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Grâce à Tarantino, ce film interdit aux moins de 16 ans est le meilleur de son réalisateur

Très douloureux échec commercial à sa sortie, scénarisé par Quentin Tarantino, "True Romance" reste pour beaucoup le meilleur film du regretté Tony Scott. Un film aussi jouissif que brillant, qui n'a pas pris une ride en 30 ans. Bien au contraire.

Le jour de son anniversaire, Clarence Worley (Christian Slater) rencontre Alabama (Patricia Arquette) dans un cinéma miteux. C'est le coup de foudre immédiat. Après une nuit d'amour, elle lui avoue qu'elle est en réalité une apprentie call-girl, engagée par le patron de Clarence comme cadeau d'anniversaire. Voulant l'aider à reprendre sa liberté, il se lance avec elle dans la plus originale, déjantée, féroce et colorée des romances...

True Romance, que beaucoup considèrent comme le meilleur film du regretté Tony Scott, souffle ses 30 bougies. Enfin, presque. Ca sera en novembre prochain. Mais qu'importe. C'est peu dire que le film est devenu au fil des ans une oeuvre absolument culte et même un classique, réparant une vraie injustice devant son douloureux échec commercial à sa sortie, en 1993.

En France, il avait attiré un peu plus de 360.000 spectateurs, très loin du record personnel du cinéaste avec Top Gun (3,57 millions d'entrées), d'un Ennemi d'état (2,06 millions), ou même d'un USS Alabama et ses 638.000 entrées. A l'international, il n'avait ramassé que 13 millions $. C'est dire la violence de la gifle, qui avait la vigueur d'un uppercut.

"Je vante souvent Quentin, mais il le mérite"

Dialogues brillants signés Tarantino, galerie de personnages absolument géniaux portés par un casting King Size, entre le monstrueux abattage de Gary Oldman sous les traits du terrifiant mac borgne Drexl, un démentiel Christopher Walken qui vole presque la vedette à l'ensemble du casting au cours d'une scène d'interrogatoire de Dennis Hopper absolument culte.

Un Val Kilmer en presque Elvis. Un James Gandolfini psychotique glaçant de violence. Un Brad Pitt complètement défoncé adepte de la fumette sur le canapé.... Sans oublier bien entendu la formidable performance du duo amoureux lancé dans une sanglante cavale, Christian Slater, et une toute jeune Patricia Arquette.

Une fabuleuse brochette de comédiens, qui semblent jubiler d'être là, à l'unisson derrière un scénario cousu main et en titane. "Ce scénario sort de l'ordinaire. L'intrigue est banale. On a déjà vu cent fois une histoire de gosse en cavale, avec de la drogue ou du fric. Par contre, les personnages sont uniques" commentait Tony Scott.

"Ils sont tristes et gentils, tendres et violents, et ils ont de l'humour. Et c'est Quentin Tarantino qui donne cette originalité au film et au scénario. Je vante souvent Quentin, mais il le mérite. Quand son scénario est parvenu aux acteurs, on a vite entendu partout à Hollywood que c'était un scénario brillant. C'est ce qui m'a permis de contacter ces acteurs, les meilleurs du monde, pour des rôles secondaires et de faibles cachets.

On a pu les contacter alors qu'on n'avait pas de gros budget. En général, j'ai de plus gros budgets sur mes films. J'ai aussi choisi ce film en sachant à l'avance qu'on me critiquerait pour sa violence. Mais elle sert l'histoire et les personnages. Il n'y a pas de violence gratuite dans ce film".

Christian Slater abondait dans le sens du réalisateur : "Quand vous jouez ces scènes violentes, ce type de scènes, c'est quasi thérapeutique. Mais je ne suis pas comme ça. Je ne pète pas les plombs comme mon personnage, de cette façon. La violence n'est pas l'essentiel du film. Elle est certes présente, mais il y a d'autres éléments qui font que ce film est bien davantage qu'un banal film d'action".

You're so cool, you're so cool...

Dans ce concert d'éloges, on ne saurait être complet sans évoquer aussi la BO du film, produite par un Hans Zimmer en très grande forme. Le compositeur, qui avait déjà travaillé avec Scott sur Jour de tonnerre, y livre en particulier un inoubliable et sublime thème musical qui ouvre et referme le film, You're so cool, composé en grande partie à partir d'un instrument qu'on appelle le marimba; un xylophone africain à résonateurs qui s'est répandu dans certains pays de l'Amérique latine.

Pour vous rafraîchir la mémoire si besoin...

En fait, Hans Zimmer fait avant tout un hommage à la Balade sauvage de Terrence Malick, qui utilise le même thème musical. Ce n'est évidemment pas un hasard : le chef-d'oeuvre de Malick était l'un des films préférés de Tony Scott.

Il y a d'ailleurs beaucoup de similitudes entre True Romance et Badlands, à commencer par exemple par la voix off et douce de Sissy Spacek qui ouvre le film de Malick, alors qu'on entend en fond le thème musical. Même chose dans le film de Tony Scott, dans lequel on entend la voix off d'Alabama au début, bercé par le même thème.

Ci-dessous, la version du thème musical entendu dans le film de Terrence Malick, réarrangée par le compositeur George Aliceson Tipton :

Epilogue...

"On m'a souvent demandé : "Pourriez-vous un jour écrire un film romantique ?", comme si une telle chose était absolument inconcevable de ma part" se souvenait Quentin Tarantino. "Mais j'ai déjà écrit un film romantique - True Romance !" "Non, non, je voulais dire un VRAI film romantique." - "Mais c'est un vrai film romantique".

"Là, on me répondait : "Non, un film dans lequel il n'y aurait pas de violence". Ecoutez, il y a sans doute des tas de choses contradictoires dans les films que je fais, mais n'importe quel fan du film vous le dira, le titre "True Romance" n'est pas ironique. C'est une TRUE Romance, une histoire vraiment romantique".

Trente ans après sa sortie, True Romance a laissé une empreinte indélébile, profonde, dans notre mémoire cinéphilique. Elle n'est pas prête de disparaître.

publié le 31 mars, Olivier Pallaruelo, Allociné

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