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C'est un miracle que Les Grands espaces ait pu devenir un chef d'œuvre du western : le tournage a été absolument chaotique

Incroyable destin pour ce western, qui est désormais l'un des classiques du genre, mais dont la fabrication a été très difficile pour tout le monde.

Si Les Grands espaces figure souvent parmi les monuments du western, c'est à la fois par son ampleur et par ses thématiques, son héros étant pacifiste et donc, différent des personnages du genre habituels. Si vous êtes curieux à son propos, il est actuellement hébergé sur Amazon Prime Video.

James McKay se retrouve malgré lui au cœur d'un conflit opposant la famille de sa fiancée, les Terrill, et celle des Hannassey, des ranchers voisins. Mais l'existence de ce grand film relève du pur miracle...

Maudit dès le scénario

Dès l'écriture, c'est la catastrophe. Sept scénaristes sont engagés tour à tour et malgré cela, les deux producteurs du film, l'acteur Gregory Peck et le réalisateur William Wyler (futur auteur de Ben-Hur), ne sont pas du tout satisfaits. Or, la date de tournage arrive, les équipes sont prêtes et l'argent engagé : les voilà contraints de donner le premier coup de clap en juillet 1957 avant d'avoir un script qui leur plaise vraiment.

Vous êtes plutôt Sergio Leone que William Wyler ? La fin de ce western italien est du jamais vu et Tarantino l'adore !

Premier rôle féminin du film, Jean Simmons a déclaré des années plus tard :

Nous apprenions nos répliques, puis on recevait une nouvelle version. On passait la nuit à l'apprendre et au matin, on recevait une version encore différente. Ça rendait nos vies d'acteurs impossible. Simmons poursuit : "Willie Wyler était vraiment méchant et il était impossible de travailler avec lui. Sur chaque film, il cherchait une victime et cette fois, c'est tombé sur moi.", ajoutant lors d'une autre interview* : "Il me redemandait de faire les scènes encore et encore, sans me dire pourquoi. J'étais totalement confuse. Et si je faisais un geste inattendu, là il me disait que j'avais réussi. Il voulait de l'imprévu."

Règlements de comptes à Wyler Corral

Sur le plateau, Gregory Peck et William Wyler ne s'entendent pas du tout, leurs querelles tournant moins à propos de la mise en boîte des scènes proprement dite, mais surtout à propos de l'agenda de tournage et donc, du budget. La pression de la production leur pèse à tous les deux, et Wyler n'aime pas ce qu'il filme car le scénario ne lui parle pas assez. La chaleur de Californie est elle aussi source de tensions et de fatigue.

Seul l'acteur Burl Ives, qui remportera un Oscar pour son rôle de ranchero redoutable devant gérer un fils turbulent et dangereux, aura de bons mots envers le metteur en scène : "J'ai trouvé Willie délicieux. Il ne m'a jamais agacé, et j'ai beaucoup appris à son contact."

Le tournage des Grands espaces se poursuit ensuite en studio, où les deux hommes font leur travail sans s'adresser la parole. La post-production est elle aussi compliquée. Wyler veut changer la musique du film. Composée par Jerome Moross, elle a été plébiscitée par le public test, et Peck insiste pour la garder. Il aura gain de cause, et elle remportera une nomination à l'Oscar.

Un montage insortable

Mais plus compliqué encore à gérer, le réalisateur propose un montage de 4 heures insortable en salles. Il faut couper une heure, et Wyler s'y refuse, cherchant à retirer à Peck son crédit de co-producteur.

La version finale sort en ne faisant "que" 2h46. Wyler dira au moment de promouvoir le film : "Je ne ferai plus jamais de film avec Greg Peck... Vous pouvez me citer". Ambiance !

* Sources : Jean Simmons: Her Life and Career de Michelangelo Capua

publié le 28 décembre, Corentin Palanchini, Allociné

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