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EXCLU - La Vache : rencontre avec l'équipe du nouveau film de Mohamed Hamidi

La Vache, le nouveau film de Mohamed Hamidi

© Jean-Claude Lother, DR

Moins de trois ans après Né quelque part, le réalisateur Mohamed Hamidi est de retour avec La Vache, la fabuleuse histoire de Fatah, petit paysan algérien qui n'a d'yeux que pour sa vache Jacqueline, qu'il rêve d'emmener à Paris, au salon de l'Agriculture. Fatah et Jacqueline vont alors de rencontres en surprises et vivent une aventure humaine faîte de grands moments d'entraide et de fous rires. À l'occasion de la sortie du film en salles ce 17 février, nous avons eu la chance de rencontrer Fatsah Bouyahmed, Jamel Debbouze, Lambert Wilson et Mohamed Hamidi. Morceaux choisis de cette entrevue.

Comment avez-vous eu l'idée de l'histoire de La Vache ?

Mohamed Hamidi : L'idée était de faire un road movie à travers la France parce que Fatsah m'a un jour parlé de l'un de ses oncles au bled qui était passionné par le Salon de l'agriculture. C'est finalement un ensemble d'envies qui se sont mélangées avec l'envie de faire une comédie. Mon premier film (Né quelque part, ndlr) n'en était pas complètement une même s'il y avait des choses drôles.

La Vache est-il un film d'opposition entre deux visions différentes : celle de Philippe en dépression dans son château contre celle de Fatah, un personnage jovial dans son petit village modeste ?

Lambert Wilson : Ce n'est pas uniquement un film d'opposition. C'est avant tout le road movie d'un personnage qui va rencontrer plusieurs Français. L'idée, c'était surtout de voir comment des personnes qui ne sont pas faites du tout pour se rencontrer vont, non seulement s'observer, mais aussi devenir les meilleurs amis du monde. C'est également un film sur la tolérance et à la fin, on sent qu'il y a une transformation positive provoquée par Fatah qui, avec sa candeur, obtient le meilleur de tout le monde partout où il va.

Vous ne considérez pas cette aventure comme un peu utopique dans le contexte actuel ?

L. W. : L'utopie est tout à fait possible, et le film ne l'est pas tant que ça. Pourquoi le film bouleverse-t-il à ce point les gens ? Parce qu'il n'est pas très loin d'eux. Cette possibilité de se tendre la main, de se retrouver et d'arrêter de se méfier les uns des autres. Donc c'est une utopie accessible.

M. H. : L'utopie c'est positif. C'est avec ça qu'on va faire avancer le monde. C'est pas mal d'avoir des valeurs fortes, je trouve qu'il y a suffisamment de gens qui oeuvrent pour nous démoraliser dans ce monde. Je préfère faire partie de ceux qui redonnent la pêche et un peu de positivisme.

Fatsah Bouyahmed : Il leur suffit de faire un tout petit effort pour aller vers les autres. Et pour pouvoir considérer la gentillesse comme une qualité. Le film donne envie aux gens d'exprimer cette envie d'être ensemble quand ils l'ont vu.

Vous avez travaillé à trois sur le scénario, avec Fatsah Bouyahmed, Mohamed Hamidi et avec Alain-Michel Blanc. Quelle a été la contribution de chacun ?

F. B. : Je donne toujours tout. Le personnage en lui-même par exemple. On s'est beaucoup amusé parce que dès qu'on avait une idée, il me suffisait de me lever pour la jouer. C'était très marrant à écrire mais il y a plein de choses qui ne sont pas dans le film.

Jamel, vous avez également collaboré au scénario ?

Jamel Debbouze : Non pas du tout. Évidemment, je donne mon avis comme tout producteur. Et quand j'aime une idée, je l'aime tout de suite pour la vie. Je ne m'en désolidarise jamais. Le moment n'est pas important pour moi, je défends d'abord un talent. Je suis sûr et certain que Fatsah en a énormément et qu'il peut éclairer la France. C'est un acteur costaud comme peut l'être Lambert Wilson, sauf que les gens ne le savent pas.

Qu'est-ce que votre expérience en tant que créateur du Bondy Blog a apporté à votre cinéma, Mohamed ?

M. H. : J'ai un peu l'impression de faire toujours la même chose, dans des secteurs un peu différents, en faisant en sorte que les gens se parlent et se rapprochent. Le Bondy Blog fait en sorte que les gamins des quartiers participent un peu au débat politique, médiatique et puissent prendre la parole. Avec Jamel, on a les mêmes valeurs, c'est même là-dessus qu'on s'est retrouvé d'ailleurs, et c'est ce que le film défend finalement.

Jamel, dans quelle mesure êtes-vous intervenu dans le choix de Fatsah Bouyahmed pour le rôle principal ?

J. D. : Mohamed avait une idée précise de ce qu'il voulait faire. Il a mis en scène mon spectacle, on a fait Né quelque part ensemble, et cet environnement est favorable à la création. On rencontre des gens qui nous inspirent, des producteurs qui croient en nous et les choses se sont faites naturellement. Moi, je suis juste le prétexte mais j'ai eu envie de défendre ce film plus comme producteur que comme acteur. T'as des convictions et ça a été la même chose pour Fatsah que pour Omar Sy. Je les ai tous les deux défendus avec la même ferveur.

Vous aviez déjà collaboré avec Ibrahim Maalouf pour Né quelque part, pourquoi avoir de nouveau fait appel à lui ?

M. H. : Sur Né quelque part, j'avais collaboré indirectement avec Ibrahim mais il jouait les trompettes. Ce n'était pas le compositeur. Il m'avait vraiment scotché par la manière dont il sait poser sur des images. Je me suis dit que ce type avait un vrai talent pour mettre ensemble de la musique, des humeurs et des ambiances. Pour La Vache, je voulais quelque chose qui soit plus fanfare et Ibrahim a accepté cette fois de faire la musique.

Quels sont vos projets pour la suite ?

F. B. : Je ne sais pas trop. En une semaine, j'ai reçu dix fois plus de scénarios qu'en vingt ans de carrière. Mais je fais les choses dans l'ordre. On a encore plein de choses à écrire avec Jamel, avec Mohamed. J'espère tourner encore avec Lambert. Un ami à moi a comparé le cinéma de Mohamed à celui de Martin Scorsese. Lui a rendu service à la communauté italo-américaine, je pense que Mohamed va continuer à creuser pour les gens de la diversité en France. Dans ce cadre-là, on a des choses à faire et plein de choses à écrire.

publié le 16 février, Hawoly Ba

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