jones. Mais je l'ai perdue, malheureusement. Je ne sais pas où elle est... En revanche j'ai toujours la veste que Data portait dans Les Goonies. C'est la seule chose que j'ai gardée des deux films. Vous voulez me l'acheter ? (Rires) Non, je le garde ! Ou alors si c'est une très bonne offre, peut-être que j'y réfléchirai... Non, je plaisante, je la garde !

publié le 13 mars, Yoann Sardet, Allociné

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