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Ce film fait autant rire que vomir : la comédie la plus (génialement) horrible et dérangeante est à rattraper dès maintenant au ciné

C'est un film dérangeant, radical, horrible, blindé de "trigger warning" en tout genre : horreur graphique, violence psychologique, sang, vomis. Mais c'est aussi une comédie. Norvégienne. Savoureuse. Sick of Myself est un véritable ovni à ne pas louper au cinéma.

Une comédie qui fait rire, c'est la base : le b.a-ba. Mais une comédie peut aussi faire grincer des dents, hurler, voire même, horrifier, dégoûter, écoeurer... Le dictionnaire des synonymes étant déjà épuisé, n'allons pas par quatre chemins : tout cela se retrouve dans l'un des films les plus irrévérencieux et cruels du moment.

Cette oeuvre aussi drôle que dérangeante a déjà fait sensation au dernier Festival de Cannes, et son pitch improbable a largement suscité l'intérêt. Ca vient de Norvège, c'est à découvrir en salles obscures depuis le 31 mai dernier, ça s'appelle Sick of Myself et... c'est à ne pas mettre sous tous les yeux. Si vous détestez l'horreur graphique, la violence psychologique, le sang, les cicatrices, le vomi, désolé d'avance. Sinon, bienvenue.

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L'histoire déjà devrait vous mettre sur la piste : Sick of Myself nous plonge dans la tête de Signe, jeune femme qui s'ennuie tellement dans son couple (son petit ami est un artiste arrogant) et se sent si peu exister aux yeux des autres qu'elle va tout simplement... se goinfrer de médicaments toxiques afin de contracter une très grave maladie de la peau. On te laisse imaginer le spectacle. Et vous êtes encore loin de la réalité...

Quand une séance fait autant rire que vomir

Une fois les effets secondaires (sérieusement) observés, Signe va se sentir revivre : enfin on la considère, enfin son compagnon s'intéresse à elle, enfin elle peut s'aventurer vers ses fantasmes : quête d'attention et de fame, empathie totale d'autrui, regards éplorés des gens alentours... Marchant sur les pas des satires féroces du doublement Palmé à Cannes Ruben Ostlund (Sans Filtre), Sick of Myself est donc une charge féroce contre l'ère des réseaux sociaux, de l'influence, de l'ego à tout prix, des selfies, de la mise en scène de soi...

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Oui, mais si ce film n'était que ça - la mise à mort d'une malade qui se rêve star en devenir - on pourrait le qualifier de très cynique et de gentiment réac. Or ce qui captive dans Sick of Myself, c'est son humanité. Car quoi de plus humain que le désir d'attention, le besoin de compter aux yeux des autres, de se faire une place dans la société ? Quoi de plus humain que toutes les névroses et l'égocentrisme démesuré qui va avec ? Et au fond, quoi de plus destructeur ? Des questions rhétoriques qu'illustre parfaitement le film.

D'autant plus que ce qu'il nous raconte ne se limite pas un simple récit de couple qui implose. Les raisons qui poussent Signe à démolir son corps sont aussi bien familiales et sociales que psychologiques, elles vont de l'argument trivial qui n'a l'air de rien au trauma bien enfoui... Mais chut : pas de spoiler.

Le tout, sous la forme d'une comédie "body horror". Le "body horror", ce sont ces films d'horreur qui basent leur postulat sur la dégénérescence physique, le corps qui se dégrade, les mutations les plus crades. Le chef d'oeuvre du genre ? La mouche, de David Cronenberg, avec Jeff Goldblum et Geena Davis, dont les effets absolument dégueulasses (et donc parfaits) se retrouvent un peu dans l'oeuvre dont il est question ici.

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On trouve aussi du "body horror" dans les films de notre compatriote Julia Ducournau (Grave, Titane) : des images choc et organiques qui te font tourner de l'oeil instantanément. Sick of Myself ne démérite pas, entre perte de cheveux, défigurations brutales, vomissures inquiétantes et... toutes ces sortes de choses.

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Dans le rôle de Signe, Kristine Kujath Thorp donne autant de sa personne (le visage recouvert de bandelettes, ou d'un bluffant maquillage) que de ses affects : constamment décalée et mélancolique, lunaire et triste, à deux doigts de la psychopathie et pourtant si vulnérable, elle traduit bien toute la complexité d'un personnage féminin comme on en voit (très) rarement sur grand écran. Raison de plus pour foncer en salles !

publié le 8 juin, Clément Arbrun, Purebreak

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