Actus cinéma

Après l'échec, les réalisateurs ont-ils droit à une seconde chance aujourd'hui ?

Steven Spileberg / Joe Wright

© Getty Images

Travailler avec l'un des plus gros studios de Hollywood a forcément ses avantages, mais aussi pas mal d'inconvénients. Contrairement au travail avec des sociétés de production indépendantes, les réalisateurs misent un peu plus qu'un simple chèque lorsqu'ils s'aventurent du côté des blockbusters : c'est toute leur carrière qui est en jeu. Et en cas d'échec, il est souvent très difficile de se sortir d'une longue période de disette. À l'heure où les longs-métrages à gros budgets dominent le cinéma d'une main de fer, est-il encore possible d'avoir droit à l'erreur ?

Une autre époque

Dans les années 1980, Steven Spielberg est le leader incontesté d'une nouvelle génération de metteurs en scène. Il propose alors coup sur coup Les Aventuriers de l'arche perdue (1981) et E.T. l'extra-terrestre (1982), deux films qui seront couronnés de succès au box-office. S'ils sont loin d'être les premiers blockbusters, et qu'un certain Star Wars est encore dans les parages, ces films prouvent alors qu'il est possible d'enchaîner les succès avec une formule propre à son cinéaste. Néanmoins, en 1989, Spielberg connaît un revers avec Always qui ne rapporte que 80 millions de dollars à Universal. Si cet accident de parcours aurait pu s'apparenter à un arrêt de mort aujourd'hui, le réalisateur a très vite retrouvé une opportunité au sein du même studio avec Jurassic Park, qui est alors devenu le monstre du cinéma que l'on connaît aujourd'hui.

Autre exemple, celui de Tim Burton, qui engrosse les caisses de la Warner avec Batman Begins et qui se voit offrir la possibilité de mettre en scène son Mars Attacks!, malgré l'échec d'Ed Wood entre temps. Il est aussi important de noter qu'il y a vingt ou trente ans, les chiffres au box-office n'étaient pas comparables avec ceux d'aujourd'hui. Quand Disney et Marvel sont déçus par les 1,4 milliard de recettes d'Avengers : L'ère d'Ultron, n'importe quel studio ouvrait le champagne s'il dépassait 500 millions de dollars à l'époque. D'où l'importance de l'inflation (3D, augmentation du prix du billet) qu'il faut prendre en compte pour mettre en perspective l'immense succès de Titanic (1997) par rapport à celui d'Avatar (2009). Pour résumer, les recettes moins mirobolantes de l'époque et le contexte à prétention (apparemment) moins commerciale mettaient sans doute moins de poids sur les épaules des réalisateurs.

Les nouveaux boucs émissaires

Mais c'était peut-être tout simplement une autre époque. La formation des multiples et énormes franchises, les univers partagés et le désormais classique tandem remake-reboot, ont sans doute changé la donne. Ajoutons à cela les chiffres incroyables du box-office (4 films milliardaires en 2015 !) et on se retrouve avec des majors beaucoup plus tatillonnes quand il s'agit de leur compte en banque. Prenons l'exemple de Joe Wright, qui a dernièrement réalisé Pan. Le film a très vite été classé parmi les plus gros échecs de tous les temps, et devrait même coûter 150 millions de dollars à la Warner. Mais Joe Wright lui-même est devenu une victime collatérale de ce flop car, comme nous l'écrivions il y a quelques jours, Pan lui a sans doute fait perdre la réalisation d'Emperor, le prochain péplum de Lionsgate qui se cherche une nouvelle franchise maintenant qu'Hunger Games est arrivée à son terme.

On pourrait également citer Josh Trank, dont les mauvaises relations avec la Fox et le flop embarrassant des 4 Fantastiques, lui a sans doute coûté la mise en scène de l'un des spin-off de Star Wars. Pourtant, en milieu indépendant, Josh Trank cartonnait au moins au niveau critique. Rappelons que c'est grâce à Chronicle, film à petit budget, qu'il a tapé dans l'oeil de Hollywood. La question de savoir si un bon réalisateur est aussi un bon metteur en scène de blockbuster est alors à se poser sérieusement. Mais le coeur du problème réside plutôt dans le fait qu'aujourd'hui, les majors utilisent les cinéastes comme bouclier face à l'échec, puisqu'ils sont les premiers à pâtir de la très forte demande et de la concurrence.

Une rédemption difficile

Les studios sont-ils moins prêts à prendre des risques pour sauver leur entreprise ? Sans aucun doute quand cela concerne leurs grosses bannières. Mais ce qui est sûr, c'est que pour remonter la pente, les réalisateurs doivent prendre d'autres chemins, légèrement plus tortueux. M. Night Shyamalan en est un parfait exemple. Après l'échec retentissant du Dernier maître de l'air et d'After Earth, le cinéaste est retourné vers des films à plus petit budget. Et si ce retour aux sources lui réussit, notamment grâce à The Visit, tout le monde n'a pas sa chance. Demandez à Martin Brest (Gigli), Ron Underwood (Pluto Nash) ou encore John Carpenter (Ghosts of Mars). Reste alors à se tourner vers la télévision, mais là encore, rien n'est gagné tant le niveau d'exigence est aujourd'hui élevé. À tel point que le secteur est devenu impitoyable, peut-être même plus que le cinéma.

publié le 15 novembre, Hawoly Ba

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