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Ce terrible fait divers a donné lieu à l'un des meilleurs films policiers des années 1990

L'Appât, long-métrage de Bertrand Tavernier, ressort au cinéma le 15 février. Ne ratez pas l'un des meilleurs films policiers des années 1990.

Sorti en salles le 8 mars 1995, L'Appât est mis en scène par Bertrand Tavernier. Tiré d'un horrible fait divers, le film suit le parcours meurtrier de deux garçons et d'une jeune fille ; ces derniers assassinent froidement des hommes pour réunir dix millions afin de réaliser leur rêve : faire fortune aux Etats-Unis.

L'histoire vraie derrière ce projet de Tavernier s'est déroulé en 1984. En l'espace d'une dizaine de jours, deux hommes riches ont été retrouvés morts après avoir été torturés. Les criminels (pas très endurcis) ont été très vite arrêtés grâce aux indices qu'ils ont laissé derrière eux. Il s'agissait de trois jeunes, une fille de 18 ans et deux garçons de 19 et 20 ans.

La scénariste Colo Tavernier s'intéresse à cette affaire et assiste aux procès des accusés, attirée par leur profil atypique. L'écrivain Morgan Sportès, également présent au tribunal, va en tirer un livre publié en mai 1990 : Le Roman vrai.

Little Bear, la société de production de Bertrand Tavernier, achète alors les droits du bouquin pour un projet d'adaptation au cinéma. Colo Tavernier se charge d'en écrire le scénario en se basant les écrits de Sportès et sur son expérience du procès.

"Tavernier décide de transposer l'intrigue dans la France de 1994, saoulée de faux-semblants, hypnotisée par le soleil trompeur des paillettes médiatiques. Le réalisateur veut privilégier le concret des actes commis, la description implacable d'un enchaînement fatal que les personnages accélèrent sans espoir de retour", écrit Jean-Claude Raspiengeas dans son livre Bertrand Tavernier, publié chez Flammarion.

Pour le réalisateur, ces jeunes ne sont pas des tueurs nés, "ils avalent des films américains violents, comme le remake de Scarface, leur film culte, sans garde-fou pour les protéger. Cette overdose d'images agit sur eux comme un virus sournois."

TROUVER LES RÔLES PRINCIPAUX

Pour incarner ces trois personnages, Tavernier a choisi Marie Gillain, Olivier Sitruk et Bruno Putzulu. Le cinéaste a repéré l'actrice alors qu'elle n'avait que 16 ans en 1993. La jeune femme vient d'être révélée dans Mon père ce héros avec Gérard Depardieu (1991).

"Colo et Bertrand Tavernier m'envoyaient régulièrement des pages en me demandant ce que j'en pensais. C'était la première fois que je me sentais responsable d'un rôle. Bertrand m'adressait de longues lettres, me posait des questions sur les goûts des personnages", confie Marie Gillain.

Pendant le tournage, le cinéaste s'est montré paternel et attentif et lui envoie même un mot élogieux : "Rushes épatants. Tu es formidable, fragile, vulnérable, enfantine, insouciante, irresponsable et touchante. Tu entres au coeur des choses. Tu es belle, limpide et ambiguë. (...) Je ne sais pas comment te remercier sinon en en te disant : continue..."

Pour ne pas perdre en spontanéité, le cinéaste ne souhaite pas que ses acteurs se renseignent sur le fait divers. Il ne veut surtout pas que ses comédiens imitent des attitudes ou des façons de parler mais qu'ils s'approprient les personnages.

"La première semaine, Bruno Putzulu et moi, on pensait qu'on allait être virés. On savonnait les prises. Jeunots plongés au milieu d'une époque rodée, on avait l'angoisse de ne pas être à la hauteur des personnages", se souvient Olivier Sitruk.

"Je jouais en toute inconscience, avec l'impression de ne pas faire le même film que le réalisateur. Il voulait un petit con du Sentier ; je me prenais pour Al Pacino dans Scarface", confie-t-il.

UNE RÉCOMPENSE CONTROVERSÉE

L'Appât est présenté au Festival de Berlin en 1995 et remporte la récompense suprême, l'Ours d'Or. Le prix crée une petite polémique à l'époque.

"Le palmarès est conspué par une partie de la critique. Tout le festival était acquis à Smoke de Paul Auster et Wayne Wang. Bertrand Tavernier s'est pointé au micro : Je suis d'accord avec vous mais qu'y puis-je ? La salle s'est mise à rire", relate Jean-Claude Raspiengeas dans Bertrand Tavernier.

Par ailleurs, le long-métrage est nommé deux fois aux César, dans les catégories du Meilleur espoir masculin pour Olivier Sitruk et Meilleur espoir féminin pour Marie Gillain. Perdante, cette dernière remportera toutefois le Prix du jeune espoir romantique au Festival de Cabourg.

Le film réunira un peu plus de 700 000 spectateurs en salles lors de sa sortie en mars 1995, un score à peu près similaire à l'oeuvre précédente de Tavernier, L627.

Source : Bertrand Tavernier, Jean-Claude Raspiengeas, Flammarion.

publié le 15 février, Vincent Formica, Allociné

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