Actus cinéma

Emma Mackey dans Emily : la star de Sex Education dans un portrait de femme bouleversant

Première réalisation de la comédienne australienne Frances O'Connor, "Emily" est un portrait touchant et bouleversant d'Emily Brontë, l'une des plus grandes romancières du XIXe siècle.

Romancières majeures du XIXe siècle, les sœurs Brontë fascinent pour plusieurs raisons. La première car ces jeunes femmes ont réussi à s'imposer et à devenir de célèbres autrices en dépit des conventions sociales de l'époque qui laissaient peu de place aux femmes artistes. Ensuite, Charlotte, Emily et Anne ont toutes écrit des œuvres qui ont marqué la littérature anglo-saxonne, enfin car la fratrie Brontë (leur frère Branwell était peintre) est décédée prématurément.

Branwell et Emily meurent tous les deux en 1848 à l'âge de 31 et 30 ans, Anne, décède l'année suivante à 29 ans tandis que Charlotte meurt quelques années plus tard, en 1855, à l'âge de 38 ans.

A l'époque, ces tragiques disparitions sont expliquées par la tuberculose. Mais quelques années plus tard, l'eau de la ville d'Haworth , où vivait la famille, est mise en cause. Herschel Babbage émet un dans lequel il déclare que la surmortalité de la ville située dans le West Yorkshire est due aux eaux-usées. Les toilettes, ordures et le mauvais entretien du cimetière auraient infecté les nappes phréatiques.

Aujourd'hui, Frances O'Connor dresse le portrait de la cadette de la famille Brontë, Emily. Moins célèbre que son aînée Charlotte, à qui l'on doit "Jane Eyre" et "Shirley", Emily a écrit plusieurs poèmes et un seul roman : "Les Hauts de Hurlevent", dont l'accueil critique est mitigé à sa sortie. Décrite comme solitaire, rebelle et farouche, Emily Brontë ne sera reconnue en tant que romancière de talent qu'à la fin du XIXème siècle.

"Les Hauts de Hurlevent" a été adapté sur grand écran à de nombreuses reprises: en 1939 par William Wyler, en 1985 par Jacques Rivette, en 1988 par Yoshishige Yoshida, en 1992 par Peter Kosminsky et en 2012 par Andrea Arnold. A noter qu'en 1979, André Téchiné portait la vie des Soeurs Brontë à l'écran avec Marie-France Pisier, Isabelle Adjani et Isabelle Huppert dans les rôles-titres.

Célébrer la femme derrière l'œuvre

Pour sa première réalisation, l'actrice australienne Frances O'Connor a choisi de dresser le portrait d'Emily Brontë. Elle explique au site ce qui lui a donné envie de porter à l'écran la vie d'Emily.

"À 15 ans, j'ai lu "Les Hauts de Hurlevent" dans un bus scolaire. Je me souviens d'être descendue du bus et d'avoir eu l'impression d'être allée quelque part - cette sorte d'atmosphère surnaturelle... Ce magnifique paysage gothique et ces personnages rebelles au milieu de tout cela, tout en étant tellement eux-mêmes. Cela correspondait vraiment à l'angoisse que je ressentais à l'âge de 15 ans.

Puis, en grandissant, en lisant ses poèmes et en en apprenant un peu plus sur elle, j'ai trouvé qu'elle était très inspirante. C'était une introvertie, elle était incroyablement intelligente et elle a écrit cet incroyable roman à l'âge de 27 ans.

Je voulais vraiment raconter une histoire qui célèbre ce qu'elle était. Je voulais placer son récit au centre et explorer les thèmes qui m'intéressaient, à savoir l'authenticité féminine et la voix féminine."

Car la force de ce film que la cinéaste porte depuis 10 ans, est qu'il dresse le portrait d'une femme indépendante, solitaire, rebelle et féministe. Des qualités qui étaient, au XIXe siècle, considérées comme des défauts. Emily Brontë est une héroïne moderne et forte qui n'a rien à envier aux héroïnes des romans.

