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Ces 5 grands films avaient totalement disparu, ils ont été retrouvés !

Pour des raisons de (très) mauvaise conservation et de grande fragilité, de droits, pour négligence aussi... De nombreux films ont été perdus à jamais. Jusqu'à ce que certains soient miraculeusement retrouvés, parfois des décennies après.

En 2013, la Bibliothèque du Congrès américain : 75% des films américains réalisés et produits durant l'époque du muet, soit entre 1912 et 1929, étaient irrémédiablement perdus. Sur 11.000 films produits, seuls 1575 existaient encore.

Et il ne s'agissait pas que de petits films oubliés de tous, mais concernait aussi des oeuvres fameuses, comme le formidable Londres après minuit de Tod Browning avec Lon Chaney, ou la première adaptation de Gatsby le magnifique, sortie en 1926, un an tout juste après la parution du livre de F. Scott Fitzgerald. C'est dire l'étendue du désastre.

Si en France le constat est semble-t-il moins alarmant, du fait d'un impact de la censure moindre et d'une politique de conservation des studios plus affirmée, dans le sillage de l'étude de la Bibliothèque du Congrès, il reste que ces oeuvres ont posé de très nombreux problèmes de conservation, notamment en raison de la grande fragilité des bobines de films, composées de nitrate d'ammonium, extrêmement inflammable.

Si l'on ajoute à cela des problèmes juridiques divers, des bobines parfois entreposées n'importe où et pas du tout inventoriées par pure négligence, pour ne citer que ces cas de figure, bon nombre d'oeuvres ont été déclarées perdues à jamais.

Mais, parfois, à la faveur de miracles, de nombreuses décennies plus tard, certaines oeuvres sont retrouvées, pour le grand bonheur des cinéphiles. Voici cinq exemples.

Metropolis

Réalisé par Fritz Lang sur un scénario adapté du roman original de Thea von Harbou, Metropolis est un film muet en noir et blanc narrant une lutte des classes dans une mégalopole d'une société dystopique en 2026.

Film séminal de la Science-Fiction, d'une modernité incroyable qui a nourri l'imaginaire de nombreux cinéastes mais aussi irrigué de son influence majeure l'architecture et même le monde des jeux vidéo, Metropolis fut un tour de force technique et humain, tourné sur 310 jours et 60 nuits. L'échec critique et commercial du film de Fritz Lang n'en fut que plus douloureusement ressenti.

En 2008, c'est un petit miracle cinématographique comme les amoureux du 7e Art aimeraient en voir plus souvent qui s'est produit. Une version quasi complète du film fut retrouvée avec ses scènes manquantes, à Buenos Aires, en Argentine.

"Presque toutes les scènes qui manquaient jusqu'à présent ont été retrouvées dont deux grandes scènes importantes" déclarait Anke Wilkening, restauratrice de la fondation Friedrich Wilhelm Murnau, propriétaire des droits du film et chargée de la préservation du patrimoine cinématographique allemand.

Ces scènes, qui constituent près de 25 min, figuraient sur la pellicule 16 mm découverte chez un particulier par des collaborateurs du musée du cinéma de la capitale argentine. Le 12 février 2010, la nouvelle version restaurée, de 145 minutes, a été projetée simultanément à Berlin dans le cadre de la 60e Berlinale, à l'ancien Opéra de Francfort et sur la chaîne Arte, accompagnée par sa partition musicale d'origine écrite en 1926 par Gottfried Huppertz, exécutée en direct par l'orchestre symphonique de la Radio de Berlin.

Après plus de 80 ans de recherches, versions tronquées et plusieurs restaurations, on peut enfin voir une version quasi intégrale, en tout cas proche de celle conçue par Fritz Lang en 1927.

Wake in Fright (Réveil dans la terreur)

Du réalisateur Ted Kotcheff, le grand public connait surtout son brillant coup d'éclat que fut le premier volet magistral de la saga des Rambo, devenu un classique. Il s'en est fallu de peu pour que les spectateurs ne puissent jamais découvrir une pure pépite qu'il avait signé onze ans auparavant : Wake in Fright, tourné dans l'Outback australien.

Soit l'histoire de John Grant (formidable Gary Bond), instituteur d'une école perdue dans le désert australien, qui décide de regagner Sydney pour les vacances. Mais il fait d'abord escale dans la petite ville minière de Yabba. Le soir, il joue son argent et se soûle. Ce qui devait être l'affaire d'une nuit s'étend sur plusieurs jours...

Tendu à craquer, peuplé d'une galerie de personnages rednecks noyant leur ennui dans les beuveries et la violence, Kotcheff dessinait avec ce film un saisissant portrait d'un (arrière) pays hostile qui ne donnait pas forcément envie d'y séjourner...

