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Après Papicha, découvrez Houria au cinéma : un film salvateur porté par l'un des plus grands espoirs du cinéma français

Près de quatre ans après la sortie de "Papicha", la réalisatrice Mounia Meddour revient avec un nouveau film, "Houria", célébration des femmes algériennes à travers la danse. Rencontre avec une partie de l'équipe du film.

Avec Papicha, sorti en 2019, la réalisatrice Mounia Meddour réalise un premier long métrage fort et marquant sur la décennie noire en Algérie à travers le point de vue d'une jeune femme. Le drame remporte le César du premier film et révèle un talent, Lyna Khoudri, auréolée du César du meilleur espoir.

Près de quatre ans se sont écoulés et la cinéaste refait équipe avec son actrice fétiche pour Houria - "liberté" en arabe. Lyna Khoudri incarne une héroïne passionnée de danse qui, à la suite d'une violente agression, doit se reconstruire physiquement et mentalement. Cette renaissance se fait avec l'aide d'un groupe de femmes, elles aussi marquées par la vie.

"C'était assez naturel de continuer à travailler sur cette mémoire collective algérienne. Ce n'était pas préparé, calculé", explique Mounia Meddour. Si Papicha racontait les années quatre-vingt-dix en Algérie, cette suite spirituelle s'intéresse à la jeunesse d'aujourd'hui. "Ce film, c'est nous mais c'est aussi l'histoire de ma vie", lance Amira Hilda Douaouda qui joue Sonia.

Comme son personnage, l'actrice a quitté son pays natal en espérant trouver une vie meilleure en France. "Si certains partent, ce n'est pas parce qu'ils n'aiment pas l'Algérie, au contraire, poursuit-elle. Ils n'ont juste plus le choix."

Si Houria célèbre une pulsion de vie, le mal rôde tout au long du film, notamment à travers la figure de l'agresseur, Ali, un terroriste repenti.

On superpose par couches successives nos traumatismes et l'Histoire nous le fera payer. La réalisatrice s'empare de ce sujet tabou. Dès l'année 2000, l'ancien président Abdelaziz Bouteflika gracie des milliers de détenus. Ces personnes sont libérées et partagent le même espace que leurs victimes.

"Cette politique a été menée de façon destructrice pour les gens, fait savoir Nadia Kaci. Il n'y a pas de réconciliation possible si on ne passe pas par un procès ou par un jugement. On superpose par couches successives nos traumatismes et l'Histoire nous le fera payer."

Pour contrer cette menace, il y a l'art et plus particulièrement la danse. C'est à travers elle que les héroïnes du film vont s'élever et retrouver leur liberté. "Houria va devoir transcender son handicap pour trouver la force, explique Mounia Meddour. Elle s'émancipe à travers une chorégraphie signée, qui est presque codée. C'est une manière de communiquer entre elles."

Chorégraphiées par Hajiba Fahmy, les scènes de danse ont été particulièrement difficiles à tourner pour la cinéaste : "Filmer la danse c'est une démarche particulière parce qu'un spectacle de danse, c'est immédiat, le capturer c'est accepter de lui enlever une part de lui-même."

L'élaboration de ces danses a été longue. Muette depuis son agression, Houria communique en langue des signes. Ce nouveau langage a été introduit dans les mouvements par la suite.

"Le travail a été phénoménal car après la lecture du scénario, on a consulté des neurologues pour comprendre ce qu'il se passait dans le cerveau de quelqu'un qui arrêtait de parler après un choc, précise Mounia Meddour. Par la suite, des experts ont traduit des passages signés qu'on a retransmis à la chorégraphe."

Houria ne dispose pas encore de date de sortie en Algérie. "Je pense que Mounia fera tout pour qu'il sorte là-bas, espère Nadia Kaci. Ce serait dommage qu'il ne sorte pas, c'est le cas de beaucoup de films hélas. Les gens méritent d'avoir des images d'eux, des images multiples car l'Algérie est multiple. C'est aussi un travail de reconstruction de soi."

Propos recueillis par Thomas Desroches, à Angoulême, en août 2022.

Houria, au cinéma le 15 mars 2023.

publié le 15 mars, Thomas Desroches, Allociné

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