Un film entre réalité et fiction

Néanmoins, très peu d'éléments sur la jeune femme sont parvenus jusqu'à nous. Frances O'Connor souhaitait montrer ce qu'Emily Brontë a dû traverser pour écrire "Les Hauts de Hurlevent" et devenir une poétesse reconnue durant le peu d'années qu'a duré sa vie. La scénariste et réalisatrice a donc mêler réalité et fiction, notamment en ce qui concerne l'histoire d'amour entre Emily et le vicaire William Weightman.

O'Connor déclare ainsi au site : "La chronologie du film est assez exacte en ce qui concerne son entrée à l'école et le fait qu'elle ne pouvait littéralement pas s'éloigner de la maison sans tomber malade. Elle s'est donc vraiment promenée dans le presbytère avec Branwell (Brontë) et (William) Weightman, le vicaire de son père, et elle-même pendant environ deux ans.

Cela soulève la question de savoir ce qui s'est passé pendant cette période. Je ne pense pas vraiment qu'elle ait eu une liaison, mais je pense que sur le plan thématique, cela a très bien fonctionné en tant qu'exemple d'une jeune femme qui expérimente pour découvrir qui elle est. Mais aussi parce que Weightman faisait partie du patriarcat tout en ayant ce côté féminin et poétique que l'on voit dans ses sermons."

Emma Mackey: une héroïne rebelle et moderne

Et c'est la comédienne franco-britannique Emma Mackey, découverte grâce à la série Sex Education, qui se glisse dans la peau de la romancière.

De quasiment tous les plans, Emma Mackey illumine et captive. Son regard intense et son jeu tout en retenu confèrent à son personnage à fleur de peau une aura particulière.

La réalisatrice explique son choix : "Emma a été l'une des premières personnes à auditionner. Elle était parfaite, elle a une énergie sauvage, est dotée d'une grande intelligence, et est évidemment très belle, mais tout se ressent au-delà de l'apparence aussi. Nous avons, pourtant, continué à chercher, mais je revenais toujours à Emma."

De son côté Emma Mackay déclare au magazine : "Je connaissais les sœurs Brontë et leurs œuvres, mais j'ai découvert l'essentiel de ce que je devais savoir en lisant les biographies et en faisant des recherches pour le rôle."

Elle explique ensuite au sujet de la partie fictionnelle du long-métrage : "Lorsque j'ai réalisé qu'il y avait beaucoup de divergences historiques et que beaucoup de choses n'étaient pas factuelles, j'ai dû en quelque sorte réhabituer mes idées préconçues sur l'histoire des Brontë et l'histoire d'Emily.

J'avais imaginé qu'il s'agissait d'un biopic, et quand je suis entrée dans le film, je me suis aperçue que ce n'était pas le cas."

Elle ajoute : "Je suis satisfaite du résultat final. Le film n'est pas coincé dans une structure spécifique ou un système de règles cinématographiques particulier, et j'apprécie cela. J'aime le fait qu'assez rapidement nous brouillons les frontières et jouons un peu avec le genre, en allant vers un côté plus surnaturel."

Emma Mackey partage l'affiche d'Emily avec Alexandra Dowling qui incarne Charlotte, Amelia Gething est Anne tandis que Fionn Whitehead (Dunkerque) incarne Branwell et Oliver Jackson-Cohen vu dans les séries The Haunting of Hill House / Bly Manor et dans Invisible Man est le vicaire William Weightman.

Présenté en compétition lors du festival du film britannique de Dinard en 2022, le long-métrage a reçu 3 prix : le Hitchcock d'or, grand prix du festival, le prix du public et le prix de la meilleure interprétation pour Emma Mackey.

Ce film en costumes moderne et bouleversant est à voir en salles dès ce mercredi 15 mars.

publié le 15 mars, Laëtitia Forhan, Allociné

Liens commerciaux