Toujours est-il que le négatif du film fut perdu durant des décennies, ce qui suscita une recherche internationale. Jusqu'au jour où, en 2004, le producteur australien Anthony Buckley le retrouva dans un entrepôt de Pittsburgh dans une caisse sur laquelle était inscrit "For Destruction"... Etroitement associé à la restauration de son film, Kotcheff a pu à nouveau présenter Wake in Fright en 2009, édité depuis en DVD et Blu-ray.

The Amusement Park

The Amusement Park a une histoire de production pour le moins singulière. Ce moyen métrage était en fait une commande de Lutherian Services, une ONG internationale de l'Eglise Luthérienne, avec l'objectif d'éveiller par l'image les consciences sur les effets de la vieillesse, les stigmatisations de la société et la maltraitance envers les personnes âgées.

L'histoire ? Celle d'un vieil homme guilleret, qui s'apprête à passer une journée ordinaire dans un parc d'attractions. En chemin, il rencontre un double de lui-même, blessé, hirsute et les vêtements en lambeaux, qui le prévient contre les dangers qui le guettent. L'homme joyeux ne fait pas attention aux avertissements. Il pénètre dans le parc, sans se douter qu'il va vivre un épouvantable cauchemar...

Perdu pendant 46 ans et retrouvé très peu de temps avant le décès de Romero en 2017, ce moyen métrage perdu de George Romerofut tourné en 1973. Le résultat alla bien au-delà des désirs de ses commanditaires, qui furent terrorisés par le film. The Amusement Park a enfin pu être projeté en 2021 dans une copie restaurée en 4K, supervisée par Suzanne Romero, en collaboration avec IndieCollect, société new-yorkaise chargée de préserver le cinéma indépendant américain.

La Passion de Jeanne d'Arc

Réalisateur danois et figure majeure du cinéma de l'ère du muet, grand amateur d'Histoire, Carl Theodor Dreyer s'était pris de passion pour la vie de Jeanne d'Arc, depuis sa canonisation en 1924. Remaniant un manuscrit écrit par Joseph Delteil qui retraçait le procès de Jeanne d'Arc en 1431, il livrera en 1928 La Passion de Jeanne d'Arc.

Une oeuvre portée à bout de bras par une actrice venue du théâtre, Renée Falconetti, prête à endurer tous les supplices ou presque pour mieux incarner son personnage; y compris jusqu'à recevoir de vrais crachats au visage. Sur les 1 500 plans tournés pour La Passion de Jeanne d'Arc, plus de 400, c'est à dire près d'un tiers, sont des très gros plans centrés sur le visage lumineux et innocent de l'actrice...

Comme en accord spirituel avec son propos, La Passion de Jeanne d'Arc périt deux fois par les flammes. La première fois en 1928, à l'époque où il était déjà censuré par les autorités en raison de ses critiques sur le clergé. Carl Theodor Dreyer réussit alors à reconstituer le film en s'aidant des prises originales non gardées au montage.

Mais, comble de l'ironie, cette seconde version "bricolée" brûla elle aussi. On crut le film définitivement perdu, jusqu'à ce que l'on retrouve une version apparemment fidèle à l'esprit de Dreyer (c'est à dire non censurée) dans un hôpital psychiatrique d'Oslo en 1981. Un miracle assurément.

Le Caméraman

Icône absolue du cinéma burlesque aux côtés de Charles Chaplin, possédant un incroyable jeu physique, artisan de cascades aussi ahurissantes qu'ultra risquées, un air toujours impassible de clown triste, Buster Keaton a laissé une empreinte indélébile dans l'Histoire du cinéma muet.

Premier film qu'il a interprété à partir d'un script rédigé, Le Caméraman est un pur chef-d'oeuvre, dans lequel il incarne Luke Shannon, apprenti reporter pour une compagnie d'actualités cinématographiques. Evidemment, rien ne se passe comme prévu, et ses débuts sont désastreux...

En 1965, un énorme incendie ravagea un entrepôt de la MGM, à la suite d'une explosion provoquée justement par des bobines de films au nitrate. Parmi les pertes à déplorer figuraient les négatifs du Caméraman, alors considéré comme perdu.

Une copie du film fut trouvée trois ans plus tard, à Paris. . Pour l'anecdote, la MGM voulait que le film se termine sur un visage de Keaton, souriant enfin. Tournée puis présentée en projection test au public, cette scène de fin fut catégoriquement rejetée par les spectateurs. Et Heureusement. Toujours est-il qu'il ne reste rien de cette fameuse scène de fin : elle est partie en fumée dans l'incendie de 1965.

publié le 26 novembre, Olivier Pallaruelo, Allociné

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