Actus cinéma

De La nuit du 12 à Astrakan : Conversation avec Bastien Bouillon, favori des Révélations César 2023

Après La Nuit du 12, succès art et essai de l'été 2022, Bastien Bouillon est à l'affiche d'Astrakan, premier long métrage de David Depesseville,un film intense dans les pas de Pialat. L'occasion d'une conversation avec l'acteur nommé aux César.

De quoi ça parle ?

Samuel est un orphelin de douze ans à l'allure sauvage. ll est placé depuis quelques semaines dans le Morvan chez Marie, Clément et leurs deux garçons. Samuel s'émancipe, découvre les sensations et les troubles de son âge, mais très vite il doit aussi faire face aux secrets de cette nouvelle famille. Jusqu'à ce que, un jour, tout en vienne à se transfigurer.

Allociné : Parlons d'abord de votre actualité, et ce film Astrakan, à l'affiche ce mercredi. Qu'est ce qui vous a plu dans le scénario de ce premier long métrage de David Depesseville ?

Bastien Bouillon, acteur : Le film reflète bien le scénario. C'était une narration très souterraine, très opaque. Et quand je dis ça, ce n'est absolument pas péjoratif. Chaque scénario a sa grammaire, sa manière de raconter une histoire, sa narration bien particulière.

C'était plus la rencontre avec le réalisateur David Depesseville et ce que je sentais de ses envies de cinéma. Après avoir vu certains de ses courts métrages, après avoir fait une rencontre où on a commencé à parler de son travail.

Ici, le geste est très fort. C'est assez radical comme proposition. Il y a des films où on arrive plus ou moins à avoir une idée de l'objet fini, même si on est tout le temps plongé dans la vision d'un réalisateur. Ici, le geste est très fort. C'est assez radical comme proposition. Donc c'est venir épauler, servir cette envie de cinéma.

C'est un film qui est très référencé. Il a décidé de travailler avec Paul Blain (le fils du comédien Gérard Blain), avec Lisa Heredia, la dernière compagne de Jean-Claude Brisseau. Donc il amène tout ça avec lui. On pense à L'enfance nue de Pialat. On y voit aussi beaucoup de plans quasi bressonniens, dira t-on. Donc c'était tout ça. A Et puis, évidemment, la rencontre humaine avec David qui s'est très bien passée.

C'est aussi une manière de construire. Maintenant, on en parle énormément des films à moyen budget sacrifiés. Il va y avoir les films à tout petit budget et puis les films très lourds. J'exagère, mais les films à moyen budget, si le CNC n'est pas là pour aider, ça va être de plus en plus compliqué. Très compliqué. Bref.

Le spectateur a énormément de place pour juger, pour imaginer, devant le film fini. Je me dis que j'aurai peut être dû formuler différemment ma question, et non pas parler du scénario, mais plutôt d'une promesse de cinéma ?

Oui, c'est quelque chose que je sens plus que je ne le lis. Il y a des scénarios plus ou moins faciles à lire. Et si David Depesseville me lit un jour, j'espère qu'il m'en voudra pas. Mais il y avait des moments plus ardus.

Le spectateur a énormément de place pour juger, pour imaginer, devant le film fini. C'est un film qu'on ne nous met pas tout cuit dans la bouche. C'est un film qui se fouille en tant que spectateur.

On sent en tout cas, depuis vos débuts, que vous sélectionnez vos projets beaucoup en fonction de la personne, de ce que vous sentez chez la personne. Vous avez fait beaucoup de premiers films, de films d'auteur, -même si ce serait réducteur de dire que ça, puisque vous avez joué dans Simone d'Olivier Dahan récemment. On sent qu'on va vous proposer prioritairement des films comme ça, plutôt singuliers, plutôt premiers longs, et que vous allez vers ça...

Quand on est jeune comédien, il y a deux choses qui s'entremêlent. On fait toujours des choix, mais quand on est au début de notre carrière, ce n'est pas faire un choix entre tel film et tel film. C'est parfois choisir d'y aller ou de ne pas y aller. Et peut être si on n'y va pas, de ne pas travailler du tout, parce que on travaille en pointillé.

Ensuite, c'est passer des essais, en vérité. Quand on est jeune comédien. Maintenant, je commence à avoir des propositions, mais il faut accéder au projet. Et puis, chez moi, s'entremêle quelque chose d'autre. Je pense que j'ai une identité, à certains endroits, un peu trouble.

Même si j'ai 37 ans, j'ai encore une espèce de chose juvénile. Je n'ai pas un type de masculinité revendiquée, pour mettre les gens dans des cases. Il y a des gens qui ont tout de suite une identité : ou prolétaires, ou très grands bourgeois, par exemple. Moi, je suis un peu entre les deux à la fois. Je suis français, mais on me demande souvent si je suis belge ou si je suis suisse, parce que j'ai une diction particulière.

Donc je pense qu'il y a aussi un certain cinéma, notamment un cinéma grand public populaire, -et ce n'est absolument pas péjoratif quand je dis grand public ou populaire-, mais nos chemins ne se sont pas rencontrés.

Aujourd'hui, où j'ai la chance d'avoir un petit coup de lumière sur mon nom, c'est vrai que j'ai plus envie de m'asseoir dans dans ce que j'ai commencé à tisser depuis quelques années, c'est à dire un cinéma d'auteur mais je ne suis absolument pas fermé.

D'ailleurs sur Simone, la collaboration très bien passé et j'avais pris du plaisir. Je m'étais senti assez libre dans le jeu, même si j'ai un petit rôle dedans.

Vous avez commencé à à évoquer La Nuit du douze, qui a été l'un des succès de l'été. Vous l'avez dit : ça a été un "coup de lumière" pour vous. Quel a été l'effet Nuit du douze plus concrètement ?

Évidemment, le fait d'être en révélation aux César. J'avais déjà été prénommé deux fois précédemment, et cette fois-ci, d'être nommé en espoir. C'est évidemment intrinsèque au film, puisque c'est pour ce film là que je suis nommé.

Ensuite, quand on a un film qui est vu, on découvre notre travail. Même si j'avais déjà fait des premiers rôles avec avec Axelle Ropert dans dans La Prunelle de mes yeux, mais c'était un couple, ou avec Sébastien Betbeder dans Debout sur la montagne où c'est un trio d'amis. Là, effectivement, la partition de Yohan Vivès dans la nuit du douze, et même si ça reste un film choral, un film de brigade, c'est vraiment le personnage central.

Ça donne une sorte de confiance. On se rend compte que le comédien en est capable. Et l'effet, outre les César, c'est les propositions qui arrivent.

Est-ce que cela vous a interrogé d'être nommé en meilleur espoir, après 10 ans de carrière, ou finalement, le plus important est d'être nommé ?

Ce qui est bien, c'est qu'on peut être cité en révélation trois fois. Et cette fois-ci, je suis nommé. Si on fait une allégorie rugby-stylistique, j'avais marqué l'essai, mais je l'avais pas transformé. Avant que ça puisse me titiller l'ego d'être en espoir et pas en comédien, c'est tout d'abord un honneur. J'en suis ravi.

Retrouvez toutes les sorties cinéma de la semaine

Bastien Bouillon est à l'affiche ce mercredi d'Astrakan de David Depesseville, avec Mirko Gianinni, Jehnny Beth, Théo Costa-Marini, Lorine Delin, Lisa Heredia, Paul Blain...

publié le 8 février, Brigitte Baronnet, Allociné

Liens commerciaux