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Babylon : quelle a été la scène la plus difficile à mettre en musique ?

Indissociable de la carrière de Damien Chazelle, dont il a composé la musique de tous les films, Justin Hurwitz revient avec nous sur les défis le "Babylon", leur cinquième œuvre en commun.

Chez Damien Chazelle, la musique tient un rôle prépondérant. C'est même le cœur de Whiplash ou La La Land, son hommage aux comédies musicales. Il n'est donc pas plus étonnant que cela que son collaborateur le plus fidèle soit un compositeur : Justin Hurwitz.

Âgé de 38 ans, qu'il fête ce 22 janvier 2023, il n'a d'ailleurs que trois jours d'écart avec le metteur en scène, né le 19 janvier de la même année. Des anniversaires que les deux hommes fêtent alors que Babylon, leur cinquième collaboration, vient de sortir dans les salles françaises.

Une plongée dans le Hollywood des années 20 dont Justin Hurwitz détaille avec nous les défis musicaux. En attendant les nominations aux Oscars dont il pourrait être l'un des favoris après son triomphe aux Golden Globes, s'offrant ainsi une chance d'ajouter une troisième statuette dorée à son palmarès, après celles de la Meilleure Chanson et de la Meilleure Musique Originale reçues pour La La Land.

AlloCiné : Comment ce sont passées les retrouvailles avec Damien Chazelle ? En quoi ce projet a-t-il été différent des précédents ?

Justin Hurwitz : J'adore travailler avec Damien ! Nous nous connaissons depuis plus de la moitié de nos vies à ce jour, et il est très rare de trouver un réalisateur qui pense à la musique aussi tôt dans le processus de production que lui le fait. Et qui l'apprécie autant que lui. Je trouve amusant d'être impliqué aussi tôt dans un projet, comme nous avons l'habitude de le faire.

Dès qu'il y a un scénario, nous nous penchons dessus, Damien et moi, pour noter où il y aura de la musique et où il n'y en aura pas. Et cela concerne aussi bien la musique jouée dans la scène que celle que nous ajoutons par-dessus. Nous réfléchissons aussi un peu au montage. J'aime avoir cette possibilité de penser à la musique pour la concevoir aussi tôt. Je me sens chanceux que Damien veuille travailler ainsi.

Je ne voulais pas que ma musique sonne comme celle de l'époque Quelles ont été vos inspirations pour parvenir à capturer l'essence de cette époque ?

Je n'ai fait aucune recherche, car je ne voulais pas que ma musique sonne comme celle de l'époque, pour être honnête. Je sais que Damien en a fait beaucoup pour le film, mais pour ce qui est de la musique, nous voulions vraiment éviter de tomber dans le jazz des années 20. J'ai davantage écouté du rock pour trouver une musique entraînante et agressive.

J'ai aussi écouté de la dance moderne. De la house, de l'electro dance music. Pour chercher des contremarches et des chutes, des rythmes, des percussions. C'est surtout ça qui m'a inspiré. Car nous voulions que Babylon ait l'instrumentation d'un groupe de jazz des années 20, mais pas la sensation. Il fallait que ce soit plus sauvage, plus déséquilibré et plus entraînant que le jazz que l'on associe à cet époque.

Quelle a été la scène la plus difficile à mettre en musique ?

Il y a une piste qui s'appelle "Damascus Thump", et qui est sur la bande-originale sortie dans le commerce. Sans trop en dévoiler sur le contenu de la scène, on demande à Sidney [Jovan Adepo] de faire quelque chose de très humiliant alors qu'il joue. Il fallait que ce morceau soit très énervé et entraînant en même temps. Qu'il illustre le sentiment de Sidney sur le moment, et la manière dont cela se développe au fur et à mesure de la séquence.

Et le montage nous emmène dans d'autres endroits pendant la scène : nous voyons par exemple Jack [Brad Pitt] qui roule à vive allure sur l'autoroute pour aller voir quelqu'un, Manny [Diego Calva] qui part chercher Nellie [Margot Robbie]. Donc il fallait refléter l'état intérieur de Sidney en même temps que l'ambiance de ces autres passages. Créer et structurer toute cette musique a été un défi amusant.

Quel est pour vous le principal message de "Babylon" ?

Il s'agit d'un film tentaculaire qui contient énormément de choses. L'histoire d'amour me parle car je la trouve déchirante, avec cette personne qui veut aimer mais ne sait pas comment. Cela m'affecte beaucoup. Mais le principal message autour duquel s'articule Babylon, c'est cette idée de faire partie de quelque chose de plus grand.

Dans le cas présent, il est question d'artistes qui ont leur petit moment. Et quand celui-ci est terminé, la forme d'art à laquelle ils ont participé continue d'avancer sans eux, même s'ils ont fait partie de son évolution globale. Cela s'applique à toutes les industries, et à toutes sortes de choses. A la fin de nos vies, lorsque nous regardons en arrière, nous pouvons réaliser que le temps a suivi son cours, que les choses ont évolué, et que nous avons eu un rôle dedans.

Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 4 décembre 2022

publié le 22 janvier, Emmanuel Itier, Allociné

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