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Adaptations de jeux vidéo : pourquoi est-ce si périlleux ?

Hitman

© Twentieth Century Fox France, DR

En 2013, une étude menée par l'Idate estimait à 66 milliards d'euros le chiffre mondial de l'industrie du jeu vidéo avec près de 50% des foyers français équipés d'une console. Autant dire que l'univers vidéoludique est un sacré vivier dans lequel l'industrie du cinéma n'a pas hésité à piocher ces dernières années. Ainsi, dans les années 1990, les premières adaptations de jeux vidéo au cinéma font leur apparition, et on peut notamment citer l'exemple de Super Mario Bros. en 1993. Si le but premier est de vendre du divertissement à des millions de spectateurs potentiels, la recette ne prend pas à tous les coups. Comment expliquer que le passage de la console au grand écran soit si compliqué ?

La relation très étroite entre films et jeux vidéos

Certains jeux vidéo se sont déjà appropriés tous les codes de la cinématographie, devenant pratiquement des films interactifs. C'est un genre qui a pris beaucoup d'ampleur ces dernières années comme on l'a vu avec des jeux tels que Until Dawn, Life is Strange, The Last of Us, ou encore Beyond Two Souls, mais cela n'empêche pas une certaine appréhension à l'idée de la transposition sur grand écran. Pourquoi ? Pour commencer, il ne suffit pas de prendre un acteur bankable pour que la magie du jeu vidéo soit présente dans l'adaptation. Il s'agit surtout d'avoir suffisamment d'habileté pour recréer les émotions du joueur. Le défi n'est plus le même quand on passe de gamer à spectateur. On accepte de laisser derrière soi le gameplay et l'adrénaline qu'offre le fait d'être aux commandes totales de sa partie pour remettre toutes ses libertés entre les mains d'un seul et même homme.

Les gamers : une communauté très exigeante

Forcément l'attente des joueurs est immense quand le jeu a été un succès. Le film a alors pour but principal d'étendre cet univers qui a marqué, de montrer tout ce que le gamer n'a pas encore vu, et qui mérite de l'être. Le but est donc d'éviter de tomber dans l'écueil classique qui est de s'éloigner complètement de la mythologie et de l'essence de l'oeuvre originale. Se servir des jeux vidéo comme d'un gadget à comédie ne donne jamais rien de bon. Demandez à Pixels ou à Super Mario Bros. Mais quand le fond est travaillé et reste ludique à l'oeil, cela peut donner quelque chose de particulièrement convaincant. Demandez aux Mondes de Ralph.

Derrière ces fameuses attentes, il ne faut pas non plus négliger l'importance du casting, autrement plus important que le cas de la littérature qui laisse plus de place à l'imagination. Les fans suivent alors avec beaucoup d'attention qui se glissera dans la peau d'Adam Jensen du futur Deux Ex, se plaignent du choix de Rupert Friend pour Hitman: Agent 47, raille l'incarnation de Jake Gyllenhaal en Prince of Persia, ou approuve le choix d'Angelina Jolie dans la peau de Lara Croft. Ce qui est particulièrement important puisque l'image de l'acteur affublé de la tenue de son héros préféré est un argument de vente non négligeable.

Jouer la carte de la prudence

L'autre alternative, c'est le film d'animation ou la motion capture comme l'inverse a été fait pour le jeu vidéo. La dernière galette de Supermassive Games, le survival horror Until Dawn, compte dans son casting Hayden Panettiere, Brett Dalton, Rami Malek ou encore Peter Stormare. Ces derniers ne prêtent pas seulement leurs voix aux personnages, mais aussi leurs visages, parfaitement reproduits dans les moindres émotions par le studio grâce à la performance capture. C'est un moyen bien pratique pour ne pas subir la foudre des fans, et parfaitement applicable au cinéma comme Andy Serkis en a fait sa spécialité.

Au-delà du désir mercantile pur et dur qui donne rarement de bons résultats, d'autres facteurs provoquent également des sorties de piste. Certaines majors ont la fâcheuse tendance de catégoriser d'entrée certains jeux comme réservés à un public masculin en usant du pack complet du cliché geek : les personnages principaux musclés, les femmes reléguées à des rôles d'assistantes généralement peu vêtues pour satisfaire le globe oculaire d'une gente masculine que l'on croirait préfabriquée, des explosions, et une aventure dont le scénario est sinon bancal tout simplement inexistant. Là-dessus Uwe Boll (Far Cry Warrior, The House of the Dead, Alone in the Dark) est passé maître. Un tableau qui peut non seulement provoquer la colère des féministes et saborder toute une promotion, mais aussi perdre tout intérêt dès lors qu'il sort du cadre des hautes exigences de notre époque.

Malgré l'énorme défi et le risque que représente la transposition de jeux vidéo au cinéma, de nombreux films sont prévus dans les années à venir : parmi les plus attendus citons Uncharted, World of Warcraft, Assassin's Creed ou encore Inferno. En espérant que les studios et réalisateurs se servent des erreurs du passé pour donner enfin aux joueurs et au reste du public l'adaptation qu'ils méritent.

publié le 6 septembre, Hawoly Ba

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