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Festival de Cannes 2023 : voici pourquoi cette édition est vraiment historique pour les femmes

On peine franchement à le croire vu les polémiques sur fond de #MeToo qui hantent un Festival de Cannes très mouvementé cette année, mais cette édition est très importante pour les femmes. Elle est même carrément historique. Mais pourquoi ?

Ce Festival de Cannes est riche en émotions : le discours d'ouverture de la légende Catherine Deneuve, rendant hommage au peuple ukrainien, la masterclass de Michael Douglas à l'occasion d'une Palme d'or d'honneur venue récompenser plus d'un demi siècle de cinéma, les larmes du tout aussi grand Harrison Ford acclamé suite à la projo du dernier Indiana Jones... Mais ce n'est pas tout.

Car cette édition est aussi un grand moment pour les femmes. Oui oui. Et pourquoi ? La raison est simple : le nombre de femmes cinéastes concourant en Compétition officielle n'a jamais été aussi élevé, en plus de 70 ans d'existence. Sept réalisatrices - sur 21 cinéastes - sont en lice pour obtenir la fameuse Palme d'Or. C'est comme si Cannes avait enfin garanti une chose curieuse : la parité. Si rare depuis la toute première édition - en 1946. Surtout qu'il a fallu attendre 1993 pour qu'une femme remporte enfin la Palme - Jane Campion, pour La leçon de piano.

Cela n'a l'air de rien, mais c'est une marche de plus qui est franchie. Et parmi ces réalisatrices qui sans le vouloir écrivent aujourd'hui l'Histoire, on trouve notamment de grandes cinéastes hexagonales... De quoi garantir une victoire ? Peut-être. Il y a deux ans déjà, c'était notre Julia Ducournau nationale, réalisatrice du traumatisant film d'horreur Grave, qui avait remporté la Palme pour son ovni Titane...

Année historique, et pourtant, de gros malaises en face

Sept réalisatrices, ça fait seulement un tiers des cinéastes nommés, mais c'est déjà beaucoup. Pour Cannes, surtout. On en dénombrait deux de moins l'an dernier. En 2023, les Françaises Catherine Corsini (Le Retour), Catherine Breillat (L'été dernier) et Justine Triet (Anatomie d'une chute) côtoient l'Autrichienne Jessica Hausner (Club Zero), la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy (Banel et Adama) et l'Italienne Alice Rohrwacher (La Chimera).

Simple question de chiffres ? Pas vraiment pour Fabienne Silvestre, la directrice du think tank féministe "Femmes de cinéma", qui se réjouit auprès du Parisien : "S'il y a des femmes mises à l'honneur dans le palmarès, cela crée des modèles d'inspiration au féminin, c'est très important". Mais se retrouver hyper jouasse face à cette édition justement, n'a vraiment rien de facile. Gros, gros euphémisme. Pourquoi ?

Au hasard : quand on suit la polémique suscitée sans surprise par la présentation en ouverture du festival de Jeanne du Barry, le nouveau film de Maïwenn avec Johnny Depp. Les militantes féministes notamment ont épinglé la standing ovation de l'acteur américain, qui avait été condamné pour diffamation à l'issue du verdict prononcé le 1er juin 2022 lors du fameux procès tant médiatisé "Johnny Depp/Amber Heard".

Oui oui, tous deux ont été condamnés pour diffamation, et pas seulement l'actrice - le jury avait d'ailleurs accordé 2 millions de dollars de "réparations" à Amber Heard. Petit rappel au cas où : Johnny Depp avait également été déclaré coupable de violences conjugales par le tribunal de Londres en 2020.

Si tu veux aiguiser ton point de vue à ce sujet, le docu La fabrique du mensonge revient largement sur l'acharnement dont a fait l'objet Amber Heard, notamment de la part des misogynes sur les réseaux sociaux. Voir Johnny Depp applaudi et carrément érigé en figure royale (objet d'une grande complaisance dans le film en question qui plus est) n'a pas vraiment adouci l'indignation, tu t'en doutes. Surtout quand la cinéaste derrière a avoué en parallèle avoir bel et bien agressé physiquement le fondateur de "Médiapart", Edwy Plenel.

Des affaires de violences qui mettent peu à l'honneur l'égalité hommes/femmes, du coup. "Ouvrir le festival avec le film de Maïwenn c'est un signal envoyé aux féministes : 'votre message ne compte pas'", tacle d'ailleurs la journaliste Iris Brey à France 5. Un constat pas vraiment apaisé par quelques chiffres.

La preuve ? Le 17 mai dernier, un collectif de 123 acteur.ices (dont Géraldine Nakache, Marie Papillon...) s'exprimait carrément dans "Libé" pour dénoncer les "positionnements politiques affichés par le Festival". A savoir ? Les termes sont dits : "dérouler le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent et envoyer le message que dans notre pays nous pouvons continuer d'exercer des violences en toute impunité".

Ca calme. Dans le viseur, "l'affaire Maïwenn" donc, "l'affaire Johnny Depp" aussi, mais également un autre scandale : les accusations de harcèlement et "d'irrégularités" sur le tournage qui visent la réalisatrice Catherine Corsini, en compétition comme dit plus haut. Oui, pour la révolution, on repassera peut-être.

publié le 20 mai, Clément Arbrun, Purebreak

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